La réindustrialisation et la commande publique au cœur des débats des Rendez-vous 360

Étienne Leroi, président de Grand E-Nov+, Paul de Montclos, Président de France Terre textile et PDG de l’entreprise Garnier- Thiebaut et Yves le Gougec, directeur général Drager en France étaient invités à livrer leurs expériences et expertise sur le sujet.

Dans le cadre du plan de relance régional « Business Act Grand Est», les RDV 360 Grand Est réunissent des acteurs locaux afin de débattre de questions relatives à la (re)dynamisation du territoire. La dernière édition était consacrée à la commande publique et à la réindustrialisation, deux leviers d’actions complémentaires pour soutenir et renforcer l’économie du Grand Est.

S’il y a bien une prise de conscience que la pandémie aura révélée, c’est celle de l’indépendance. Indépendance économique, énergétique et industrielle. Et après des années de stratégie de délocalisations d’outils de production vers l’Asie ou l’Europe de l’Est notamment, aujourd’hui, le gouvernement, grâce au plan de Relance et aux subventions qu’il accorde, incite les entreprises à produire Français et à relocaliser. C’était d’ailleurs tout le sens de la venue de la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher, il y a quinze jours dans la Marne (Pamb 7907) mais aussi du ministre de l’Agriculture en janvier dernier (Pamb 7900), venu prôner « la souveraineté énergétique grâce à l’agro-écologie ». C’est donc tout logiquement que le dernier rendez-vous 360 Grand Est était consacré à la réindustrialisation et à la commande publique pour soutenir les secteurs des travaux publics, selon l’adage « quand le bâtiment va, tout va ».

FORMATION ET INNOVATION

C’est de la ville de Troyes où il était venu soutenir et constater le dynamisme de la filière textile, emblématique du savoir-faire français, que Jean Rottner, président de Région, a entamé son discours d’ouverture. « La commande publique est un élément décisif de la reprise de l’économie. Nous prenons des mesures de soutien en ce sens, entamées avec le Business Act, qui sont également très en lien avec la notion d’industrialisation ou de réindustrialisation. Il faut être rapide et agile. Les entreprises de la région ne s’y sont pas trompées, car 80% des lignes budgétaires engagées ont d’ores et déjà été consommées, ce qui prouve la volonté et l’engagement des acteurs sur le terrain », a-t-il souligné. François Grosdidier, Maire de Metz et président de Metz Métropole, qui accueillait une partie des intervenants du rendez-vous 360 lui a emboité le pas : « On parle de ré-industrialisation, mais nous en avons toujours eu une. Et elle commence avec la formation, la recherche et l’innovation, indispensables pour prendre en compte et accélérer la mutation du secteur. »

Tout l’enjeu est ainsi de démontrer que le Grand Est a les ressorts et les outils de la reprise économique. « Il faut générer de l’activité et de la valeur ajoutée, en nous appuyant sur la commande publique qui représente 6 milliards d’euros par an dans le Grand Est et la ré-industrialisation », a pour sa part insisté Lilla Merabet, vice-présidente et faisant partie de la Délégation à la thématique Compétitivité, Innovation et Numérique à la Région. Pour cela, l’organisme lance une grande campagne de rénovation de ses établissements scolaires, « la Région disposant de 5 millions de mètres carrés de lycée », a-t-elle appuyé.

À cette table ronde, était également présent Bernard Nicaise, directeur de réseau Grand Est BpiFrance. Ce dernier a rappelé le rôle de la banque d’investissement des territoires avec notamment la mobilisation de 100 millions d’euros de prêts rebonds dans la région.

« Nous avons financé des prêts pour soutenir l’activité et l’investissement mais également couvrir les besoins immatériels de l’entreprise. » BpiFrance dont le soutien et l’accès des PME/TPE à la commande publique est « une des plus anciennes missions ». « Il faut certes répondre à la commande publique mais aussi pouvoir l’exécuter, et pour cela, les entreprises ont besoin de financements, cela passe par des offres et un accompagnement », explique Bernard Nicaise.

SE RÉAPPROPRIER LES MARCHÉS

Le témoignage de Paul de Montclos, PDG de l’entreprise Garnier-Thiebaut, célèbre marque vosgienne de linge de maison depuis 1883, est venu apporter un éclairage concret. « Aujourd’hui, 95% du textile consommé en France vient de l’étranger », assène-t-il. « Il faut permettre aux industries de se ré-approprier des marchés qui étaient partis ailleurs. Et cela passe par une plus-value et des savoirs-faire. En effet, si on a pour habitude de dire que l’industrie du textile est la plus polluante au monde, l’industrie du textile française est la plus propre. » C’est dans cette direction qu’est orienté le plan de relance avec des soutiens à des projets s’inscrivant dans une démarche écologique et d’innovation. Garnier-Thiebaut fait ainsi partie des bénéficiaires du fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires pour un projet de relocalisation de certaines sources d’approvisionnement et d’opérations industrielles, jusque-là sous traitées. Celui-ci qui entrainera une diversification des activités et la modernisation de l’ensemble du processus de fabrication. « Élaborer un nouveau modèle économique, basé sur des énergies bio-sourcées, où l’on favorise le recyclage doit être pris en compte dans la manière de fonctionner des nouveaux atelier », souligne Paul de Montclos.

« Le Covid a redistribué les cartes », embraye Véronique Granata, gérante de l’atelier d’Ariane, à Lavau dans l’Aube, soutenu par Etienne Leroi, dirigeant de la société Schlumberger, spécialisée dans la fabrication de machines pour l’industrie textile. « Nous devons reconstituer la filière des filatures en prenant en compte le prix mondial. C’est pourquoi nous devons développer la technologie mais aussi former sur des techniques précises et de qualité. »

La Pandémie a ainsi poussé plus rapidement que prévu la plupart des secteurs à se ré-inventer, à prendre à marche forcée le train de l’avenir avec le besoin d’innovation et d’adaptation. Le secteur de l’automobile en est un exemple criant. David Cousquer, fondateur de Trendeo, observatoire de données économiques et d’analyses sur l’emploi indique : « La région Grand Est, traditionnellement impliquée dans le secteur automobile va devoir s’adapter, en se positionnant notamment sur les nouvelles chaines de production de batteries pour véhicules électriques, produites aujourd’hui essentiellement en Asie. » Saisir des opportunités, c’est bien ce qu’a fait l’entreprise Alizé Group, créatrice de puzzles en Alsace, qui a opéré un virage stratégique en redéveloppant et produisant ses propres marques. Alizé Group va ainsi devenir le seul fabricant de puzzles à échelle industrielle en France. De 11 millions d’euros en en 2020, l’entreprise ambitionne de doubler son chiffre d’affaires d’ici deux à trois ans.

Concernant la commande publique, le secteur des travaux publics doit répondre à l’exigence des nouvelles normes environnementales. « Nous avons mis en place le retraitement des matériaux sur les chantiers, dont 75% sont réutilisés. C’est très bien et nous devons aller encore plus loin», livre pour sa part le Marnais Hervé Noël, président de la Fédération des Travaux publics du Grand Est. « Nous avons par ailleurs créé un label RSE pour pouvoir intégrer la qualité des entreprises dans les appels d’offres. »

Ainsi, grâce à la nouvelle loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) qui simplifie l’accès des PME à la commande publique, les marchés publics constituent un gisement de nouvelles opportunités pour les entreprises, en France et en Europe. D’autant plus à l’heure où France Relance et le Business Act Grand Est amènent un investissement inédit dans les territoires. Réindustrialisations, relocalisations stratégiques, ressourcing, attractivité, création d’emplois pérennes : l’industrie est au cœur des Plans de relance et des enjeux économiques du Grand Est.