Finance, fiscalité et morale en période de crise

La sortie du confinement doit s’accompagner de prises de position fortes et notamment d’une importante réforme fiscale.

C’est Pâques ! D’habitude, les personnes du monde entier se réunissent pour exprimer leur joie. Cette année, la foule est invisible, nous sommes tous confinés chez nous, accrochés à notre ordinateur, smartphone, télévision, à l’affut de nouvelle sur l’épidémie et l’espoir d’en sortir bientôt, comme jadis nos aïeux, à l’écoute de Radio-Londres, en attente d’une Libération. On pourrait penser que le plus grand danger qui menace notre société est d’ordre spirituel, plus encore que social ou économique. Comme les disciples de l’Evangile, nous avons été pris au dépourvu par cette tempête furieuse et inattendue.

Elle nous a révélé notre vulnérabilité et détruit les fausses sécurités sur lesquelles nous avions construit nos priorités et habitudes. La grandeur et la richesse de notre monde ne sont que vanité : un virus invisible est capable de bouleverser le cours de l’histoire et faire plier les grandes Puissances.

Elle nous a crûment rappelé que la quarantaine et le confinement des malades en périodes d’épidémies (rougeole, coqueluche, peste noire, choléra, typhus, grippe espagnole, etc…) faisaient partie de l’histoire humaine.

En réalité, les épidémies, comme toutes catastrophes, permettent le déploiement des plus belles qualités humaines : saint Roch de Montpellier, Mgr de Belsunce, à Marseille. Ce temps d’épreuve est celui du choix entre ce qui importe et ce qui passe. À l’heure où la France est en proie à la plus grave crise sanitaire depuis un siècle, où les hôpitaux redoutent le pic du coronavirus, se soucier de finance et de fiscalité pourrait paraître indécent. Pourtant, les circonstances exceptionnelles que nous traversons vont très rapidement conduire à d’importants bouleversements économiques, sociaux et politiques. Les premières estimations de la Banque mondiale font état de plus d’un demi-milliard de personnes venant de tomber sous le seuil de pauvreté. L’arrêt brutal de la circulation des biens et des personnes va entraîner de multiples pénuries (alimentaires, matières premières, électronique, etc).

Les chefs d’État et ceux qui les assistent doivent aujourd’hui prendre des décisions qui vont toucher nos vies, porter atteinte à nos libertés, mais que les circonstances rendent nécessaires. Ceux qui exercent le pouvoir ont pour mission d’agir pour le bien commun. Le Général de Gaulle l’avait bien compris, lui qui détenait la légitimité charismatique de l’Homme du 18 juin. Peu des gouvernants actuels en ont conscience. Ils font face à la critique, même si la préservation de l’unité nationale éteint provisoirement les contestations, sachant parfaitement que lorsque les temps difficiles s’achèveront, ils seront interrogés sur leurs actes et qu’ils devront faire face aux conséquences de cette crise. De telles situations révèlent le courage et la lâcheté, le désintéressement et la rapacité, des personnes et des groupes humains. Elles sont le plus impitoyable des juges. Elles dressent le tribunal public devant lequel chacun est convoqué, qu’il est impossible de fuir. C’est pourquoi le peuple est si attaché à l’élection. Nous sommes tous des gouvernants, la plupart d’entre nous avons charge de famille, de vieux parents affaiblis ou malades. S’il n’est pas facile, en ce moment, de faire face aux enfants turbulents à occuper, d’adolescents inquiets à rassurer, de prendre soin des aînés que le confinement empêche de voir, c’est la mission qui nous est confiée.

Beaucoup font preuve d’héroïsme : les médecins, infirmiers, ambulanciers, gendarmes, pompiers… jetés dans la fournaise sans équipements suffisants. Ils sont abandonnés sur la ligne de front, comme autrefois les Poilus à Verdun, nul ne sachant sur qui l’obus tombera. Il en est de même de tous ceux dont le labeur est indispensable : chauffeurs de poids lourds, caissières de supermarché, livreurs, etc…

L’héroïsme s’étend également à ceux qui, coûte que coûte, continuent à faire tourner la machine économique : dirigeants d’entreprises, de sociétés, d’Etudes ou cabinets, confrontés à l’arrêt ou au ralentissement des activités, aux règlements des charges, à la disparition des liquidités financières, à maintenir leurs salariés ou collaborateurs.

Il en va aussi des bénévoles qui contribuent à soutenir les personnes qui souffrent, les pauvres et les malades. Il en est enfin des prêtres accompagnant les mourants dans leurs derniers souffles de vie, ceux qui traversent les ravins de la mort ne devant craindre aucun mal.

L’esprit de sacrifice, l’oubli de soi, nous montrent les grandes âmes, le chemin vers l’Humanité. Dans une telle situation, nos dirigeants se doivent de prendre des positions fermes et lucides, dans l’intérêt de la Nation et du peuple. La dette doit être restructurée dans un important programme de réformes permettant de restaurer la Confiance dans l’État et une importante réforme fiscale doit être enfin réalisée reposant sur des bases plus justes.

LA NÉCESSAIRE RESTRUCTURATION DE LA DETTE

Le système généralisé de « l’État-banquier », reposant sur une politique d’aides économiques et sociales, d’emprunts et de création monétaire, bouleverse les structures et les fondements de la finance. L’État souhaite assister telle branche en difficulté, protéger tels groupes ou entreprises dont la situation est critique, recourir au chômage partiel… Cet interventionnisme de fait, ne recherchant aucun équilibre général, est en train de tarir l’épargne, et produire de l’inflation. Très rapidement la France va se retrouver confrontée à la réalité de sa dette, les réserves nationales ou européennes ayant atteint un niveau critique et dangereux.

DEUX ÉLÉMENTS S’IMPOSENT

Le premier, intérieur, consiste à éloigner les obstacles politiques en créant un climat permettant de contrôler l’action monétaire. La France a besoin d’une solidarité nationale salutaire pour reconstruire son Etat sur des bases modernes, démocratiques, transparentes et sûres. Il importe de sauvegarder les institutions sanitaires, éducatives, économiques, sociales, en collaboration avec les institutions publiques et privées pour préserver la dignité de l’Homme et une vie convenable. Les responsables politiques et financiers doivent s’efforcer de protéger le droit des dépositaires en banque, notamment des plus petits, car leurs dépôts sont une nécessité et un besoin pour leur survie et celle de leurs familles.

Le deuxième, extérieur, consiste à ce que l’ensemble des pays accueillent favorablement ces réformes. Cette crise mondiale, du fait de son ampleur, doit être gérée au niveau international, avec des actions nationales et locales, sur plusieurs niveaux de coordination.

LA NÉCESSITÉ DE RÉALISER ENFIN UNE IMPORTANTE RÉFORME FISCALE

La France se doit d’entreprendre, avec les autres grands États, la grande réforme fiscale, tant attendue depuis la crise financière de 2008, permettant de taxer enfin, au plus près et au plus juste, les bénéfices extraordinaires des grandes sociétés qui échappent à toute fiscalité, les produits financiers spéculatifs, et toutes les activités ayant un impact négatif sur l’environnement.

En outre, l’absence de toute préparation à une « mobilisation économique de guerre » va permettre à certains de réaliser des bénéfices très importants : sociétés numériques et informatiques, grande distribution, entreprises et commerçants profitant de la disparition de concurrents, industriels favorisés par l’arrêt des importations…, de nature à répandre dans le pays une grave crise de méfiance. La France se doit de mettre en œuvre une contribution sur les bénéfices exceptionnels réalisés au cours de cette période. Si, les Français supportent assez facilement les malheurs qui les frappent, ils ne peuvent accepter de voir leur voisin gagner de l’argent, en des temps de tristesse et de deuils.

L’histoire nous apprend que la mise en application d’une profonde réforme fiscale repose sur la confiance des Français, c’est pourquoi l’Union Sacrée, le Bloc National et l’Union Nationale ont pu entreprendre des réformes importantes. Les métamorphoses fiscales sont rares dans l’histoire et liées à une phase critique ou exceptionnelle de la société qui rend possible une « révolution fiscale ». Ce virus ne doit pas nous vaincre, bien au contraire, il doit nous rendre plus forts, dans une société plus engagée, solidaire et unie. Une société qui résiste à toute adversité.

Par Ludovic Serée de Roch, Avocat à la Cour

Ludovic Sérée de Roch.