Working Girl’s made in Champagne Ardenne

es Working Girl’s ont créé “un calendrier de l’Après” pour faire la promotion de leur boutique tout en reversant les bénéfices au Téléthon.

Alors que la plupart des secteurs traversent une grave crise économique, les femmes entrepreneurs du rethélois ont décidé de s’organiser, pour se soutenir mais aussi pour se donner un nouvel élan et participer au dynamisme de leur territoire.
À Reims, une telle association existe déjà, depuis 1945.

Selon les dernières données de l’INSEE, les créateurs d’entreprises individuelles en 2019 ont en moyenne 36 ans. Parmi eux, 40 % sont des femmes. Cette proportion est quasi stable depuis 2015, alors qu’elle augmentait progressivement depuis 30 ans (29 % en 1987 et 33 % en 2000). Elle est quasiment identique pour les créations d’entreprises individuelles classiques et pour les immatriculations sous le régime du micro-entrepreneur. Malgré ces chiffres, la majorité d’entre elles s’accordent à dire qu’elles rencontrent plus de freins dans l’exercice de leur activité, et qu’elles doivent toujours prouver une crédibilité qui ne leur est pas acquise d’avance.

ONZE FEMMES AU SEIN DE L’ASSOCIATION

C’est de ce constat qu’est parti Marine Englert pour créer l’association les Working Girl’s du Rethélois. Agent général d’assurance dans la région depuis janvier 2020, c’est après une discussion avec sa voisine de local d’activité – l’esthéticienne à la tête de l’institut À fleur de peau – que l’idée a germé. Quelques discussions et contacts plus tard, elles étaient déjà onze à vouloir se réunir au sein d’une structure pour « se soutenir, s’entraider, se promouvoir les unes les autres mais aussi dynamiser le tissu local ». Jonglant entre vie professionelle et vie de famille, elles souhaitent faire entendre leurs voix. « Nous partageons les mêmes valeurs et les mêmes envies », indique Marine Englert qui insiste sur « la richesse des échanges et la volonté d’être actrices du territoire ». Soucieuses de ne pas se faire « une concurrence déloyale », elles sont volontairement de secteurs différents. « Comme un des buts de l’association est de se promouvoir, il est nécessaire que nous ayons un large spectre d’activité », livre celle qui est aujourd’hui présidente des Working Girl’s du Rethélois. On peut ainsi retrouver une commerçante spécialisée dans l’épicerie de fruits et légumes à Sault-lès-Rethel, une bijoutière, une commerçante de prêt-à-porter pour enfant, une autre en prêt-à-porter féminin au Chatelet-sur-Retourne, une coach en bien-être, une entrepreneuse en cosmétique…

DES ANIMATIONS POUR DYNAMISER LE COMMERCE

C’est pourquoi les cheffes d’entreprises exercent aussi bien à Rethel que dans les communes alentour. « Nous échangeons sur les savoir-faire de chacune, car même si nous ne travaillons pas dans le même secteur d’activité, nous sommes amenées à rencontrer le même type de problématiques. » Afin de dynamiser le commerce, elles ont mis en place des animations. La dernière en date est la création d’un « calendrier de l’Après ». « Dans un contexte de Noël un peu morose, on a lancé un calendrier où l’on alimente deux cases chacune en mettant en avant notre commerce, avec des bons de réduction ou des échantillons. » Vendu 20 euros, il contient l’équivalent de presque 200 euros de chèques et d’achats. « Nous en avons fait 80, mais ils sont partis en 2 heures. On aurait pu en faire 300 ! » livre Marine Englert. Les bénéfices de ces calendriers seront versés au Téléthon, soit l’équivalent de 13,50 euros par sac. D’autres opérations commerciales suivront, au gré « du calendrier national, avec des évènements comme Octobre rose ou les fêtes de Pâques », indique d’ores et déjà la présidente de l’association. « Le centre-ville de Rethel est dynamique quand les boutiques sont ouvertes, et en discutant avec les commerçants, s’ils avaient pu ouvrir toute l’année, ils auraient fait de très bons chiffres. Le confinement et la crise sanitaire ont renoué le lien des habitants avec leur centre-ville et les boutiques de proximité. Il y a une sorte de prise de conscience de voir les rideaux baissés, les rues désertes. On s’aperçoit qu’on a besoin que nos centres vivent et soient dynamiques, c’est aussi dans cette perspective qu’ont été créées les Working Girl’s. »

À la FCE, cheffes et déterminées

À Reims l’association FCE (Femmes Chefs d’Entreprise) existe depuis 1945. Depuis, elle a essaimé dans toute la France et même au-delà des frontières.

L’histoire de la création de l’association mérite d’être racontée. À l’origine de la FCE, il y a une femme : Yvonne- Edmond Foinant. Ardennaise, elle est mariée à un ingénieur des Arts & Métiers qui ouvre en 1913, avec son beau-frère, une usine de clés de serrage située à Charleville-Mézières. Elle prend la direction de l’entreprise au moment où la Première Guerre mondiale éclate. Dans un secteur industriel très masculin, Yvonne Foinant s’impose, alors qu’elle n’a que 22 ans. Femme d’action, le rôle lui plait tant qu’elle assume les fonctions de directrice commerciale, jusqu’au décès de son époux, en 1928.

Elle reprend alors les rênes de l’entreprise, rebaptisée Savarin et Veuve Foinant, et en devient la gérante statutaire.

« Ce fut la première femme à prendre un mandat à la CCI ainsi qu’à être élue déléguée à la Confédération Générale du Patronat français (actuel Medef ) », relate Virginie Bonnerot, présidente de la FCE Champagne comprenant aujourd’hui 36 membres et 60 dans le Grand Est. Quand on lui demande quel est l’intérêt d’une telle association, celle qui est aussi avocate répond : « C’est principalement de l’entraide. On s’est aperçu que les femmes chefs d’entreprises avaient du mal parfois à se positionner comme tel. On est là pour encourager à oser, à s’affirmer et rappeler qu’une femme est aussi capable qu’un homme. En fait, on ne devrait même pas se poser la question. » S’encourager, mais aussi partager des problématiques. « Cela peut être une difficulté à gérer ses salariés, une crainte particulière, mener un entretien ou une prise de parole en public. Ici, on ne juge pas, on est là pour soutenir et accompagner. » Le but de la FCE n’est « pas de faire du business en échangeant des cartes de visites même si c’est aussi un réseau, il y a au sein de notre association, une réelle bienveillance ».

La trentaine de femmes se réunit ainsi une fois par mois, avec un intervenant qui va répondre à une thématique particulière.

« Nous avons eu récemment Nicolas Resseguier, ancien directeur départemental Marne de la Banque de France mais aussi Jean-Marie Soyer, président du Tribunal de commerce qui sont venus répondre à tout un ensemble de questions, généralement en rapport avec l’actualité. Dernièrement nous avons évoqué par exemple le contrat d’assurance en période Covid », explique Virginie Bonnerot. L’association regroupe en effet tous types de femmes chefs d’entreprise, de tous secteurs et de toutes tailles de société. « Nous avons des avocates, des experts-comptable, des femmes qui sont à la tête d’entreprises de transport ou dans le secteur de l’industrie, dans des entreprises avec moins de 5 salariés à plusieurs centaines. »

Et si les gestions ne sont pas les mêmes, « souvent les problématiques, elles, le sont ». Entrée en 2012 au sein de la FCE en venant y chercher une bouffée d’air frais, 8 ans plus tard, Virgine Bonnerot a à cœur de poursuivre sa mission « pour ne plus que les femmes se sentent isolées à la tête d’une entreprise. Ce que je souhaite, c’est qu’un jour, plutôt que de faire les gros titres de la presse, le fait qu’une femme ait un poste à responsabilité devienne un non-sujet. » Et si l’avocate insiste sur le fait que la FCE n’est pas une « association féministe » dans le sens où elle n’est pas militante, elle compte bien défendre la légitimité à être une femme chef d’entreprise. Et force est de constater que des efforts sont encore à faire en la matière : en 2020, à compétence égale, le salaire d’une femme est encore 15,5% inférieur à celui d’un homme.

Les cheffes d’entreprises marnaises (avant période Covid).