Wilfrid Séjeau : la diversité passe par la liberté

Libraire à Nevers et président d’Initiales, Wilfrid Séjeau joue les remparts pour garantir la diversité du livre au sein d’un réseau de librairies indépendantes qui s’affiche comme le pilier du marché du livre.

Avec plus de 600 romans pour cette rentrée littéraire dans une ère de crise, éditeurs et libraires envisagent de mettre en avant les poids lourds de l’édition. Une réponse immédiate à une situation préoccupante : l’un des plus grands groupes d’édition française, Gallimard, estimait à 74 % la perte de son chiffre d’affaires. Ce qui donne une idée de l’état de la petite édition.

Face aux grandes enseignes, certains libraires continuent de privilégier le livre au produit. Au terme « librairies indépendantes », Wilfrid Séjeau, libraire depuis 12 ans à Nevers et président de l’association Initiales qui regroupe des librairies « hors-groupes », préfère celui de « librairies libres » : « C’est un choix que nous faisons de ne pas nous affilier à des grandes enseignes commerciales et de conserver notre liberté en matière de choix et de promotion du livre ». Une fronde ? Pas vraiment. Avant tout une politique qui vise à mettre en avant des coups de cœur en parallèle des best-sellers : « On ne peut pas faire l’impasse sur les best-sellers, nous en avons besoin pour faire aimer le livre, mais ce que nous cherchons, c’est à nous détacher de l’actualité immédiate et garantir la diversité en nous affranchissant des centrales d’achat ». Pour soutenir cette ambition, l’association publie depuis six ans sa revue éponyme Initiales, un trimestriel dont le choix éditorial est conçu par les libraires adhérents : « Les meilleurs ventes n’ont pas besoin de nous pour être promues. Nous mettons en avant nos choix personnels, tout en consacrant un dossier dans chaque numéro à une valeur sûre de la littérature ». Le numéro 11, paru en juillet et offert dans les librairies du réseau remet en lumière l’un des piliers du mouvement littéraire britannique Angry Young Men – jeunes hommes en colère – l’écrivain John Wain, disparu en 1994. Loin d’une utopie, les librairies indépendantes solidifient un marché souvent première victime des crises : avec une hausse de 2,7 % de leur chiffre d’affaires (contre 1,5 % pour l’ensemble du secteur) les librairies indépendantes représentent désormais 42 % du marché du livre. Et preuve que le livre n’est pas mort, dans un secteur qui a vu plusieurs enseignes historiques baisser le rideau à l’ère post-covid, Wilfrid Séjeau, également élu (EELV ) de la Nièvre, veut se montrer optimiste : « Nous n’avons jamais eu autant de ventes depuis la reprise. Les lecteurs sont revenus dès la réouverture, mais il faut voir sur du plus long terme ».