Voiture électrique : l’industrie automobile est attendue au tournant

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Le véhicule de demain sera forcément hybride ou électrique. Mais encore faut-il que les industriels s’y mettent… Un enjeu pour lequel l’Occitanie a quelques cartes à jouer.

Favoriser l’innovation dans l’industrie des transports – pardon, de la « mobilité » : tel était le but de la journée d’échanges organisée le 29 janvier au centre de congrès Pierre Baudis par l’agence régionale de développement économique Ad’Occ et le cluster Automotech. Une journée qui, bien que réunissant principalement des industriels locaux et nationaux francophones, était consacrée au thème de la « French mobility » (sic), en écho à l’initiative du même nom lancée par le ministère chargé des Transports. Mais derrière les effets de mode, une telle journée a révélé, en filigrane, une certitude : l’industrie automobile doit se transformer. D’abord parce que « comme nous l’avons vu avec les Gilets jaunes, la question de la mobilité peut être un facteur déclencheur de crise », a rappelé d’emblée, dès le début de la rencontre, Jean-Louis Pech, le président du directoire du groupe Actia, spécialisé dans la fabrication de composants électroniques pour l’industrie automobile – qui dirige également le cluster régional Auto-motech. Ensuite parce que, dans le contexte d’une prise de conscience grandissante du réchauffement climatique, le moteur thermique des voitures n’est plus guère source d’admiration ; et les contraintes sur les émissions de CO2 promettent de taper dur sur les constructeurs. Ainsi, rappelle Marc Mortureux de la Plateforme automobile (qui rassemble les industriels de la filière en France), « de par la réglementation européenne, nos voitures ne devront pas dépasser 95 g de CO2 par km. Or, depuis 2016, on n’est plus du tout dans cette logique de baisse du CO2, et il devrait y avoir même une petite remontée en 2018. Pourquoi ? Parce qu’on n’avait pas anticipé le Dieselgate et la baisse extrêmement rapide [du nombre de vente] de diesels au profit de modèles essence qui, pour l’essentiel, à modèle équivalent, émettent 15 % de CO2 en plus. Donc, les constructeurs se retrouvent avec un fossé absolument gigantesque entre les émissions et les progrès à faire d’ici à 2021, sachant qu’aujourd’hui, on est à entre 115 et 118 g de CO2 par km ». C’est pourquoi, juge Jean-Louis Pech, « l’objectif de 95 g n’est absolument pas atteignable, sauf à vendre dès janvier 2020 entre deux et demi et trois fois plus de véhicules électriques et hybrides rechargeables. Mais, comme on le voit aujourd’hui avec les Gilets jaunes, on peut se demander si les gens vont suivre… Faute de quoi, s’ils ne tiennent pas les objectifs, les constructeurs vont devoir payer des pénalités considérables : 95 € par gramme de dépassement et par véhicule vendu, ce qui nous amène au milliard d’euros, voire plus. C’est inenvisageable ! ».

La transformation attendue « de l’offre de véhicules est d’autant plus importante que nous nous sommes engagés par un contrat de filière à multiplier les ventes de voitures électriques entre 2017 et 2022, un objectif cohérent avec les baisses d’émission de CO2 en 2021 ; et surtout avec celui d’une baisse à l’horizon 2030, qui nous oblige à diviser d’un peu plus de deux fois ces émissions. Ce qui signifie, à l’échelle de l’Europe et sur 19 millions de véhicules vendus chaque année, sept à huit millions de voitures 100 % électrique, quatre à cinq millions d’hybrides rechargeables, et le reste en thermique hybridé ».

VERS UNE UNION SACRÉE POUR LES NOUVELLES MOTORISATIONS ?

Ce qui suppose une mutation totale de l’offre automobile, en particulier dans l’électrique, dès aujourd’hui. Pourtant, les acheteurs semblent peu à peu se laisser convaincre : « en 2018, il y a eu 31 000 ventes de véhicules électriques contre 24 000 en 2017, note Marc Mortureux. Soit un rythme d’augmentation de 25 % : or, pour atteindre nos objectifs, il faudrait une croissance moyenne de 60 % jusqu’en 2022 ». Aujourd’hui, la voiture électrique représente « à peu près 1,2 % de part de marché. Cela fait 20 ans que l’on en parle, il faut maintenant convaincre les gens que cette fois-ci, c’est la bonne, le véhicule électrique va se faire ». Moralité : le véhicule électrique représente « un enjeu absolument majeur pour la filière automobile », mais dont la réussite ne dépend pas seulement « de l’offre de véhicules ou leur promotion, cela repose aussi sur tout un écosystème ». Mais encore faut-il que tous les industriels de la filière jouent le jeu, car « l’automobile est une filière dure, hypercompétitive, où le mot de solidarité n’est pas très facile à concrétiser ! Mais on ne réussira pas si on n’arrive pas à bien travailler ensemble… », prévient Marc Mortureux.

Un défi qui, souligne le président d’Automotech Jean-Louis Pech, modifie aussi les règles de la mécanique automobile : « l’électromobilité transforme vraiment l’architecture des véhicules : ce sont de plus en plus des smartphones sur roues, empreints d’électronique ». Cependant, ce dernier estime que cette mutation « offre une opportunité particulière à l’Occitanie et surtout à la métropole toulousaine, puisqu’elle dispose de ressources humaines dans ses pôles scientifiques très importants, c’est d’ailleurs à ce titre-là qu’elle a été choisie parmi les quatre villes qui accueilleront le développement de l’intelligence artificielle ». Pour preuve, un centre d’essais pour le véhicule autonome devrait être installé dans l’ancienne base de Francazal, sur un espace de deux à trois hectares. Selon Marc Bel, directeur général délégué à la gouvernance et au développement économique de Toulouse Métropole, le terrain nécessaire à l’installation du projet sera acheté au cours du premier semestre de cette année, pour un début d’exploitation en 2020.

Automotech, le cluster régional de l’automobile
Face à l’importance de la filière aéronautique en Occitanie, il veut faire aussi valoir celle des transports terrestres.

Créé en 2012 par des industriels de Midi-Pyrénées comme Actia et Continental, le cluster Automotech compte aujourd’hui 84 membres, qui représentent 15 000 emplois dans l’industrie automobile, réparateurs, concessionnaires et démolisseurs automobiles compris. « Notre but est de regrouper les acteurs industriels et articuler leurs relations avec l’ensemble du territoire non seulement pour y être présent, mais pour donner à ce dernier une visibilité dans la mondialisation autant que dans la compétition très acharnée avec d’autres territoires, y compris à l’échelle nationale, explique Jean-Louis Pech, le président d’Automotech. Notre association est regroupée en trois collèges : industriels bien sûr, mais aussi institutionnels et la formation », tout comme il représente officiellement la Plateforme automobile (PFA) « auprès des élus et des entreprises d’Occitanie ». « La mobilité est une signature très importante de la région, c’est pourquoi nous faisons la promotion de l’innovation de nos entreprises, dont beaucoup de PME, en investissant à travers des infrastructures de démonstration ou des opérations de proximité par lesquelles elle peuvent s’exprimer » vis-à-vis, par exemple, du monde universitaire. Mais aussi auprès de la Région, en s’efforçant de faire entrer des projets liés aux « transports terrestres intelligents » dans le Schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation (SRDEII).