Vite, un cerveau… lent !

(Photo : Pixabay)

Mieux comprendre le fonctionnement de notre cerveau nous aide à mieux nous en servir.

Notre cerveau nous facilite grandement la vie. Il nous simplifie notre quotidien. D’abord parce qu’il va vite, très vite. Mais aussi parce qu’il le fait avec une autonomie folle.

À FOND !

Malgré sa complexité, ses milliards de neurones et de connexions électriques, notre cerveau va tellement vite qu’il nous permet en quelques secondes de nous faire une idée souvent définitive sur les gens ou les choses. Nous sommes abordés par un inconnu dans la rue et magie du cerveau, il nous dit en un rien de temps à qui nous avons à faire. Il va même nous conseiller d’être un peu méfiant, de partir en courant ou au contraire d’écouter et d’accueillir cette personne les bras ouverts. Un enfant nous jette un objet au visage non identifié. Magie du cerveau, il va analyser puis identifier ultra rapidement le danger puis commander non moins rapidement à tout notre corps de nous décaler sur la droite.

ET SANS NOUS !

Rapide notre cerveau mais aussi très autonome. Il a en effet très souvent l’immense avantage de ne pas nous solliciter. Tellement autonome que dans 95% des situations il travaille sans nous, tout au moins sans notre conscience. Il analyse et surtout décide sans que nous y prêtions réellement attention. Un collaborateur nous présente un nouveau projet. Et malgré la quantité d’informations très détaillées reçue en trente minutes, avant même la fin de la réunion, nous savons si nous allons poursuivre ce projet ou pas. Magie de notre cerveau, le rapide mais néanmoins ultra perfectionné programme d’analyses utilisé pour nous servir sur un plateau la décision a fonctionné quasiment sans nous… Cette faculté qu’à notre cerveau à ne pas nous impliquer sur tout, tout le temps est aussi d’une grande utilité : la fameuse faculté que nous avons de faire plusieurs choses à la fois. C’est quand même bien pratique de pouvoir conduire tout en pensant très précisément à ce que nous ferons à dîner ce soir. Et pourtant la conduite d’une voiture demande beaucoup d’actions et de décisions successives et coordonnées : tourner le volant, passer les vitesses, regarder dans le rétroviseur, utiliser les pédales… Quoi demander de plus à quelqu’un ou quelque chose qui agit vite et seul : rapidité et autonomie sont souvent les comportements qui sont associés à l’efficacité, la performance professionnelle ou sportive.

CERVEAU… TOMATIQUE

Mais tout cela n’a rien à voir avec de la magie ou du hasard. Il s’agit d’un des modes de fonctionnement désormais bien connu de notre cerveau : son mode automatique. Grâce à son énorme capacité d’apprentissage puis à sa faculté de reproduire ce qu’il reconnaît et ce qu’il sait faire, notre cerveau agit souvent sans faire appel à notre conscience. S’il considère que la situation, la personne, la question qui s’offre à lui, lui rap- pelle quelque chose de connu ou qui se rapproche de quelque chose de connu, disons qu’il va déclencher la réponse qui avait fonctionné à l’époque, sans même vous mettre dans la boucle. Selon le vieil adage, « ce qui a fonctionné hier va fonctionner demain ». C’est donc ainsi qu’on va reproduire de vieux modèles, réutiliser de vieilles recettes, de vieux réflexes, refaire d’anciennes analyses, utiliser d’anciennes façons de faire. Et dans la grande majorité des cas, cela fonctionne à merveille et nous permet en tout cas de vivre avec plus de simplicité ou de facilité : pourquoi se prendre la tête à réinventer quelque chose alors qu’une recette du passé pourra faire aisément l’affaire ? Se mettre à réfléchir à comment faire pour respirer ou marcher deviendrait vite un « casse-tête » et surtout n’aurait pas beaucoup d’utilité ou d’efficacité par rapport au mode automatique déclenché normalement. Mais de temps en temps, ce mode automatique ne fonctionne pas bien… Quand il s’a- git d’envisager les choses différemment, le mode automatique est tenace. Quand il s’agira de donner une 2e chance à un collaborateur, d’intégrer une nouvelle manière de travailler, de recruter un profil non habituel, de faire face à un problème jamais vraiment rencontré jusqu’ici… il conviendra plutôt de lutter contre ces réponses automatiques, basées sur des situations, des solutions du passé. Et pour cela, il conviendra de ralentir un peu le process…

UN CERVEAU LENT… POUR VOUS ENVOLER

Pour plus d’ouverture, de diversité, d’innovation, de créativité, il sera urgent de prendre son temps, urgent de se donner le temps… Mais le temps de faire quoi ? Le temps de se donner une chance de lutter contre une réponse toute prête, toute faite qui ne fonctionnera pas. Le temps de voir autrement, d’envisager les choses autrement. Car envisager les choses sous un autre angle sera parfois salvateur… Le temps de suggérer à notre cerveau d’utiliser son autre mode de fonctionnement : celui de l’ouverture à quelque chose de nouveau… Si nous avons souvent peur du changement, de l’inconnu, de l’inédit, ce mode neuronal adore ça ! Des neuroscientifiques ont découvert il y a quelques années seulement l’existence de « l’état par défaut » de notre cerveau. Notre cerveau ne s’arrêtant jamais (« vous aviez remarqué, n’est-ce pas ? »), certaines zones, certaines connexions neuronales ne s’allumeront que lorsque son activité est à l’arrêt. Ou plus exactement sans but, sans focalisation ou concentration précise. C’est à ce moment là que le fameux et mystérieux « vagabondage mental » se met en route : les idées s’enchainent, sans lien apparent, sans logique rationnelle… C’est un temps suspendu, à part, qui nous permettra peut-être d’expérimenter des idées nouvelles, bref d’être créatif. Et bien la découverte fondamentale n’est pas l’existence même de cet état que beaucoup d’entre nous connaissent déjà mais plutôt la manière de l’activer : par l’ennui. C’est à ce prix que nous donnons à notre cerveau et donc à nous-même l’opportunité de créer, envisager, imaginer la nouveauté, la création, autrement… Autrement dit, voici une nouvelle compétence mentale qu’il nous faudra développer, entretenir : rechercher, accepter et revendiquer l’ennui passager. Proposez-vous et proposez à vos équipes des périodes dans votre journée avec des choses pas très intéressantes à faire, avec des temps morts, des activités sans intérêt et même ennuyeuses si possible… volontairement. C’est vital de ralentir et ainsi donner à votre cerveau la possibilité d’exercer toutes ses zones. Alors on pose les stylos, les écrans et on s’ennuie quelques minutes ! Ceci est une recommandation professionnelle…

COMPÉTENCE MENTALE

Pour (re)prendre sa liberté, se libérer de ses a priori, de ses idées toutes faites, de ses « évidemment », de ses habitudes, il ne suffira donc pas de formuler des vœux, des incantations, de chercher la lumière derrière la feuille blanche… Il conviendra plutôt d’acquérir une nouvelle compétence ou d’exercer de nouvelles pratiques managériales. À l’origine de l’Olympisme, donner le meilleur de soi-même fut associé à la devise « Citius, Altius, Fortius », « plus vite, plus haut, plus fort »… Et si pour donner le meilleur de soi- même, pour optimiser encore son efficacité professionnelle, un peu de « Moins vite, moins haut, moins fort » était décisif… ?

Stéphane Viglino, coach positif, formateur, enseignant, dirigeant de S.Vi. (se) manager autrement.