Le Conseil d’État exerce deux missions historiques : conseiller du gouvernement pour la préparation des projets de loi, décret…, il est aussi le juge administratif suprême qui tranche les litiges relatifs aux actes des administrations. Le Conseil d’État a également pour mission de gérer l’ensemble de la juridiction administrative. Pour ce faire, il organise régulièrement des visites dans les tribunaux administratifs de France. C’est dans ce cadre, que son vice-président Bruno Lasserre était à Dijon, lundi 18 janvier.
«Les visites de juridiction sont l’occasion de voir comment fonctionnent concrètement nos cours et nos tribunaux, de comprendre leurs attentes et leurs difficultés et d’exposer notre vision, nos projets et nos réformes », a déclaré en substance Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’État lors de sa visite au tribunal administratif de Dijon. Avant de présenter les spécificités dijonnaise, il a d’abord rappelé les grandes missions de cette haute instance de la république. «Le Conseil d’État est d’abord conseiller du gouvernement. Il examine en toute indépendance les projets de loi et d’ordonnance, avant que ceux-ci ne soient soumis au Conseil des ministres, ainsi que les projets de décret en Conseil d’État », précise le vice-président. Le Conseil d’État émet un avis sur la régularité juridique des textes, sur leur forme et sur leur opportunité administrative. Par ailleurs, le Conseil d’État est le juge administratif suprême : « Chaque année nous recevons une moyenne de 10.000 requettes dont 15 % sont des cas de recours directs ». Le Conseil d’État juge les litiges entre les particuliers et les personnes publiques. Il est le juge de cassation des arrêts des cours administratives d’appel et des juridictions administratives spécialisées ainsi que dans certaines matières des jugements des tribunaux administratifs. Il juge en premier et dernier ressort les recours dirigés notamment contre les décrets, les actes des organismes collégiaux à compétence nationale ainsi que le contentieux des élections régionales et de l’élection des représentants français au Parlement européen. Il est compétent en appel pour les contentieux des élections municipales et cantonales. « Par sa double fonction, juridictionnelle et consultative, le Conseil d’État assure le respect effectif de la règle de droit par l’administration française. Il est ainsi un rouage essentiel de l’État de droit dans notre pays. » Enfin, le Conseil d’État est l’administrateur général de la juridiction administrative. Il est ainsi chargé d’assurer la gestion des huit cours administratives d’appel, des 42 tribunaux administratifs et de la Cour nationale du droit d’asile. C’est pour répondre au mieux à cette mission qu’il organise régulièrement des visites dans les différents tribunaux administratifs de France. Lundi 18 janvier, le vice-président et sa délégation était ainsi dans les locaux du tribunal administratif de Dijon, présidé par David Zupan depuis le 1er juillet 2020. Bruno Lasserre a dressé un tableau positif de cette institution composée de 14 magistrats répartis dans trois chambres, 20 agents de greffe, un assistant du contentieux, un juriste-assistant et un assistant de justice.
Toute décision de l’administration peut être contestée auprès de la justice administrative. Par exemple : un refus d’aide sociale, un permis de construire ou un projet urbain, une interdiction de manifester ou d’organiser un événement, une interdiction de séjour, un prélèvement d’impôts… Au cours de l’année 2020, le tribunal administratif de Dijon a enregistré 3.563 affaires, en baisse de 2,6 % par rapport à 2019. Une baisse qui s’explique notamment par la grève des avocats suivie de la crise sanitaire et tout particulièrement le premier confinement, qui a provoqué la suspension des audiences collégiales, conformément au plan de continuité de l’activité du tribunal, activé dès le 16 mars. Ce plan avait pour mission de recentrer l’activité de la juridiction sur les affaires les plus urgentes (référés). Malgré le contexte, la juridiction a pu maintenir un taux de couverture (affaires jugées sur affaires entrantes) d’environ 75%. Dans le détail, le contentieux des étrangers représente 30 % des affaires enregistrées, devant les contentieux de la fonction publique (9,7 %) et ceux de la police (7,7 %). Le délai prévisible moyen de jugement toutes affaires confondues s’est établi au terme de l’année 2020 à dix mois et 15 jours. Le délai moyen de jugement constaté pour les affaires ordinaires (hors procédure d’urgence et affaires enserrées dans des délais particuliers) est de neuf mois et cinq jours sur cette même période. Le stock des affaires en instance s’élève à 2.310 au 31 décembre 2020. Les affaires enregistrées depuis plus de deux ans ne forment désormais que 1,5 % du total du stock, soit 35 affaires. « L’ensemble de ces chiffres sont plutôt bons, affirme Bruno Lassere. Par rapport à Dijon, la baisse des entrées a été plus forte en moyenne sur l’ensemble du territoire. Quant au délai de traitement des affaires, Dijon fait parti des tribunaux où celui-ci est l’un des plus faibles de France. Si on ajoute à cela, un faible stock d’affaires en attente de traitement, on peut dire que le tribunal de Dijon est une administration saine ». Une situation qui devrait encore s’améliorer du côté de l’accueil du public. « Les préconisations sanitaires ont plus que jamais fait ressentir l’exiguïté des locaux du tribunal administratif de Dijon, actuellement doté d’une seule salle d’audience, à la jauge très restreinte. Pour y pallier, l’État vient de faire l’acquisition d’un terrain jouxtant le bâtiment actuel pour édifier une extension sur deux niveaux comportant, outre quelques bureaux et un vestiaire pour les avocats, deux nouvelles salles d’audience, dont une de 75 mètres carrés. Ce projet immobilier ,budgété à 1,6 million d’euros, dont les appels d’offres pour le chantier vont être lancés très prochainement, devrait être finalisé dans le courant du premier semestre 2023 et ce malgré la crise », se félicite Bruno Lassere, qui évoque un autre point de satisfaction pour le Conseil d’État : la réussite du virage numérique. « Nous avons opéré une vraie dématerialisation de notre traail en direction du public. Avec l’application Télérecours rendue obligatoire pour tous les contentieux impliquant un avocat, nous visons le zéro dossier imprimé. À Dijon nous sommes sur un taux de dématerialisation de trois dossiers sur quatre… Depuis novembre 2018, le Conseil d’État a décidé d’aller encore plus loin avec le lancement dans toutes les juridictions de l’application Télérecours citoyens qui permet à tout justiciable non représenté par un avocat de saisir la justice administrative. En un clic, il est possible de déposer une requête et d’échanger des mémoires et courriers de façon dématérialisée. Accessible 7j/7, 24h/24, l’application garantit la sécurité des échanges entre la juridiction et les parties. Elle offre ainsi un nouveau moyen de saisir le juge, en plus du dépôt au bureau du greffe ou de la voie postale. À Dijon, ce sont plus de 28 % des affaires concernées qui sont déposées selon ce mode moderne, efficace et gratuit de saisine de la juridiction. Au total, 76,8 % des requêtes présentées au tribunal administratif de Dijon sont déposées de manière dématérialisée ». Enfin,BrunoLassere a souhaité évoquer la question de la médiation arguant que «la meilleure réponse à un désaccord n’est pas forcément le recours au juge » et que cette résolution amiable des litiges n’avait pas pour seul objectif de « limiter l’engorgement des tribunaux, mais bien de rétablir du lien entre les différentes parties, de résoudre les confits par la pédagogie et l’écoute ». En 2020, 1.323 médiations ont été engagées à l’initiative des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et parmi celles qui sont terminées, environ 50 % ont abouti à un accord entre les parties. Sur Dijon, en 2020, une vingtaine de procédures de médiation ont été proposées aux parties, qui n’y ont consenti que dans six affaires. Le tribunal a pour objectif de dynamiser, en 2021, cet aspect de son activité en systématisant le repérage des dossiers pouvant se prêter à ce mode alternatif de règlement des litiges, en multipliant les offres de médiation et en enrichissant son «vivier » de médiateurs, ce qui devra passer par la signature de conventions cadres avec les institutions susceptibles d’y contribuer. L’objectif est de faire émerger une véritable culture de la médiation.
Contentieux et covid-19
La crise sanitaire a suscité, partout en France, un contentieux en référé spécifique relatif aux mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19 (refus d’autorisation de manifestations, obligation de port du masque, fermeture de commerces…). L’afflux de ce contentieux a quelque peu surpris le Conseil d’État : « À ce jour, nous avons enregistré 1.400 contestations liées à la Covid-19, dont plus de 15 % portent sur les règles sanitaires. Le Conseil d’État est devenu en quelque sorte l’arbitre du confinement et du déconfinement. Par des réponses données en moins de 24 heures, il a fixé le curseur entre respect des libertés et nécessités sanitaires ».