Paul-Henri BelinUne vie de cinéma

Après avoir œuvré 16 ans dans le milieu de l’audiovisuel, il a tout plaqué pour devenir directeur général de Belin Promotion, la société familiale. Après cinq années vissées à ce poste, l’heure du passage de flambeau a sonné, en pleine crise sanitaire.

Si la vie peut parfois prendre des airs de cinéma, pour Paul-Henri Belin, cette supposition dépasse la métaphore. Avant d’épouser l’immobilier – la passion de son père Marc Belin, fondateur de l’entreprise éponyme à Toulouse – il a couru le monde, côtoyant une autre famille, celle de l’audiovisuel. Une vie à 100 à l’heure rythmée par des périodes de tournages intenses, jonglant avec les exigences et la folie de la fabrique du cinéma, en tant notamment que premier assistant réalisateur. Offrant du rêve sur petit et grand écran, le bourreau de travail a embrassé ce milieu pendant près de 16 ans. Après un joli clin d’œil de la vie, la naissance de son premier enfant, il entame un nouvel épisode dans sa ville natale, passant de moments avec Emmanuelle Béart, Marion Cotillard, Gilles Lelouche et bien d’autres, à des déjeuners avec les acteurs immobiliers de la région occitane.

Après cinq ans en tant que directeur général, Paul-Henri Belin prend les rênes de l’entreprise familiale qui célèbre, en 2020, ses 56 ans d’existence. Si la transmission d’entreprise ne relève pas toujours d’un jeu d’enfant, soumise à des visions différentes, cette passation n’a, elle, pas connu de grandes turbulences malgré une année mouvementée. « Nous nous étions préparés à cette transmission. Mon père et moi savions où nous allions atterrir. Le plus difficile à gérer, c’est finalement le poste de « transition » qu’occupe la personne en passe de partir. Une décision bicéphale est impossible donc l’un doit trancher », souligne le cadet de la famille, à l’aise dans son nouveau costume. Après avoir lifté l’image de la marque et redonné le nom initial, Belin Promotion, le nouveau président poursuit les ambitions paternelles. « Il ne faut pas renier le passé. L’entreprise est saine, donc l’objectif est de poursuivre ce qui participe à notre réussite, avec une croissance raisonnée, souligne celui qui ne cache pas sa fierté. Il n’y a aucune raison de faire une révolution mais plutôt d’initier une évolution. Notre métier change continuellement avec de nouvelles normes, de nouveaux matériaux, etc. et il faut suivre la tendance. En outre, nous sommes un opérateur de logements avec une capacité de diversification. Ma volonté est de m’orienter davantage vers les bureaux, les commerces et les aménagements. »

Celui qui a été également bercé aux codes de la copropriété et a toujours eu vent des évolutions du secteur grâce à des échanges quotidiens entre père fils, garde confiance dans cette période incertaine. « Toulouse continue d’attirer et il faudra bien loger les arrivants. La métropole va probablement pousser les promoteurs vers plus de qualité ». De fait, éviter au maximum l’étalement urbain est aujourd’hui un sujet essentiel à ses yeux. « Il faut absolument faire de la verticalisation, une réponse. Il existe trop de disparités dans les quartiers, par exemple sur les allées Jean-Jaurès qui mélangent des bâtiments R + 1 et R + 17. Pourquoi ne pas densifier à côté du métro et des commerces au lieu d’aller construire dans des zones désertifiées, sans école et sans infrastructure ? Les acteurs construisent des cités dortoirs alors qu’il faut maintenir la vie à l’intérieur des centres-villes ». Le dirigeant pointe cependant une autre problématique corollaire à la suppression de la taxe d’habitation. « Le processus qui permet aux dotations de l’État, passant par les départements, de revenir aux communes n’est pas réellement mis en place. Cela reste ainsi difficile de soumettre un souhait de programme à une commune pour repeupler un quartier, alors qu’elle n’a, par exemple, pas de fonds pour construire une école et se revivifier ». Autre cheval de bataille : la rénovation et à la réhabilitation à l’image du projet Teso qui prévoit de remanier une partie de la zone autour de la gare (Bonnefoy, Périole) pour en faire un quartier d’affaires. « L’endroit s’y prête. La ville doit poursuivre dans cette voie. Nous suivons d’ailleurs ce projet de près, souligne-t-il. J’ai, par ailleurs, particulièrement été marqué par l’effondrement d’immeubles à Marseille, il y a deux ans. Il faut absolument rénover les centres-villes pour éviter ce genre de drame. Mais l’idée de restaurer des bâtiments généralement en centre-ville pour y faire revenir des populations est en droite ligne avec les politiques urbaines des municipalités. Et le fait de ne pas tout détruire a du sens, et améliore le bilan carbone des opérations. Autre point qui m’attriste, une partie des murs de l’ancien état-major de l’armée française sur l’Îlot Saint-Germain à Paris, a été vendu l’an dernier à un investisseur qatari pour 300 M€ en vue de transformer les lieux en hôtel de luxe. C’est dommage de ne pas en faire une infrastructure pour les habitants. » Tisser ainsi la ville différemment, réfléchir aux enjeux de l’immobilier, redéfinir la notion de cité et remettre le vivant à sa juste place, est en substance la vision du nouveau président. Quid de l’avenir de la promotion ? « Une fois cette crise passée, les problématiques seront axées sur le confort d’usage qu’on a envie d’offrir aux acquéreurs. Un extérieur pour chacun n’est plus seulement une option mais une obligation. Il faut recentrer nos programmes sur le développement durable et l’écologie. C’est sans conteste, ce qui guidera l’immobilier de demain ». Ce père de famille incarne une génération qui a vécu avec l’idée que « l’environnement est notre héritage ». Pour l’heure, Belin Promotion, ayant généré 54 M€ en 2019 pour 300 ventes signées, qui a livré un projet de réhabilitation des locaux de Toulouse Métropole Habitat, rue Roquelaine début 2020, se concentre actuellement sur des projets qui ont émergé avant les élections municipales. Le promoteur livre aussi le dernier bâtiment de la ZAC de Borderouge qui représente 63 logements. Ce projet s’étend au total sur 26 000 m2 comprenant une surface commerciale de 8000 m2, et 274 logements. Le promoteur s’efforce d’ailleurs d’accompagner les commerçants mis à mal par la crise Covid-19. « La pire chose qui puisse nous arriver, c’est que les magasins mettent la clé sous la porte », souffle-t-il.

Reprendre une success story familiale en plein tourment ne déstabilise pas pour autant le nouveau président. « Nous avons été un peu fragilisés mais pas tant que ça. Les perspectives ne sont pas catastrophiques », assure-t-il. Paul-Henri Belin garde ainsi le cap sur sa feuille de route, à savoir « regarder au vu des événements récents ce qui peut faire évoluer les comportements. J’ai envie de construire pour répondre à une demande et pas construire pour construire ». Et ce, avec un maillage centré sur les zones de prospection du promoteur : Toulouse, Bordeaux, Biarritz, Montpellier et leurs aires urbaines dans lesquelles 11 programmes immobiliers sont en cours de commercialisation et dix en cours de construction.

Si aujourd’hui, Paul-Henri Belin a sauté à pieds joints dans un milieu familier, cela n’a pas toujours été son souhait. « Plus jeune, l’image que j’en avais était un boulot très prenant. Ce que j’aimais, c’était surtout l’architecture. L’immobilier m’a même un peu rebuté car c’était la passion de mon père », avoue l’homme de 47 ans. Après des études d’économie qui ne le passionnent pas, il rejoint pourtant le monde professionnel au sein de l’entreprise familiale. « J’y ai pris goût. Je m’occupais des bilans d’opérations immobilières, des plannings de trésorerie, des grilles de prix, etc. », se souvient-il. Puis, il se laisse séduire petit à petit par un autre univers, celui de l’audiovisuel. Son père le soutient dans cette voie. « Mon frère aîné s’est lancé dans ce cursus et m’a régulièrement demandé de participer à ses projets et une nouvelle vocation est née. Et nous n’avons jamais oublié les souvenirs de nos créations d’enfance avec la caméra familiale super 8 ».

Changement de décor, nouvel eldorado. Paul-Henri Belin rejoint la capitale pour suivre une formation et tenter sa chance. Il intègre une société de production, et finit par troquer la « paperasse » pour le terrain qui lui ouvre les portes du monde. Séries françaises, longs métrages, publicités, documentaires en France et aux quatre coins du monde rythment son quotidien. Il collabore notamment avec les réalisateurs Rémi Besançon et Fabrice Du Welz. « Je n’ai pas de meilleur souvenir car chaque film est une aventure humaine incroyable. Je me souviens d’une période particulièrement dense, notamment avec le film Vinyan pour lequel j’étais assistant réalisateur pour la première fois, en Thaïlande. Je n’ai jamais aussi peu dormi en quatre mois. L’équipe travaillait 96 heures par semaine et j’ai perdu 8 kg sur le tournage. J’étais comme un chef d’orchestre. C’était dur mais tellement enrichissant et excitant. Sur mon premier long-métrage Ma Vie en l’air, je m’étonnais chaque soir d’avoir aussi mal aux joues tellement je riais, s’amuse-t-il. C’est fabuleux de réaliser un tel travail dans la bonne humeur. » Grâce à cette osmose palpable sur certains tournages, il ne compte pas ses heures. « Ce que j’ai retenu de cette période est ma capacité de travail. Quand on aime, on ne compte pas, sur quoi j’avais parfois des doutes avant ». Un choc émotionnel dont il garde encore toutes les vibrations.

Très amoureux de ce milieu, il décide pourtant de le quitter afin de concilier vie familiale et professionnelle. « L’arrivée de mon enfant a éveillé en moi l’envie d’être plus posé. À 42 ans, c’était le bon moment pour changer de vie. Je l’ai bien vécu car quand je décide une chose, je m’investis à fond et je regarde rarement en arrière ». Il ne regrette pas cette happy end, les paillettes et le temps passé dans les salles obscures des ciné- mas. « Mes enfants comptent dans ce que je fais aujourd’hui. Je suis fier de ce qu’a réalisé mon père et j’espère que mes enfants seront fiers à leur tour de nous et de la société. J’essaie d’amé- liorer nos projets immobiliers et d’être à la hauteur des attentes des générations futures », conclut-il. Un long chantier pour lequel il n’a pas l’intention de compter ses heures.

Parcours

1973 Naissance à Toulouse
1996 Obtention d’un deug d’économie à l’université Toulouse 1 Capitole
1997 Intègre l’entreprise familiale
1999 S’envole pour Paris afin de suivre une formation dans l’audiovisuel
2000 Intègre la société Lazennec Productions puis travaille par la suite dans la mise en scène
2007 Débute comme premier assistant réalisateur sur le film Vinyan de Fabrice Du Welz
2014 Naissance de son premier enfant
2015 Retour à Toulouse et devient DG de l’entreprise familiale
2020 Devient président de Belin Promotion