Administratrice globe-trotteuse de cinq sociétés différentes, Viviane Neiter est multi engagée dans de nombreuses autres activités et associations.
Elle est toujours avec une valise à la main, entre deux trains ou deux avions. Viviane Neiter mène une vie sur les chapeaux de roues, multipliant les casquettes et activités.
Cette boulimie de travail cache en creux, une volonté de rattraper un virage professionnel manqué des années auparavant. « Après une prépa HEC à Nancy puis à Paris au Lycée Henri IV, je suis entrée à l’école de commerce de Reims lorsque j’avais 20 ans. J’en suis sortie dans les dix premières de ma promotion. » De ces années rémoises, elle garde « d’excellents souvenirs et des amitiés indéfectibles », à tel point qu’elle est aujourd’hui administratrice de l’association des anciens élèves, les Alumni.
À la sortie de l’école de commerce, Viviane Neiter s’installe avec son époux, à Essy-lès-Nancy. Ensemble, ils tiennent la boutique familiale d’horlogerie-bijouterie pendant 23 ans. « Mon mari s’occupait de la partie artisanale, avec la réparation des montres et bijoux, moi j’étais plus sur tout ce qui était de l’ordre de la gestion, la comptabilité, le marketing. » Si le commerce connaît des années florissantes jusqu’à l’emploi de 5 salariés, l’arrivée des bijouteries dans les hypermarchés et d’internet marque un coup d’arrêt à la boutique de proximité. « Il aurait fallu que nous marquions un tournant dans le luxe, que l’on revoit totalement le positionnement marketing du magasin. Et puis, personnellement je commençais à m’ennuyer », livre-t-elle.
En 2003, Viviane Neiter opère donc un virage à 180 degrés avec la création d’une société de consulting sur la gouvernance des entreprises. Trois ans plus tard, les vitrines de bijoux ont laissé place à son bureau où elle commence à réactiver tous ses réseaux, avec en tête, celui des Alumni de Reims. Elle donne alors des cours à l’école devenue NEOMA, endosse le titre de directrice de mémoire et co-organise, depuis 2005, les Trophées NEOMA ALUMNI récompensant les diplômés de l’école pour leur réussite professionnelle. Cet engagement, elle l’analyse comme « une nécessité de garder une attache à cet établissement qui (lui a) tant apporté, (elle) qui était issue d’un milieu modeste », se remémore celle dont le père était chef de chantier et la mère, au foyer. « Je faisais partie, à l’époque des quelques boursières. Aujourd’hui, heureusement cela a changé, l’école s’est beaucoup ouverte. L’idée est de transmettre ce qui m’a été donné ».
UN RÔLE DE CONSEIL
En parallèle de son activité à NEOMA, elle participe à une association d’actionnariat individuel, l’APAI, dont elle est aujourd’hui présidente d’honneur. « Mon engagement dans cette association a forgé ma volonté de devenir administratrice. » Ce qui, en 2003, n’est pas une mince affaire puisqu’à l’époque, seulement 7% des places sont occupées par des femmes. Son premier poste se présentera complétement par hasard, après la rencontre de membres de conseil d’administration de la société Ginger dans un train. Après une discussion avec le président directeur général, il lui propose une place au sein du conseil.
40% DE FEMMES DANS LES CONSEILS D’ADMINISTRATION
« L’administrateur n’est pas salarié du groupe mais participe à sa stratégie, il a un rôle de conseil, a un regard sur les comptes de l’entreprise et est amené à donner son avis sur un certain nombre de sujets », indique Viviane Neiter. Lorsqu’elle entre au conseil d’administration de Ginger, elle siège aux côtés de PDG de grands groupes, dont celui de Bouygues. « Face à de telles personnalités du monde économique, je me demandais ce que je pouvais apporter, à mon humble niveau », avoue celle qui ne manque pourtant pas d’aplomb. « J’essaie de jouer sur une certaine singularité, et je mets en avant ma non-appartenance à tel ou tel cercle. Ça attise la curiosité et ça montre aussi mon regard différent. » Bavarde de nature, la sexagénaire multiplie les réseaux, qui sont pour elle, la clé de la réussite.
Administratrice dans cinq sociétés différentes (le maximum autorisé), elle tient notamment la présidence française d’un groupe irlandais : Glanbia, société spécialisée dans les boissons énergisantes. « Ce groupe recherchait un administrateur et par deux fois le voyage avait été annulé en France à cause d’un mouvement de grève. À ce moment là, j’étais en Bulgarie. Je les appelle et je leur propose de venir par un trajet Sophia-Milan-Dublin. Reconnaissant ma ténacité, j’ai eu le poste. » Aujourd’hui, elle siège à leur conseil d’administration ainsi qu’à ceux d’I.Ceram, qui fabrique des sternums en céramique, de Plant advanced technologies société de bio-technologies végétales produisant des actifs innovants et rares à destination des marchés cosmétiques, pharmaceutiques et agrochimiques, de Prodware spécialisée dans les solutions informatiques et l’intelligence artificielle et de Spir communication.
Si les femmes n’étaient que 7% à être présentes dans les conseils d’administration en 2005, aujourd’hui, la loi Copé – Zimmermann impose qu’il y en ait 40%. « C’est une vraie opportunité donnée aux femmes pour qu’elles prennent la place qu’elles méritent au sein des entreprises. » Avec trois métiers différents, Viviane Neiter a, elle, pris celle qu’elle souhaitait dans un monde souvent composé d’hommes. Administratrice, enseignante et gérante d’un cabinet de conseil en gouvernance des entreprises, elle distille son expérience et la met au service des jeunes générations. Son expertise et sa valeur dans le monde de l’entreprise a d’ailleurs été saluée par une reconnaissance ultime, celle de chevalier la Légion d’honneur, remise en 2008 par Alain Joly, ancien PDG d’Air liquide. « En 2007, j’ai sauvé une entreprise alsacienne, SOCOMEC, menacée de rachat par une entreprise étrangère », confie-t-elle. On pourrait penser que cette distinction était là, l’aboutissement d’une carrière. Mais ne parlez pas à Viviane Neiter de la retraite ! « Je n’y pense pas », balaye-t-elle d’un revers de main. « Mes activités me plaisent et me permettent de voyager dans le monde entier. Je m’ennuierais à rester à la maison.» Et même si sa famille, notamment son petit-fils la réclame, Viviane Neiter souhaite « rester en prise avec le monde d’aujourd’hui, en contact avec la réalité » ainsi qu’influer sur les décisions des dirigeants et grands de ce monde.
Son dernier combat ? L’environnement. Cette passionnée des pôles et amoureuse des grands espaces froids ne se résout pas au changement climatique. Impliquée dans une association Inuit qui traite des problèmes des femmes, elle est aussi marraine d’une enfant vivant à Saint-Pierre- et-Miquelon. Insatiable, c’est toujours accompagnée de sa valise qu’elle s’envolera pour le Canada cette fois, pour participer à une compétition internationale de gouvernance d’entreprises familiales.