Marie et Matthieu SerranoUne transmission réussie

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Frère et sœur, ils ont repris en douceur l’entreprise familiale de vente et location automobile créée par leur père, personnalité forte et omniprésente. Ils ont trouvé leur équilibre et imposent leur marque à Montauban dans un secteur fortement concurrentiel.

Francis Serrano a réussi sa vie professionnelle. La Sotral location, entreprise qu’il a lancée en 1985 dans la préfecture du Tarn-et-Garonne est toujours là, un an après sa retraite. Elle est en bonne santé, même s’il faut toujours être vigilant dans un secteur, l’automobile, soumis à une forte concurrence. Les activités sont diversifiées et se complètent : location de véhicules de longue durée, vente d’occasions, atelier mécanique, transport à la demande, service de messagerie. Enfin, ce sont ses enfants qui aujourd’hui mènent la barque. S’il n’était pas question de leur imposer de prendre le flambeau, l’idée était de les faire participer à ce qu’il avait créé. « Il nous disait : “Je ne pourrai pas forcément vous laisser de l’argent, mais je veux vous laisser du travail” », se souvient Marie Serrano. Avec son frère, ils sont au capital de la Sotral depuis 2012, et seuls maîtres à bord depuis un an. Ils ont constitué leur propre réseau, connaissent parfaitement les rouages de la boîte qu’ils modernisent peu à peu et envisagent de franchir un palier à moyen terme en devenant enfin propriétaires de leurs locaux dans la zone industrielle Nord de Montauban.

Pourtant, il y a un quart de siècle, il eut été hasardeux de parier sur une transmission familiale. Matthieu avait d’autres objectifs, et Marie ne voulait surtout pas travailler pour l’entreprise de son père. L’aîné, grand sportif, voulait devenir footballeur professionnel. C’est peut-être le rêve de beaucoup de garçons et d’ados, mais ce n’était pas qu’un songe pour le jeune homme, qui est entré comme stagiaire au centre de formation des Girondins de Bordeaux en 1992. « Je n’étais pas mauvais », lâche- t-il modestement. Mais l’expérience n’est pas concluante. « À ce stade-là, on a à peu près tous le même niveau, ce qui fait la différence c’est la chance et le fait d’être bien avec l’entraîneur ».

Matthieu ne parvient pas à percer et revient au Montauban football club. « J’ai essayé de rebondir mais c’était compliqué à l’époque. Cannes et un club suisse voulaient me prendre mais mon père ne voulait pas me laisser partir, il considérait qu’il n’y avait pas assez de garanties et je n’avais pas fini mes études. Je suis revenu à la réalité, il faut travailler pour pouvoir manger ». Il intègre un BTS pour être commercial puis, en 1996, commence à bosser dans l’entreprise familiale.

De trois ans sa cadette, Marie s’oriente aussi vers des études commerciales avec un BTS puis une licence en management qualité avec la CCI de Montauban, qu’elle valide en 2004. « Je ne savais pas ce que je voulais faire, je me cherchais pas mal. Mais je n’avais pas du tout envie d’entrer à la Sotral. J’ai fait quelques petits boulots de secrétariat de direction et après un contrat d’un an et demi, mon père m’a proposé de tenir à jour les dossiers administratifs pendant ses vacances. Quand il est rentré, il m’a dit de rester un peu puisque je n’avais pas de boulot en vue ». En 2008, Marie Serrano intègre officiellement la société créée par son père. « Cela s’est fait naturellement. Je travaillais à la comptabilité et à l’administratif avec ma mère. Dans une entreprise familiale, il faut savoir tout faire : la relation client, les contrats de location, gérer les plannings, les stocks de pièces détachées, etc. » Elle appréhendait de travailler en famille. Mais la pratique l’a rassurée. « Mon père a toujours eu la faculté de passer à autre chose quand il fermait les locaux le soir. On ne parlait plus boulot après. Bon, parfois on se vole dans les plumes mais au quotidien il y a beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients ».

À la fin des années 2000, Matthieu est depuis plus de 10 ans dans l’entreprise. Il y a tout fait, ou presque. « J’ai commencé par prendre en charge des transports pour des enfants handicapés, puis j’ai été chauffeur de messagerie, j’ai bossé dans les bureaux, à l’accueil, au secrétariat… J’ai fait quasiment tous les postes sauf la mécanique ». Au début des années 2010, il prend en charge une nouvelle branche, la Sotral vente. En 2012, Marie et lui entrent au capital. Elle devient directrice générale.

Il est temps de se tourner vers l’avenir, mais la tâche n’est pas aisée. « C’est compliqué de prendre les rênes, mon père a du mal à lâcher l’entreprise, même s’il y arrive peu à peu », reconnaît Matthieu. « Il a un très fort tempérament, ajoute Marie. Cela nous a paru compliqué pendant un temps de passer après lui, il a beaucoup de réseau. On s’est demandé s’il allait nous laisser la place, si on allait savoir la prendre. Et puis on a pris notre temps, on a laissé faire les choses, fait notre propre carnet d’adresses. On a pris de l’importance dans l’entreprise, cela nous a donné confiance ».

Il y a un an, Francis Serrano a officiellement pris sa retraite. Il vient toujours régulièrement regarder les comptes et donner des conseils mais ses enfants sont seuls maîtres à bord. Et entre frère et sœur, l’entente professionnelle est au beau fixe. « Chacun a trouvé son équilibre, assure Matthieu. Pour rien au monde je ne prendrais un autre binôme que ma sœur. Je lui fais confiance à 2 000 % ».

Marie et Matthieu Serrano ont aujourd’hui plusieurs projets. « On a envie que l’entreprise nous ressemble », explique la directrice générale. L’idée est de faire l’acquisition des locaux de la société, d’ici trois ans. Et si la Sotral dispose de son propre atelier mécanique pour s’occuper de son large parc de véhicules, certaines tâches sont toujours sous-traitées. « On souhaite rajouter une branche avec une activité de carrosserie », précise Matthieu. Les dirigeants de la Sotral ont été formés sur le tas, progressivement. Ils savent où ils vont. Leur père ne leur a pas seulement transmis son entreprise, mais aussi son savoir-faire.

Parcours

1977 Naissance de Matthieu à Montauban.
1980 Marie voit le jour dans la préfecture du Tarn-et-Garonne.
1985 Le père, Francis Serrano, crée la société Sotral location.
1992 Matthieu entre au centre de formation des Girondins de Bordeaux comme stagiaire.
1996 Le jeune homme ne réussit pas à percer comme footballeur pro, il commence à travailler pour l'entreprise familiale.
2004 Après un BTS action commerciale, Marie obtient une licence en management qualité avec la CCI de Montauban.
2008 Elle effectue plusieurs contrats dans le secteur administratif de diverses sociétés puis entre à la Sotral.
2012 Matthieu et Marie prennent des parts dans la société, elle devient directrice générale.
2018 Le père prend sa retraite, le frère et la soeur tiennent concrètement les rênes de l'entreprise.