Olivier GarrigouUne succession pleine d’ambitions

Cet ingénieur des Ponts, eaux et forêts qui a pris la tête du groupe Gefiroga en 2017 compte perpétuer la vision d’un groupe familial indépendant et poursuivre ses combats environnementaux avec des projets régionaux ambitieux.

«Si tu n’étais pas mon fils, je t’aurais recruté quand même » : ce sont les mots « que mon père a prononcés lorsque j’ai pris les clés du groupe et c’est un très grand compliment », se remémore avec émotion Olivier Garrigou, directeur du groupe Gefiroga depuis 2017, qui comprend l’enseigne toulousaine Midica et les magasins Intersport répandus dans la région, visant un CA de 75 M€ d’ici cinq ans. À l’aube de ses 40 ans, cet ingénieur des Ponts, eaux et forêts a décidé de quitter son poste à la direction du ministère de l’Environnement de la région Auvergne-Rhône-Alpes, afin de reprendre le flambeau : 73 années d’histoire familiale, de convictions, d’innovation, d’indépendance sur lesquelles il a d’ailleurs récemment remis la main et compte bien faire perdurer. « J’ai retrouvé une pléiade d’archives, un rapport du conseil d’administration de mon grand-père datant de 1968 relatant les incidences de cette période sur Midica, des négociations de mon père avec d’anciens fournisseurs, des goodies, et parmi, mes devoirs », confie celui qui enfant, s’émerveillait devant les étagères jonchées de jouets et prenait innocemment le siège de son père. Ceci avant d’intégrer le conseil de surveillance, aux côtés de sa sœur et de son prédécesseur à l’âge de 32 ans, lors d’une nouvelle gouvernance du groupe Gefiroga formé en 1987, en parallèle de son métier.

Ce dernier pour qui les anecdotes et les décisions de Midica ne sont plus un secret, savait qu’il poursuivrait un jour l’histoire de son père et de son grand-père. « La succession faisait partie de mon projet mais ce n’est pas toujours une chose aisée. Il faut apprendre à fonctionner ensemble. C’est pour cela que nous avons pris le temps de nous y préparer et d’établir ma feuille de route. Mon père était prêt à prendre du recul, moi à me consacrer au groupe et Sophie, ma sœur, à m’accorder toute sa confiance. Le plus dur était de trouver le bon moment. Mais aujourd’hui, nous avons contré les difficultés qui peuvent être liées à une succession, détaille le nouveau dirigeant qui avoue avoir beaucoup de chance de relever ce challenge. Mon père respecte mes ambitions et reste à mon écoute. »

Si Midica a aujourd’hui pignon sur rue dans un immeuble ancien, au cœur du centre-ville, c’est place de La Trinité que tout a débuté. Si les murs de l’enseigne pouvaient parler, ils conteraient des changements de façades, des histoires de consommateurs, des évolutions de mentalités, des batailles d’une vie comme les doutes et les envies de Marcel Garrigou. Cet homme de caractère, diplômé de lettres classiques, qui a résisté dans les maquis du Lot, a posé ses valises à Toulouse avec sa femme après la Libération. Il a rejoint, pour un moment, un grand-oncle qui travaillait dans une usine de caoutchouc en Isère. Et c’est ainsi que l’idée a germé. Il a décidé, en 1946, d’ouvrir une boutique dans la Ville rose et de vendre des pèlerines, des bottes et du caoutchouc « Il a fait deux projets cette année-là, la boutique et mon père », confie le quadragénaire. La boutique a ensuite déménagé rue de Metz en 1950 pour s’agrandir et devenir en 1956 Midica, une société indépendante prenant le pari de se diversifier avec des articles destinés à la maison et aux loisirs, comme les planches à voile. Dans les années soixante, Midica devient ainsi la référence toulousaine du « tout pour la maison », choisissant d’ailleurs comme image marketing le symbole du Ying et du Yang, peu connu à l’époque. « J’ai retrouvé le premier logo qui signifiait pour mon grand-père l’équilibre entre le commerce et les consommateurs, un état d’esprit que je souhaite poursuivre », explique le successeur. De fil en aiguille, Midica monte les marches pour s’établir sur cinq niveaux. En 1973, Roland Garrigou, ingénieur des Mines et docteur en gestion, met un pied dans l’aventure avant de prendre les rênes trois ans plus tard et n’aura de cesse de structurer l’ensemble. Entre-temps, l’enseigne adhère en 1975 à la société La Hutte. Milieu 90, l’activité sportive – axe de développement très significatif pour le père – est transférée à Labège sous l’enseigne Intersport, la première de la série pour le groupe familial (sept actuellement en comptant une nouvelle ouverture fin août à Blagnac).

Aujourd’hui, la famille Garrigou porte un groupe qui pèse 55 M€ et compte 350 collaborateurs participant à sa prospérité. « On parle toujours de la famille Garrigou mais cette réussite, nous la devons à tous nos salariés que nous avons fait évoluer. Certains, aujourd’hui, dirigent des enseignes après une carrière florissante », insiste le nouveau directeur qui se dit vouloir être un dirigeant utile et pas « seulement une carte de visite vivante pour le groupe ». Il garde en ligne de mire les notions d’intelligence collective et d’adaptabilité, issues aussi de son expérience passée comme en témoignent ses huit années passées en Guyane ou encore le projet Natura 2000 en Lozère « Au début, j’ai rencontré une forte opposition de la part des acteurs du territoire et des agriculteurs. Après un travail commun pour comprendre leur activité et à la fois respecter la biodiversité ; ils se sont eux-mêmes emparés de la gestion des sites et cela a été une grande satisfaction. Pour moi, apprendre à travailler ensemble est essentiel. »

Prenant à bras-le-corps ce nouveau chapitre de sa vie, il se dit confiant : « Aujourd’hui, je n’ai pas de craintes concernant notre développement car nous avons su, jusqu’à présent, nous adapter aux nouveaux modes de consommation. Mais je reste vigilant », explique-t-il. En effet, depuis un an, le groupe a lancé des chantiers de transformation dont Midica qui accueille 1,5 million de visiteurs par an. L’enseigne a investi 4,5 M€ pour refaire peau neuve et proposer de nouveaux services, début septembre. « Même si les résultats financiers ne l’exigeaient pas, le comportement des gens change et notre métier de commerçant doit évoluer, ce qui implique des formations et des transformations. Le magasin a pour objectif d’ apporter de nouvelles tendances tous les mois, en plus de proposer une offre accessible à tous, des grandes marques et aussi des références locales pour promouvoir un marché plus responsable». À l’année, 50 000 références réparties entre 250 fournisseurs, pour l’heure, principalement internationaux, seront à portée de main des Toulousains. L’enseigne entièrement modernisée avance aussi d’autres services comme un point relais La Poste avec 55 000 colis livrés depuis un an, un nouveau service de consigne et une offre de restauration, dévoilée dès octobre et développée par deux Toulousaines qui mettrons en avant leur tout nouveau concept.

Le groupe a également planché sur des axes de diversification. « C’est une anticipation, plus qu’une nécessité ». Et c’est là qu’entrent en jeu les expériences professionnelles du jeune directeur ainsi que son intérêt personnel pour les enjeux de l’environnement et de l’agriculture depuis son adolescence. « Je n’ai rien abandonné, avoue- t-il. Je continue d’œuvrer sur des sujets qui me sont chers ». Au-delà de la distribution, Gefiroga a investi dans un projet forestier avec l’acquisition de plusieurs dizaines d’hectares en Ariège et dans le Tarn. « Pour l’instant, nous ne pouvons pas encore fabriquer nos meubles car les étapes sont complexes, mais si nous y parvenons et créons un écosystème régional, la boucle sera bouclée et j’en serai fier ». Celui qui perpétue la tradition familiale en portant toujours son regard vers l’avenir, a aussi décidé avec les membres de sa famille d’entrer au capital de la société Blue Bees, une plateforme de financement participatif dédiée à l’agriculture, et en parallèle d’investir dans le domaine de la logistique urbaine propre et de l’amélioration des flux des marchandises, en centre-ville. « C’est aussi notre ADN et nous voulons apporter notre savoir-faire en nous associant avec des partenaires et créer ainsi une autre activité régionale. » Le dirigeant actuel qui tient particulièrement à la liberté du groupe et garde la conviction d’être innovant localement, loin d’être ici synonyme de fragilité, a aussi pour objectif d’ouvrir deux autres enseignes Intersport d’ici cinq ans et trois enseignes Blackstore (groupe Intersport), après une première ouverture récente à Montauban.

Père à son tour, le successeur qui veut laisser la trace d’une « entreprise dynamique, audacieuse, liée à son territoire », a réellement pris conscience de la valeur du commerce physique, n’étant d’ailleurs pas un grand adepte de l’e-commerce. « C’est un vrai projet pour Intersport car le service après-vente reste très fort et le lien avec le consommateur n’est pas cassé. Mais je ne le souhaite pas pour Midica, je ne veux pas devenir directeur de sites e- commerce. Le commerce, c’est le plus vieux lien humain du monde », conclut celui qui laisse désormais son père, s’occuper de Fonroga, une fondation, créée en 2017, intégralement financée par le groupe, et comptant déjà 76 actions locales dans les domaines de la culture et de la santé.

Parcours

1977 Naissance à Toulouse
2000 Diplôme d'ingénieur de l'Institut national agronomique Paris-Grignon (devenu depuis AgroParisTech)
2002 Ingénieur de l'École nationale du génie rural, des eaux et des forêts
2010 Rejoint la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes
2009 Intègre le conseil de surveillance du groupe Gefiroga
2017 Succède à son père, Rolland Garrigou, à la direction du groupe familial