Une Région plus puissante au service des territoires

Jean Rottner, président du Conseil régional du Grand Est (à droite), était l’invité fil rouge du débat animé par Benjamin Busson, rédacteur en chef des Petites Affiches Matot Braine.

Les invités du Club ForumEco ont débattu des enjeux de la Région Grand Est et de l’aménagement du territoire, mercredi 13 mars, en présence de Jean Rottner, président du Conseil régional

Grande Région, le Grand Est mobilise cette puissance économique tout en s’efforçant de conserver une relation de proximité avec les acteurs des territoires. Le déploiement de la fibre optique symbolise cette ambition en représentant une enveloppe totale de 2 milliards d’euros pour apporter ce service à chaque habitant. La Région place également la bioéconomie, secteur clé dans la Marne, comme un élément stratégique majeur. Le président Jean Rottner travaille avec les élus locaux sur ces enjeux, comme sur celui de l’avenir de l’aéroport de Paris-Vatry, piloté par le Département. Et pour permettre un encore meilleur développement des territoires, Jean Rottner en appelle à une « meilleure décentralisation ».

Moins d’un an et demi après avoir pris la succession de Philippe Richert comme président du Conseil régional du Grand Est, l’heure n’est pas encore au bilan pour Jean Rottner. Mais l’ancien maire de Mulhouse mesure tout de même le chemin parcouru par sa collectivité trois ans après la fusion de la Champagne-Ardenne avec la Lorraine et l’Alsace : « Nous avons mis en place une dynamique commune. Alors que les organisations étaient différentes, nous avons rassemblé les dispositifs (de 700 à moins de 300) en étant au plus proche des partenaires de nos territoires. Nous voulons être une collectivité de projet, de soutien aux autres ».

Selon Jean Rottner, disposer d’un espace de 57 441 m2 où vivent 5,5 millions d’habitants est un atout : « Notre taille peut être une véritable force, un levier puissant qui nous permet d’être considéré différemment ». C’est justement cette taille critique qui a permis au Conseil régional de se lancer dans l’ambition d’amener le très haut débit pour tous. « Cela représente 2 milliards d’euros dans la région et nous avons réalisé 600 M€ d’économies d’argent public grâce à cet effet de masse », indique le président. Si un point d’étape sera effectué à l’été 2019, il annonce déjà que la réussite de l’opération permettra même de « relier les foyers les moins bien desservis » avant certaines zones AMII (Appel à Manifestation d’Intention d’Investissement) où les opérateurs portent directement la construction du réseau.

LA FIBRE POUR TOUS

Catherine Vautrin, présidente du Grand Reims, reconnaît la « difficulté de relancer les opérateurs » pour que ceux-ci tiennent leurs engagements. Citant en exemple des communes comme Fismes, Muizon ou Cormicy qui sont en attente du très haut débit. Elle y voit aussi une question d’égalité des chances et explique que le Grand Reims « accompagne le déploiement par la prise en charge des prises de raccordement (4,5 M€) ». Outil d’aménagement du territoire, la fibre doit répondre aux besoins des professionnels pour « créer de l’innovation en milieu rural », ajoute Jean Rottner. Le rôle fédérateur et stratège de la Région est en tout cas une évidence pour Christian Bruyen, président du Conseil départemental de la Marne : « Tout le monde reconnaît l’apport du Grand Est. Nous avons une relation de confiance car la Région partage notre souci d’équilibre entre les territoires et s’inscrit dans la proximité. Elle doit s’appuyer sur les Conseils départementaux ».

Autre dossier sur lesquels les présidents s’accordent, celui de l’aéroport de Paris- Vatry. « Nous continuons de soutenir le travail du Département. C’est un sujet compliqué en raison de la concurrence européenne avec des pays (Charleroi, Luxembourg, Allemagne…) où les taxes aéroportuaires sont inférieures à la France. Il est essentiel de ne pas baisser les bras. Pour Paris, Vatry peut être une solution de proximité pour le fret », affirme l’élu alsacien qui annonce une réflexion globale à mener sur les perspectives des différentes plateformes aéroportuaires du Grand Est.

TÉLÉPHONIE MOBILE ET LYCÉE 4.0

Jean Rottner s’attaque aussi au retard de la couverture mobile : « Le Grand Est est la Région la plus mal desservie en téléphonie ». 140 pylônes vont donc être déployés pour y remédier, le Département de la Marne mesure par exemple la couverture pour identifier les zones qui doivent en bénéficier. Dans le domaine du numérique, le Conseil régional annonce aussi son intention de doter tous les élèves de seconde d’un ordinateur portable qui permettra à chacun d’accéder à de nombreuses ressources numériques.

LA MARNE, FLEURON DE LA BIOÉCONOMIE

L’ambition de la bioéconomie régionale vient à nouveau d’être clamée haut et fort lors du dernier Salon international de l’agriculture. « Nous voulons être les meilleurs au monde », n’hésite pas à revendiquer Jean Rottner qui estime qu’en travaillant avec les régions voisines des Hauts-de-France et d’Île-de-France, il est logique d’avoir « au moins une ambition européenne ». Avec une agriculture forte, des universités et des grandes écoles, des industriels, tous les atouts sont en tout cas réunis pour développer cette filière. Labellisé Pôle de compétitivité mondial pour quatre années supplémentaires, IAR (Industrie et AgroRessources) réunit les différents acteurs. « Nous voulons nous déployer en Europe en implantant un bureau à Bruxelles pour favoriser des projets collaboratifs. Nous accompagnons aussi le développement d’une agriculture plus durable », cite en exemple Yvon Le Hénaff, son président.

Avec le projet InnoBioECO2, le triangle marnais (Reims, Châlons et Epernay) en est un acteur de poids. « Ce projet est important relie l’ensemble du département », apprécie Catherine Vautrin qui souhaite faire partager ce projet à l’en- semble de la population. Président de l’Université de Reims Champagne-Ardenne qui fédère les établissements d’enseignement supérieur dont les écoles AgroParisTech et CentraleSupélec, Guillaume Gellé salue « le rassemblement des forces vives du territoire ». Il y voit un changement de méthode avec plus de transversalité, le développement de synergies. « Nous travaillons également avec les centres INRA de Colmar et de Lorraine ».

InnoBioECO2 représente d’ailleurs un des quatre TIGA ( Territoires d’Innovation à Grande Ambition) de la Région qui compte aussi les projets du Grand Nancy (« Des hommes et des arbres, les racines de demain »), de Mulshouse (« Nourrir le sud-Alsace ») et de l’Eurométropole de Strabourg (« La santé en mouvements, une ambition partagée »). « Nous accompagnons ces dossiers mais nous avons aussi donné un coup de pouce financier à ceux qui n’ont pas été retenus par ce programme national doté de 450 M€ », indique Jean Rottner. Pour les quatre labellisés, une nouvelle copie devra être rendue le 25 avril pour que l’accompagnement aille encore plus loin.

UNE MEILLEURE DÉCENTRALISATION

Jean Rottner déplore cependant des remises en cause d’énergies nouvelles dans le projet de loi sur la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Énergie), alors que les acteurs du territoire s’en- gagent dans des investissements lourds. « En méthanisation, 66 projets sont dans les tuyaux dans le Grand Est selon l’Ademe. Il faut s’inscrire dans la durée pour développer ces solutions alternatives ». À l’État, il demande aussi « une meilleure décentralisation » qui donnerait plus de pouvoir aux territoires, par exemple en matière d’apprentissage, de mobilité ou d’emploi. Il souhaite ainsi que plutôt que des contrats de plan État-Région à renégocier régulièrement, l’État s’engage durablement dans ses versements pour que les Régions puissent « se projeter et avoir des perspectives ». D’autant plus qu’aujourd’hui ce sont parfois les collectivités qui avancent de l’argent au pouvoir central : « On a parfois besoin de moins d’État ». Ce qui n’empêche pas la Région et l’État de travailler en partenariat. « Le Grand Est a été la première Région à signer un PACTE pour l’emploi et la formation avec l’État », indique Denis Conus, préfet de la Marne.

ACCOMPAGNER LES ENTREPRISES

Disposant de la compétence en matière d’économie, les Régions accompagnent le développement des entreprises et répondent aux problématiques d’emploi et de formation. Si Michel Boulant, président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Marne, souligne « le besoin d’accompagnement des petites entreprises dans les évolutions technologiques », Jean Rottner adopte une approche globale et annonce sa volonté de soutenir aussi bien les artisans de demain que l’industrie 4.0 et la ferme du futur : « Il faut accompagner ces transitions fortes pour améliorer la compétitivité de l’ensemble des entreprises dans un contexte de compétition mondiale ». Et le président du Grand Est de rappeler que si l’apprentissage a progressé de près de 8 % en France en 2018, c’est la preuve « que les Régions n’ont pas si mal travaillé ».

Dans le domaine du développement économique, Jean Rottner confirme que les discussions se poursuivent pour la création d’une agence marnaise, en lien avec les Chambres consulaires, le Département, et les autres collectivités. « Cette agence sera essentielle pour l’équilibre des territoires », affirme Christian Bruyen. « Ce n’est pas le projet de la Région, chacun exprime ses attentes pour former cette agence qui sera au service des entreprises », annonce Jean Rottner en prévoyant sa création avant la fin de l’année.

Michel Boulant, président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat : « Les TPE doivent être accompagnées dans l’évolution technologique ».

Christian Bruyen, président du Conseil départemental de la Marne : « L’agence de développement économique est essentielle à l’équilibre des territoires ».

Guillaume Gellé, président de l’URCA : « La bioéconomie fédère les forces vives du territoire ».

Jean Rottner, président du Conseil régional du Grand Est : « La Région est une collectivité de projet, de soutien aux autres ».

Catherine Vautrin, présidente du Grand Reims : « InnoBioECO2 est un projet qui relie l’ensemble du département ».