Leonarda SanchezUne pasionaria

(Photo : Agnès Bergon)

Elle s’apprête à mettre sur le marché des prothèses mammaires externes innovantes qui devraient améliorer la qualité de vie de très nombreuses femmes.

Être bon en maths peut parfois vous changer la vie. C’est ce qui est arrivé à Leonarda Sanchez. La jeune femme mène depuis 2011 un dur combat en vue de mettre sur le marché le produit qu’elle a développé, une prothèse mammaire externe innovante car personnalisée et abordable. La fondatrice de NewTeam Medical a présenté ses avancées le 25 juin dernier au centre de recherche Pierre Fabre à Toulouse à l’occasion d’une conférence organisée par le pôle de compétitivité Cancer-Bio-Santé aux côtés de deux autres jeunes pousses. La startuppeuse, qui vient de faire son premier recrutement, est en effet sur le point de lancer la commercialisation de ses prothèses. Fabriquées en France, elles seront distribuées via un réseau de pharmaciens et prothésistes agréés pour Me’Avanti, le modèle quasi sur mesure, et en ligne s’agissant des prothèses mammaires externes de convalescence dénommées Air’Avanti.
Une belle revanche pour celle qui fut championne de mathématiques dans son pays de naissance, le Nicaragua, seul moyen d’obtenir une bourse pour financer ses études. « Au Nicaragua, les enfants de classes modestes ne font pas des études à long terme. C’était mon cas. Il a donc fallu vraiment passer des épreuves, des concours pour arriver à obtenir une bourse scolaire, détaille Leonarda Sanchez. C’est ce qui m’a permis d’entrer dans une université prestigieuse de Moscou, l’Institut des relations économiques internationales, qui à l’époque formait des diplomates, des chefs d’entreprise d’anciens pays de l’Est… ». Elle obtient un master 2 en économie internationale et acquiert la maitrise de plusieurs langues étrangères. « J’ai un très bon souvenir de la Russie, malgré les difficultés », se remémore-t-elle. Sur place, en pleine Perestroïka, elle commence à travailler pour les entreprises occidentales qui souhaitent développer leur business en Russie. Un marché difficile : « Il fallait gérer les questions d’adaptation sur le plan juridique, dans le domaine du marketing, de la distribution, etc. Il y avait tout à créer. C’était une bonne école ! ». À Moscou, elle fait aussi la connaissance d’un Français qui deviendra son mari.

Après avoir passé une dizaine d’années en Russie, la jeune femme arrive en France, en Alsace où pendant quelques mois, elle « finalise ses connaissances basiques du français ! » Le couple s’envole très vite pour le Brésil où Leonarda Sanchez met au monde son deuxième enfant. Alors qu’elle vit à Rio, impossible pour elle de rester inactive. Elle s’engage dans différentes associations qui œuvrent notamment dans les favelas. « C’était très enrichissant, se souvient-elle. Cela m’a permis de voir un autre côté de l’Amérique latine, de jeter aussi un regard différent sur la vie ».

Retour en France, à Toulouse, où cette amoureuse de l’Occitanie vit depuis 2002. La famille s’agrandit avec l’arrivée d’un troisième enfant. Leonarda Sanchez, dont le mari est sans cesse en déplacements, fait alors le choix de mettre entre parenthèses sa carrière professionnelle. Elle devient très active dans des associations de parents d’élèves, donne des cours d’anglais bénévolement, s’occupe de projets immobiliers… « Je ne sais pas rester sans rien faire », assure-t-elle en riant.

Les années passent. En 2010, elle est confrontée à un cancer de la thyroïde. Un « chamboulement complet » pour la jeune femme qui « n’a jamais eu le moindre rhume ». « C’est une remise en question de la vie qu’on mène, de ce que nous faisons, de ce qu’on a envie de faire aussi », explique-t-elle. En même temps, plusieurs de ses amies sont frappées par un cancer du sein. Une maladie qui touche chaque année en France 60 000 nouveaux cas. Alors que la mastectomie est un passage nécessaire pour un tiers des patientes, la moitié d’entre elles, pour diverses raisons, n’entreprend pas de chirurgie réparatrice. Parmi celles-ci, une amie de Leonarda Sanchez se plaint de maux de dos, dus à l’utilisation de prothèses externes inadaptées. « La création de NewTeam a commencé comme ça : une histoire d’amies », reconnaît la jeune femme. Elle se plonge alors dans les recherches, décortique le parcours de soins. « Je me suis rendu compte que beaucoup de choses étaient faites pour pallier cette période-là, mais dans l’idée de donner une solution la plus rapide possible, sans se soucier de savoir si c’est adéquat ».

Autodidacte, Leonarda Sanchez imagine une prothèse lestée au gramme près, fait des essais dans sa cuisine avec du silicone alimentaire, étudie les matériaux, planche sur la réglementation des dispositifs médicaux… Mais « entre le rêve et la réalité, il y a un immense pas à franchir », s’amuse la startuppeuse. En 2014, NewTeam dépose un premier brevet. Reste à trouver le moyen d’industrialiser la production. Leonarda Sanchez, qui s’est rapprochée du pôle Cancer-Bio-Santé, « qui nous a accompagnés dès le début », reconnaît-elle, comme Ad’Occ, l’agence de développement régionale, et la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, se met en quête de partenaires industriels comme Prevent Transformation, un spécialiste du silicone, situé dans la Drôme, qui lui ouvre ses portes. Elle rencontre aussi les responsables de la plateforme Edit à Toulouse, qui accompagne le développement des dispositifs médicaux et lui apporte une aide plus que précieuse. « Que vous soyez un grand laboratoire ou une petite PME, vous avez les mêmes exigences à remplir, pointe-elle. Je vous laisse imaginer le travail colossal qu’il faut fournir pour arriver à remplir chaque exigence ». En début d’année 2019, après deux ans de démarche, elle a aussi obtenu la finalisation de l’organisation d’une étude clinique qui commencera… en septembre.

Huit ans auront été nécessaires pour « palier par palier, franchir toutes les difficultés », mais opiniâtre, Leonarda Sanchez a mené son combat jusqu’au bout et réussi à développer une prothèse personnalisée qui, grâce à un logiciel 3D et une balance qu’elle a aussi fait développer, prend en compte le poids, la carnation et la morphologie de la patiente. Le tout à un prix abordable : « c’était ça le challenge, affirme Leonarda Sanchez, permettre à toutes de se soigner bien et dignement ».

Rejointe en fin d’année dernière par deux nouveaux associés, la jeune femme qui a développé une deuxième gamme de prothèses, adaptées cette fois aux premiers temps qui suivent l’opération, sait que ses innovations sont très attendues. En témoigne le nombre de connexions et de demandes reçues par le site internet, meavanti.com, mis en ligne depuis quelques mois seulement. De quoi accroître encore « l’immense responsabilité morale que j’ai à l’égard de toutes ces femmes », confie-t-elle.

Parcours

1970 Naissance à Managua au Nicaragua.
1989-1995 Obtient un Master 2 Relations économiques internationales à l'Institut d'Etat des relations internationales (MGIMO University) à Moscou en Russie.
2002 S'installe à Toulouse.
2011 Débute ses recherches sur une prothèse mammaire externe personnalisée pour répondre aux besoins d'une amie victime d'un cancer du sein.
2014 Crée NewTeam et dépose un premier brevet.
2019 Lance la commercialisation de ses prothèses.