Boris BergerotUne histoire de rencontres

Depuis quatre ans, il s’est lancé dans le secteur de l’e-sport. Un univers dont il a dû apprendre rapidement les codes.

Le parcours d’un entrepreneur se dessine souvent au travers de rencontres, de gens qui, à un moment donné, impulsent une idée, font germer une graine. Telle une bobine que l’on déroule, un nouveau chemin se dresse alors. Ces opportunités, c’est ce qui a conduit Boris Bergerot à se lancer aujourd’hui dans un secteur aussi jeune qu’incertain, celui de l’e-sport. Un parcours professionnel, presque semblable à un fusil de Tchekhov, dont l’amorce, aussi soudaine qu’inattendue, l’amènera à découvrir un univers, dont il ne soupçonnait pas vraiment le potentiel. C’est qu’au départ, rien ne semblait vraiment prédestiner l’entrepreneur de 43 ans, à mettre un pied dans l’univers du sport électronique. Lorsqu’il termine ses études en 2001, c’est en temps qu’ingénieur systèmes et réseaux qu’il rentre sur le marché du travail. Pendant ses dernières années d’études, il a cependant développé une première compétence qui lui permettra, plus tard, de provoquer son opportunité e-sportive : la formation. « Pendant mon contrat de formation et apprentissage chez EDF, j’étais chargé de former des équipes à de la conduite du changement sur des supports numériques, explique-t-il. En gros, je devais essayer d’apprendre à des gens, qui, depuis 30 ou 40 ans, travaillaient sur du papier, à se servir de tablettes ». Un premier pas dans la formation qui va l’entraîner à diriger une équipe de 13 personnes, avant même la fin de son diplôme. À l’issue de son cursus, l’entreprise lui propose de continuer sa mission pendant six mois, mais il refuse. Changement de décor total : il décide de partir un an au Costa Rica.

De l’autre côté de l’Atlantique, il débarque dans un territoire qui lui est totalement inconnu. « J’étais en totale immersion. Je ne savais pas parler espagnol, je n’avais pas de boulot, raconte-t-il. Je suis simplement arrivé avec mon sac à dos. » Cette année, loin de chez lui, est un mélange d’un peu de débrouille et de beaucoup d’adaptation. « J’avais quelques petits boulots : surveillant au lycée français, consultant web, puis vacataire à l’université de San José. De quoi arrondir un petit peu les fins de mois ». Savoir se débrouiller dans un environnement inconnu, il ne le sait pas encore, mais ce sera quelques années plus tard, un outil bien utile à son projet e-sport.

Après cette parenthèse, retour en France en 2003. Boris Bergerot intègre une start-up « qui développait une marketplace dans les nouvelles technologies, détaille-t-il. J’étais responsable des appels d’offres, de la sélection de prestataires et de la mise en relation entre offre et demande dans un peu tous les domaines du numérique. » C’est grâce à cette expérience qu’il va rencontrer celui avec qui il lancera sa première aventure entrepreneuriale. « Mon patron est devenu mon ami puis mon associé. En 2008, nous nous sommes fait racheter par une entreprise parisienne. Nous restons jusqu’en 2013 et lorsque nous décidons de partir, nous avions comme objectif de créer une plateforme de financement participatif dans le domaine du sport classique », explique-t-il.

Manque de chance, ce premier projet sera un échec. « On s’est cassé la figure, nous avons tout perdu en quatre mois après deux ans et demi de travail sur le projet. Notre investissement de départ de 120 000 € à tous les deux s’est envolé », se souvient Boris Bergerot. La raison ? « Nous n’avons pas pris le projet du bon côté, commence-t-il. Nous étions positionnés sur les marchés de la finance et du foot qui souvent ne font pas bon ménage, notamment à cause de suspicions sur la bonne ou mauvaise utilisation de l’argent dans ce milieu. En plus, notre projet, nous l’avons lancé au moment de l’affaire Platini ».

Alors que le projet semblait voué à l’abandon, une discussion va relancer l’idée. « En parallèle, je faisais toujours de la formation notamment dans le marketing digital dans des écoles, commente Boris Bergerot. À mes étudiants, je leur racontais mes expériences, mes galères et mes succès. Un jour, l’un d’entre eux vient me voir et me demande pourquoi cette plateforme de financement participatif, nous ne la développions pas dans le domaine de l’e-sport. À ce moment-là, je ne savais pas du tout ce qu’était l’e-sport ».

Ni une ni deux, il saute le pas.

Avec son associé, il fait alors pivoter son projet pour créer, encore une fois une plateforme de financement participatif mais cette fois-ci dans le sport électronique. Nous sommes en 2016, le marché est alors en pleine expansion avec des championnats à l’échelle européenne ou mondiale désormais bien structurés, sous la houlette des éditeurs de jeux vidéo. Mais au démarrage, le projet de Boris Bergerot patine quelque peu. « Nous nous sommes rendu compte que pour ce genre de plateforme, le ROI (retour sur investissement, NDLR) était très faible, analyse-t-il. Pour être rentable, il fallait que nous concrétisions des dizaines et des dizaines de projets et certaines plateformes généralistes commençaient elles aussi à s’intéresser à ce secteur. Nous n’étions pas du tout outillés comme elles ».

Devant ces difficultés, changement de stratégie. « Je suis revenu à mes premières amours, le B2B. Nous avons mis en place une stratégie de personal branding autour de moi. J’ai passé ensuite des journées entières à rencontrer les acteurs du secteur, me faire connaître, aller de conférences en conférences. » Une stratégie qui paye. L’entreprise Stakrn développe sa marque et se diversifie.

Aujourd’hui, l’entreprise a abandonné les projets de crowdfunding et cherche « à attirer les marques non endémiques à l’e-sport grâce à des événements business », explique Boris Bergerot. L’activité s’est également diversifiée avec notamment du consulting à l’international et du conseil auprès des jeunes joueurs.

Celui qui au départ, « a dû travailler jour et nuit pendant des mois et des mois », pour se forger une expertise et une crédibilité e-sportive, déploie désormais ses compétences aux quatre coins du globe, que ce soit ici, en Occitanie, ou en Asie, à Singapour ou Kuala Lumpur notamment. Après trois ans, ce secteur qui lui était totalement inconnu est désormais son élément. Et, lorsque le gouvernement a lancé de grandes consultations pour structurer l’e-sport, Boris Bergerot a été convié à la table de travail. Une expertise aussi précieuse pour la région Occitanie, qui sous l’impulsion de Carole Delga sa présidente, cherche à développer activement ce secteur entre Toulouse et Montpellier.

Aujourd’hui, il en est convaincu, l’e-sport a perdu son image de joueurs à capuche, réunis dans des hangars pour jouer toute la nuit. « Cette époque des geeks est terminée ! assure Boris Bergerot. Ce sont des jeunes qui demain auront des compétences en entreprise. C’est une nouvelle économie qui est en train de se mettre en place, de nouveaux métiers, de nouvelles start-up ».

Mais si auprès des jeunes générations, la discipline commence à se démocratiser, il lui reste encore à faire œuvre de pédagogie pour que les entreprises sautent le pas. « L’e-sport est devenu un support de communication, confirme-t-il. Si vous pensez que vous allez gagner de l’argent en montant une équipe e-sport, c’est raté, ce n’est pas le cas ».

Reste que, si le potentiel du secteur est encore mal connu des gros acteurs de la région, selon Boris Bergerot, l’avenir est à la croissance pour son entreprise. En début d’année, il a ainsi cofondé l’Agence e-sport à Toulouse, un cluster qui réunit les différents acteurs occitans. Mais surtout, à l’horizon 2022, il pourra installer les bureaux de Stakrn dans l’Icone Arena, un complexe immobilier de 16 000 m2 qui sortira de terre dans le quartier des Argoulets et entièrement dédié aux entreprises et événements du secteur. De quoi donner à cette discipline virtuelle un temple bien réel.

Parcours

1977 Naissance à Dijon
2001 Diplômé de l’institut supérieur d’électronique de Paris, il part un an au Costa Rica
2003 De retour en France, il intègre une start-up et devient responsable des appels d’offres
2013 Fonde une plateforme de crowdfunding dédiée aux clubs sportifs. En parallèle, il devient formateur dans des écoles
2016 Il fonde Stakrn et se lance dans le secteur e-sportif B2B