Christine Dechaumont prend la tête d’une communauté de 574 notaires.
L’événement est assez rare pour être souligné. C’est en effet la première fois que les notaires du ressort de la cour d’appel de Toulouse élisent une femme à la présidence de la chambre interdépartementale qui regroupe les officiers publics ministériels des départements de la Haute- Garonne, de l’Ariège, du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Albigeoise d’origine, Christine Dechaumont prend donc la tête d’une communauté de 574 notaires, dont 65 % de femmes, répartis dans 240 offices et dont la moyenne d’âge n’excède pas 48 ans.
Christine Dechaumont succède à Philippe Pailhès, au terme d’un parcours pour le moins original. Après quelques années de cléricature dans la région toulousaine, la jeune femme, diplômée de l’université Toulouse 1 Capitole, a en effet intégré le Cridon Sud-Ouest, à Bordeaux, pour exercer comme consultante en matière de fiscalité professionnelle, le Cridon constituant le centre de recherche notariale. « Une expérience atypique dans le notariat, reconnaît-elle, mais qui s’est révélée une formation complémentaire très utile et qui m’a ouverte sur le monde de l’entreprise ».
Depuis 2002, elle officie au cœur de la cité épiscopale au sein d’un office qui regroupe cinq notaires et une dizaine de collaborateurs. La quinqua, qui se définit comme un notaire « traditionnel », sa pratique se situant « dans la médiane de la profession », traite « du droit immobilier, du droit de la famille, du droit des sociétés, du droit commercial, un peu de droit rural et évidemment de la fiscalité, qui est partie prenante de tous les dossiers que nous traitons. »
À L’ÉCOUTE
À la tête de la chambre interdépartementale des notaires pour deux ans, elle s’est donné trois priorités. Elle souhaite en effet en premier lieu « valoriser, promouvoir et expliquer les atouts de l’authenticité ». « Nous avons un savoir-faire et des valeurs, détaille-t-elle. Il est important de le faire savoir. » Son deuxième objectif est « de développer sa visibilité sur toute la cour d’appel », poursuit-elle. « Mon prédécesseur a fait un travail remarquable de dynamisation de notre chambre sur la région toulousaine. Je souhaite que notre action soit déployée dans tout les départements de la chambre, ajoute le notaire albigeois, surtout à l’heure où nous vivons, où les territoires ruraux se sentent délaissés. Il me semble qu’il faut faire savoir que le notaire est toujours là, qu’il est proche, à l’écoute, accessible à tous et pour tous. » Elle souhaite enfin concentrer l’action de la chambre qu’elle préside sur les jeunes. « Des jeunes notaires installés jusqu’aux très jeunes. Il me semble évidemment indispensable de continuer à intégrer nos jeunes notaires, pour qu’ils partagent pleinement les valeurs de la profession mais que nous puissions également nous nourrir de leur dynamisme et de leurs idées, affirme Christine Dechaumont. Mais nous devons aussi être plus présents dans les salons d’orientation, et être plus intégré dans l’université afin de promouvoir nos métiers. » Le notariat, qui représente dans le ressort de la cour d’appel 1 600 collaborateurs, « est une profession qui recrute », affirme la nouvelle présidente.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Croissance en 2015, qui visait à libéraliser certains secteurs réglementés dont le notariat, la chambre interdépartementale a vu ses effectifs progresser très rapidement. 55 primo-accédants se sont installés dans le ressort de la cour d’appel au terme de deux vagues de nominations, « et nous en attendons une trentaine de plus à l’issue du troisième tirage au sort qui devrait avoir lieu sous peu », confirme Christine Dechaumont. Si elle reconnaît que la loi Croissance a permis de « rajeunir » et de « féminiser » les rangs de la profession, elle pose un principe – le tirage au sort – totalement « injuste, à la fois pour celui qui est tiré au sort et pour celui qui ne l’est pas, parce qu’il n’y a aucune méritocratie dans ces nominations ». La chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Toulouse est cependant la première à avoir créé en son sein une structure pour faciliter l’accueil de ces nouvelles recrues.
Ces dernières se sont installés pour l’essentiel en Haute-Garonne, « alors même que les départements limitrophes ont énormément de difficultés à attirer de jeunes collaborateurs et de jeunes notaires », pointe Christine Dechaumont.
LE BILAN DE LA LOI CROISSANCE
La profession, dans son semble, fustige ce mécanisme inadapté qui n’assure pas la viabilité des situations ainsi créées. Un rapport récent, rédigé à l’initiative du Conseil supérieur du notariat et remis au garde des Sceaux, fait le bilan des cinq années de mise en pratique de la loi Croissance. « Tout a été marqué par une forme de précipitation, notent ses auteurs, dont nul ne comprend la source, le fondement, la raison : le mécanisme du tirage au sort, le plus aveugle et plus antirépublicain des systèmes qu’on pouvait envisager, a créé les apparences d’un engouement – avec 30 000 horodatages en 2017 puis 24 000 en 2019 pour la deuxième vague, chiffres toutefois sans signification ni réalité, une même personne pouvant horodater à d’innombrables reprises pour toutes les zones. Beaucoup de nouveaux notaires ont voulu s’emparer d’une opportunité qu’ils craignaient de ne jamais voir se reproduire. Beaucoup ont été insuffisamment préparés ou ont été aiguillés par le hasard du tirage au sort dans des zones qu’ils ne connaissaient pas, ce qui rendait difficile, voire hasardeuse, l’exécution de leur projet. » En conséquence, ils ajoutent : « On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, que les résultats des offices créés soient très contrastés. Même les 10 % qui réussissent le mieux parviennent à peine à la médiane des produits des offices notariaux – c’est tout de même une belle performance. Un quart des offices créés affichent une performance économique satisfaisante (et parmi ceux-ci une moitié réussit très bien), un tiers semble pour le moment viables, 40 % soit ne parviennent pas à décoller, soit sont dans un état d’inactivité patente. »
Dans le ressort de la cour d’appel de Toulouse, le constat est identique. « Un tiers des créations s’en sort bien, un tiers est dans ce qu’on pourrait appeler le ventre mou et un dernier tiers a une activité fragile ou n’a pas démarré son activité », confirme Christine Dechaumont.
UNE CHAMBRE RENOUVELÉE
À l’issue des récentes élections, la composition de la chambre interdépartementale des notaires est la suivante : Christine Dechaumont, présidente ; Alain Faure, premier vice-président en charge du contrôle des offices ; Alain Sforzini, vice-président de la gestion et de l’administration ; Philippe Pailhès, vice-président de la promotion du notariat ; Philippe Ruquet, vice-président en charge de la Communication ; Olivier Tellier, trésorier ; Wilfried Baby, secrétaire ; Carole Guy, rapporteuse ; Sébastien Belva, président délégué pour le ressort du TGI de Toulouse ; Estelle Arnaud, présidente déléguée pour le ressort du TGI d’Albi ; Patricia Saux-Teixeira, présidente déléguée pour le ressort du TGI de Castres ; Sophie Aubert, présidente déléguée pour le ressort du TGI de Montauban ; et Bruno Barbe, président délégué pour le ressort du TGI de Foix.