Une Cité de l’économie et des métiers de demain

La nouvelle structure s’est installée dans 3 000 m2 de locaux rénovés à Odysseum à l’est de Montpellier.

Alors que la crise du Covid-19 nous questionne plus que jamais sur le monde d’après, le projet initié il y a deux ans par la Région voit sa pertinence réaffirmée.
La Cité a ouvert en septembre en plein cœur de Montpellier.

U ne conférence sur les « Compétences et métiers du XXIe siècle », une autre sur le thème : « Économie, hommes et nature : la nouvelle donne ? », une troisième dédiée aux « Métiers de demain pour la filière de l’hydrogène vert »… Malgré le confinement, l’agenda de la Cité de l’économie et des métiers de demain ne désemplit pas. Pendant de la Cité (des start-up) abritée au sein des anciennes Halles Latécoère à Toulouse et dédiée à l’innovation, la Cité de l’économie et des métiers de demain, qui a trouvé sa place dans 3 000 m2 de locaux à Odysseum, à l’est de Montpellier, a ouvert ses portes en septembre. Une nouvelle entité créée par la Région Occitanie dont les objectifs sont à la fois, « en décryptant les grandes mutations économiques en cours et à venir », d’aider les entreprises à « prendre les bons virages », mais aussi « en favorisant les expérimentations et le développement des grands projets d’innovations », d’inventer les métiers de demain, et enfin, en adaptant l’offre de formation, de permettre aux citoyens de se projeter vers ces métiers.

VOIR LOIN

« La vocation de la Cité de l’économie et des métiers de demain est d’aider les acteurs économiques, les entreprises à se projeter, à voir loin, résumait début septembre Raphaëlle Lamoureux, directrice de la nouvelle structure, à l’occasion de la conférence inaugurale. Il y a ainsi au sein de cette cité énormément d’acteurs qui travaillent à la prospective technologique, mais aussi sur les nouveaux modèles de production, de consommation, sur les nouvelles manières de travailler, d’apprendre. Du reste, un certain nombre d’acteurs embarqués dans ce projet pensent véritablement que l’entreprise de demain est une entreprise ouverte, durable. Nous portons aussi ces valeurs-là. Prospective technologique, nouveaux modèles mais aussi nouveaux métiers : nos travaux vont nécessairement de pair avec des travaux sur la capacité humaine et la création d’emplois. »

Initié en 2018, le projet de création de la Cité de l’économie et des métiers de demain s’appuyait à l’époque sur différentes études. L’une, portée par Dell et un think tank californien, l’Institut pour le Futur, indiquait ainsi que 85 % des métiers de 2030 n’existent pas encore. Une autre, menée par le cabinet Roland Berger pour Adecco, montrait que la pérennité de 42 % des emplois en France, soit trois millions au total, seraient menacée par la transition numérique d’ici à 2035. Moins alarmiste, l’OCDE estimait que 25 % des métiers se verraient considérablement modifiés par l’automatisation.

L’anticipation de ces mutations économiques justifiait, expliquait à l’époque Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, « de mener une réflexion prospective sur les évolutions futures du marché, des secteurs, des territoires et des métiers afin d’adapter le plus en amont possible, les schémas de développement territoriaux, les organisations des entreprises et du travail en même temps que les compétences des salariés. »

Deux ans plus tard et après 10 mois d’une pandémie meurtrière qui a mis à mal les économies de la plupart des pays dans le monde, l’utilité d’une telle réflexion paraît plus que jamais s’imposer. « C’est une certitude, les métiers d’aujourd’hui ne seront pas ceux de demain. Les enjeux sont immenses et il s’agit de profiter de cette révolution pour anticiper les besoins, expérimenter, encourager l’innovation. La crise sanitaire et économique actuelle liée à l’épidémie de Covid-19 amplifie cette réalité et la rend plus pressante encore », réaffirmait l’élue, le 16 octobre dernier à Montpellier.

UNE OFFRE TRIPTYQUE

Cet écosystème original, composé de TPE et PME régionales, de laboratoires, d’universités et de grands groupes s’appuie sur trois piliers : un espace professionnel, sorte de « villa Médicis des métiers de demain » qui vise à favoriser l’expérimentation à travers des résidences temporaires de projets innovants associant entre- prises et laboratoires, la mise en réseau et le développement de partenariats à l’international, via notamment des conférences, des groupes de travail, des ateliers, des hackatons, etc. ; un service d’accompagnement personnalisé des entreprises autour de thèmes tels que l’évolution digitale, écologique, organisationnelle, la refonte de la stratégie et du business model via les programmes proposés par l’agence de développement économique régionale Ad’Occ et les solutions de financement de la Région. Pour soutenir les entreprises dans leurs démarches et nourrir leurs réflexions, outre Ad’Occ, la Cité de l’économie et des métiers de demain agrège d’autres partenaires tels que les pôles de compétitivité Aerospace Valley, Mer Méditerranée, Derbi et le cluster Cemater, le réseau d’entreprises en croissance Leader Occitanie ou encore Push Start, association de professionnels du jeu vidéo en Occitanie.

Tournée également vers le grand public, la Cité de l’économie et des métiers de demain veut enfin favoriser la découverte des métiers de demain à travers la planification d’événements avec les entreprises, un espace showroom, des expositions pédagogiques, un espace numérique et un espace ressources… Ce n’est donc pas par hasard si l’Académie IBM s’est installée au cœur de la Cité de l’économie et des métiers de demain. Elle forme des demandeurs d’emploi au métier de développeur d’application en intelligence artificielle. Un projet soutenu à hauteur de 273 000 € par la Région Occitanie via le dispositif Innov’Emploi. La première session de formation a démarré en septembre avec 24 demandeurs d’emploi.

SIX THÉMATIQUES

Depuis septembre, des thèmes prospectifs ont été listés tels que « construire, s’adapter, anticiper », « digitaliser, robotiser, transformer », « produire, fabriquer, consommer », « travailler dans l’entreprise de demain », « (ré) apprendre à apprendre », « relier les hommes, l’économie, la nature », et des groupes de travail ont été constitués qui ont commencé à plancher sur ces sujets.

Marion Frêche, chargée de développement au sein du groupe Nicollin, spécialisé dans la propreté urbaine et la collecte de déchets, très présent en Occitanie, a notamment participé à l’un d’eux. « Nous réfléchissions déjà en interne au devenir de nos métiers, au “cantonnier connecté” ou encore à “l’agent de surface augmenté”, explique-t-elle. Ce qui nous intéresse dans l’offre de la Cité de l’économie et des métiers de demain, c’est l’opportunité d’échanger avec des personnes auxquelles nous n’avons pas forcément accès au quotidien, des universitaires, des laboratoires, mais aussi des entreprises actives dans des secteurs éloignés du nôtre. L’idée de ces groupes de travail est de faire émerger des besoins communs et complémentaires à la fois. »

Pour Pascal Thomas, président de Futura Gaïa, une start-up gardoise qui développe une solution d’agriculture verticale sur sol vivant, en environnement contrôlé, ces réflexions prospectives sont tout aussi nécessaires. « C’est maintenant qu’il faut préparer les filières, assure-t-il. Pour agir sur la formation, il faut être capable d’anticiper, d’avoir des bassins d’emplois qui permettent de former aux métiers de demain. Le rôle de la Région dans la définition des thématiques à développer revêt une importance capitale. Il faut une vision filière, éviter la paupérisation de celles-ci, en choisir quelques-unes et, à partir de cela, dérouler une vision à 360 °, de la création à l’emploi en passant par la formation des personnes. »

COCONSTRUCTION

Le concept aussi bien que l’offre de la Cité de l’économie et des métiers de demain sont le fruit d’une coconstruction, un comité de pilotage stratégique, composé d’une trentaine d’acteurs locaux (entreprises, laboratoires, réseaux, clusters, écoles…) ayant été constitué dès l’origine parmi lesquels des représentants de Dell, Kaliop, Vogo, Quantum Chirurgical, Zendesk, Leader Occitanie, Nicollin, Quadran, Rakuten, EDF, IBM ou encore HP. En parallèle, une consultation a également été lancée en ligne en juillet 2018 via Ad’Occ, qui a réuni plus de 800 contributeurs.

Dès l’an prochain, un comité scientifique regroupant philosophes, sociologues, économistes, et chercheurs d’Occitanie devrait être constitué en vue de proposer des contributions et des publications à partir des thèmes de la programmation de la Cité de l’économie et des métiers de demain.