Une action collective lancée depuis Toulouse en faveur de l’indemnisation des pertes d’exploitation

L’avocat Christophe Léguevaques.

Les pertes d’exploitation liées à la crise sanitaire, qui se montent à plus de 60 Msd€, ne sont pas prises en charge.

Les compagnies d’assurances devront-elles mettre la main à la poche pour indemniser, au moins en partie, les pertes d’exploitation subies par des centaines de milliers d’entreprises du fait de la crise sanitaire ? Christophe Léguevaques, avocat au barreau de Paris, qui dispose également d’un bureau à Toulouse, en est convaincu. Le fondateur de la plateforme Mysmartcab a lancé le 4 juin dans la Ville rose, une nouvelle action collective rassureznous.fr. Son objectif est d’agréger un maximum de dossiers de demandes d’indemnisation, en vue de faire pression sur les compagnies dans la perspective d’âpres négociations. À défaut, l’avocat n’exclut pas le recours sur le terrain judiciaire.

Alors que beaucoup de professionnels et d’entreprises se plaignent du refus opposé par leurs assureurs de prendre en charge les pertes liées à la crise sanitaire du Covid-19 dans le cadre de la garantie des pertes d’exploitation qu’ils ont pourtant souscrite, selon l’avocat, « seule l’union peut créer un rapport de force susceptible d’amener les compagnies d’assurances à une véritable négociation ».

Des entreprises issues de très nombreux secteurs d’activité seraient susceptibles de participer à cette action collective. Sont de fait concernées « toutes celles qui ont dû, du fait des arrêtés, cesser leur activité, comme les cafés, hôtels, restaurants (CHR), les entreprises d’événementiel, les professionnels du tourisme, de la culture, du patrimoine, de la formation, de l’éducation, de la pratique sportive, énumère l’avocat, mais aussi tous les professionnels du paramédical, notamment les ostéopathes ou les kinésithérapeutes, qui ont également été empêchés d’exercer ». Soit selon son calcul, 20 000 entreprises en Occitanie, rien que pour le secteur des CHR, « mais si l’on retient une cible plus large, c’est près d’un million d’entreprises en France qui sont concernées ».

Pour autant, pointe l’avocat, « nous ne pouvons garantir que toutes les demandes seront recevables. Il faudra procéder à chaque fois à un audit du contrat d’assurance », afin d’évaluer les chances d’être indemnisé, puis le cas échéant « fixer le montant des pertes d’exploitation ».

« Selon l’adage, l’union fait la force, plus les demandeurs seront nombreux, plus les compagnies auront intérêt à négocier pour sortir par le haut. À défaut, l’État pourrait se retrouver en première ligne, car il a commis des erreurs dans la gestion de cette crise », assure également l’avocat.

À défaut d’obtenir satisfaction par la négociation, « nous aurons une solution de replis qui consiste à obtenir de l’État la déclaration de l’état de catastrophe naturelle », ajoute-t-il. Selon ce dernier, qui s’appuie sur une jurisprudence de 1992, il ne fait aucun doute que, dans le cas du Covid-19, les éléments qui le constituent sont réunis, auquel cas « le gouvernement ne peut pas refuser de le prononcer ».

L’équipe de Mysmartcab espère engranger d’ici la fin du mois de juin plus d’un millier de demandes, l’objectif étant de « proposer des transactions d’ici la rentrée de septembre », précise l’avocat. « C’est à la justice de rééquilibrer le rapport de force pour renverser la situation au profit des professionnels. C’est le meilleur moyen de maintenir l’activité et de protéger l’emploi. »

Pour les compagnies d’assurances l’enjeu est de taille. Selon Florence Lustman, présidente à la Fédération Française de l’Assurance, ce sont 60 Mds€ qu’elles pourraient être amenées à verser si elles devaient prendre en charge l’intégralité des pertes d’exploitation enregistrées durant la crise sanitaire par leurs assurés . Selon la FFA, « la quasi-totalité des contrats couvrant les entreprises (pertes d’exploitation, rupture de la chaîne d’approvisionnement, annulation d’événements, défaut de livraison, etc.) exclut l’événement d’épidémie. En effet, en fonction de sa durée et de son ampleur, une épidémie peut affecter tous les secteurs et avoir un impact sur l’activité économique globale, rendant ainsi ses conséquences économiques inassurables. »

Une réponse qui ne satisfait pas David Gerson. Le restaurateur a ouvert en début d’année un second restaurant à Blagnac. Ces deux établissements ont enregistré depuis le début de la crise sanitaire des pertes d’exploitation qu’il chiffre à près de 230 K€. Assuré pour ce risque, il s’apprêtait à engager une démarche d’indemnisation lorsqu’il a été contacté par sa compagnie, laquelle s’est proposée de faire spontanément en sa faveur « un geste solidaire pour couvrir ces pertes, à savoir 500 € pour le premier restaurant et 280 € pour le second, soit environ deux mois de cotisation. Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer, c’est consternant », témoigne-t-il. L’entrepreneur qui a bénéficié d’un PGE, craint des temps difficiles, lorsqu’il s’agira dans quelques mois de rembourser ce prêt. « Nous allons perdre cinq ans. C’est comme si nous devions rembourser une deuxième fois le crédit que nous avions contracté pour l’achat du fonds de commerce », conclut-il, amer. Si par son ordonnance de référé dans l’affaire qui oppose Stéphane Manigold, président du groupe Eclore, à Axa, le tribunal de commerce de Paris a ouvert la voie à l’indemnisation des pertes d’exploitation, il s’agit pour l’heure d’une simple brèche.