Un plan Intelligence Artificielle à 350 M€

Jean Rottner, Président du Conseil régional Grand Est : « Je veux une Région innovante, qui soit dans l'anticipation, dans la proximité et le respect de chacun ». (Photo : Gérard Delenclos)

La promotion des mobilités durables, hors ferroviaire, les modalités du plan Intelligence Artificielle, la bonne réalisation du budget 2018 énoncée par le compte administratif, une décision modificative qui abonde le financement du plan Lycée 4.0, voici dans un ordre du jour copieux, les grands dossiers votés lors de la dernière session du Conseil régional du Grand Est.

Beaucoup plus intéressants pour le développement des territoires de la région que les soupçons d’emplois fictifs ou les remises gracieuses de dettes, certains dossiers abordés lors de la dernière plénière du Conseil régional méritent une attention soutenue. Et puisque les récentes élections européennes disent un vrai désir d’écologie de la part des Français, commençons par le dossier « Dispositif d’intervention en faveur des mobilités durables ».

ÉLECTRIQUE, HYDROGÈNE ET GNV

De l’étude d’opportunité à l’installation en passant par l’achat de véhicule, la Région s’adresse, via des appels à projets, aux villes moyennes et à la ruralité pour faciliter les déplacements dans le respect de l’environnement. Il s’agit tout d’abord du renforcement des installations de recharge électrique des véhicules. La région disposant à ce jour d’un peu plus de 1 300 bornes de ce type, dont 820 accessibles au public, le Conseil régional accompagne financièrement l’implantation de 3 000 nouvelles bornes, à part égale sur la voirie, dans les entreprises et dans le résidentiel collectif. Les aides couvrant selon les cas entre 50 et 70% du coût des projets.

La Région s’engage également dans le renforcement du réseau des stations GNV (gaz naturel véhicule). À partir des 11 stations aujourd’hui implantées dans le Grand Est, il vise un doublement du parc ouvert aux véhicules particuliers et aux utilitaires légers par une aide couvrant 20% de l’installation. À ce stade, la région rejoindrait l’Ile-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine, déjà leaders en la matière.

Faire de la région un territoire pilote pour l’hydrogène est une autre ambition affichée par l’exécutif régional. Il n’existe actuellement qu’une seule station de ce genre, à Sarreguemines, et deux projets, à Vitry-le-François et à Sainte-Marie-aux-Mines. Cet usage s’avérant payant à partir de flotte captive de proximité, la Région mise sur la création d’une dizaine de flottes (collectivités locales ou entreprises) s’appuyant sur des stations et équipées hydrogène, avec un financement de 25% pour l’achat de chaque véhicule.

UN PLAN RÉGIONAL POUR L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

L’élaboration d’un tel plan est une première nationale. Lorsque l’on évoque l’IA (Intelligence Artificielle) on entre dans un domaine complexe et transversal incluant l’informatique, le numérique, l’électronique, les statistiques, les neurosciences et les sciences cognitives, la recherche appliquée et la production. Ce plan s’inscrit dans le projet « Smart Région ». Il est porté par Grand E-nov et vise les trois filières régionales désignées prioritaires : l’industrie du futur, la bioéconomie et la santé.

Dans un contexte mondial largement dominé par les USA et la Chine et dans lequel la France est le premier pays européen en IA, le Grand Est entend travailler sur ce sujet avec l’Europe et tout particulièrement avec ses voisins frontaliers, l’Allemagne en tête.

Le plan IA Grand Est va s’appuyer sur un institut multisite et interdisciplinaire, comme il en existe déjà en Bretagne, en Ile-de-France ou en Auvergne-Rhône-Alpes. Il va soutenir les entreprises en mutation, les startups dédiées, les coopérations de compétences, l’éthique, la transparence et le caractère inclusif des entités aidées.

UN FINANCEMENT DE 350 MSUR CINQ ANS

Forte de ses différents plans (Haut Débit, déploiement de la fibre sur l’ensemble du territoire d’ici à 2022, Lycée 4.0, Industrie du futur, Ferme du futur et l’appel à manifestation d’intérêt pour le numérique au quotidien), le Conseil régional triple son effort financier actuel en engageant dans ce Plan IA Grand Est 350 millions d’euros sur cinq ans. Sur chacune de ces échéances, le financement prévisionnel sera assuré par 40 M€ de Fonds européens et 30 M€, à part égale entre la Région, les ressources académiques et les ressources industrielles.

Pour le Conseil régional, cette ambition possède des racines sur le terrain : une centaine d’entreprises, une cinquantaine de startups et plus de 500 chercheurs travaillent déjà sur ce sujet, notamment dans les secteurs des services (31%), de la santé (29%) et de l’industrie (16%). Devenir l’une des premières Smart Région d’Europe, voilà l’ambition affichée du Grand Est.

UN BUDGET 2018 RÉALISÉ À PLUS DE 95%

Exercice obligé en cette période, la dernière plénière du Conseil régional examinait le compte administratif de l’année 2018, lequel vérifie en recettes et dépenses la qualité de la réalisation du budget. Le taux d’exécution du budget (2 787 M€) s’établit à 95,1%, soit en légère baisse par rapport à 2017 (96,3%). L’exécution des recettes (97,2%) est supérieure à celle des dépenses (95,1%) et le résultat de l’exécution affiche un solde positif de 64 millions d’euros.

Par chapitre, le mandatement des dépenses est très bon pour le chapitre culture, sports et loisirs (98%) et pour celui des transports (97,6%). Il est moins bon et suscite les commentaires de l’opposition à la majorité régionale pour l’action économique (83%) et pour la consommation des fonds européens (85%). On notera un taux de mandatement du fonctionnement (96,5%) supérieur à celui de l’investissement (92%). Les trois grandes compétences du Conseil régional couvrent près de 59% du budget : 31% pour les transports, 16,3% pour la formation et l’apprentissage et 11,6% pour l’enseignement et les lycées.

L’EXTENSION DU PLAN LYCÉE 4.0

La décision modificative est un ajustement des dépenses et des recettes du BP, budget primitif. Elle tient également compte du résultat définitif de l’année N-1, en l’occurrence un positif de 64 M€. Au final, l’exécutif régional vote un crédit de paiement de 53,7 M€ qui porte le budget 2019 à 3 256 M€. Dans cette enveloppe budgétaire, le Conseil régional consacre, entre autres dépenses, un nouveau financement du Plan Lycée 4.0, avec l’ambition de généraliser à tous les lycées du Grand Est, et dès la classe de seconde, l’usage des ordinateurs en remplacement des manuels en papier. L’opération avait démarré à la rentrée 2017 avec une cinquantaine de lycées volontaires et s’était poursuivie l’année suivante pour atteindre l’équipement de 111 lycées. Voté en mars dernier l’extension du Plan Lycée 4.0 devrait désormais concerner les 350 lycées du Grand Est. La rallonge budgétaire évoquée dans la DM porte sur 30 M€. Désormais, c’est la gratuité de l’équipement pour chaque lycéen qui a été choisie par le Grand Est.

LYCÉE 4.0 ET FONDS EUROPÉENS CIBLES DE L’OPPOSITION

Dans une séance marathon d’une dizaine d’heures, ouverte par les propos liminaires du président Jean Rottner puis ceux des groupes d’opposition, on a pu remarquer, parmi des dizaines d’interventions, cette proposition de Pernelle Richardot pour le groupe socialiste : « Nous demandons une véritable Assemblée des territoires, regroupant non pas des conseillers régionaux mais des représentants des différentes collectivités, acteurs associatifs et chefs d’entreprises… ». Un autre Ceser ? Une assemblée mixte Région-Ceser ? L’élue socialiste ne s’est également pas privée de redire son opposition au Plan Lycée 4.0 et sa volonté de voir se généraliser la gratuité des transports scolaires.

Sur la consommation des fonds européens (1,4 milliard d’euros alloués au Grand Est entre 2014 et 2020), telle qu’elle figure dans le Compte administratif, Rachel Thomas, pour le groupe Les Progressistes, revient sur la faiblesse de ses niveaux : « Nous constatons que seulement 50% du volume de ces fonds ont été engagés à ce jour sur les maquettes FEDER et FSE et moins de 30% sur le FEADER ». Sur ce sujet, l’élue socialiste demande « un débat politique de la réalité de l’état des maquettes dans une totale transparence ».