Annie BrinetUn monde en formation

La nouvelle directrice des centres Afpa de Toulouse Métropole et de l’Ariège connaît bien le sujet de la reconversion pour l’avoir expérimenté plusieurs fois.

Difficile d’imaginer moment plus dramatique pour prendre de nouvelles fonctions, qui plus est lorsqu’il s’agit de prendre les rênes d’un centre de formation professionnelle – sachant que dans les mois à venir, celle-ci va devenir un enjeu capital –, de surcroît lorsque ce centre constitue « dans son domaine d’excellence », à savoir « l’aéronautique » – une filière fortement affectée par la crise du Covid-19 –, un « centre de référence ». C’est ce qui pourtant vient d’arriver à Annie Brinet. La nouvelle directrice des centres Afpa (pour Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) de Toulouse Métropole et de l’Ariège a effectivement pris son poste le 11 mai dernier, premier jour du déconfinement. Venue de l’Hérault où elle dirigeait l’agence de Montpellier-Saint-Jean-de-Vedas, la quinqua a désormais en charge les centres de Pamiers et Foix dans l’Ariège et ceux du Palays et de Balma, sur le territoire de la métropole toulousaine, ce dernier constituant dans le domaine de l’aéronautique, l’un des « 20 centres stratégiques nationaux » de l’Afpa selon les termes du directeur régional Afpa Grand Sud Alain Mahé (La Dépêche, 7 mai 2018). Des centres qui, par an, forment, chacun, près de 2 000 personnes en reconversion, dans des métiers très divers.

N’eussent été les circonstances, la nouvelle directrice, « fan du Stade Toulousain », qui « ne manque aucun match du Top 14 et du Tournoi des Six nations », se dit ravie d’arriver à Toulouse. Passionnée d’art « et plus particulièrement d’art contemporain », Annie Brinet n’aura cependant, dans les semaines qui viennent, que peu d’occasion d’arpenter les musées. La crise économique qui se profile – 500 000 pertes d’emploi déjà effectives au premier trimestre – devrait gonfler les besoins de formation professionnelle et les organismes tels que l’Afpa seront plus que jamais sollicités.

D’ailleurs « je n’attends pas qu’on me sollicite pour commencer à travailler sur le sujet et me rapprocher des différents acteurs du territoire », confirme la quinqua originaire de Blois qui a vécu une grande partie de sa vie à Nîmes, dans le Gard. « Nous sommes pleinement saisis de ce sujet. D’ailleurs, explique-t-elle, après notre entretien, je bascule sur une réunion avec les formateurs du secteur aéronautique. Je veux bien connaître l’offre, puisque j’arrive sur le centre, pour comprendre quel pourrait être notre valeur ajoutée, notamment pour Airbus qui, avec ses sous-traitants de rang 1, est notre principal client. » D’ores et déjà mobilisée, elle entend ainsi « prendre attache avec tous les services concernés, la Direccte, la Mission locale. Je reçois également prochainement une députée de la circonscription, membre de la Commission des affaires sociales, avec qui je vais évoquer le dossier. J’ai également proposé aux chargés de mission sectoriels du Conseil régional de les rencontrer, etc. »

Alors qu’une enveloppe de 15 Mds€ vient d’être débloquée pour soutenir la filière aéronautique, c’est, de fait, toute l’économie du secteur qui se trouve bouleverser. « Nous avons en ce moment des formations pour la branche professionnelle d’installateur de cabine qui vont se retrouver sans débouchés alors que ce programme a été mis en place parce que l’emploi, dans ce domaine, était en tension…, détaille Annie Brinet. Effectivement, il y a un sujet reconversion. Mais de quelque manière que ce soit, l’Afpa sera présente pour relever le défi. »

Face à cette situation hors norme, éprouve-t-elle des inquiétudes ? « Non, ce sont plutôt des interrogations, assure la nouvelle directrice. Avec le Covid-19, nous nous questionnons sur l’avenir de la formation tertiaire en présentiel puisque beaucoup de formations ont basculé dans le tout à distance. Donc, pas d’inquiétude mais plutôt une hypervigilance et une mobilisation pour être acteur de l’évolution économique de notre pays. C’est inscrit dans nos missions, en tant qu’établissement public et c’est dans notre ADN d’organisme de formation depuis l’après-guerre ». Et la nouvelle directrice de rappeler que « l’Afpa a été créée en 1946 pour reconstruire la France. Elle a été fondée historiquement pour les métiers du bâtiment. Dès lors, se saisir d’un sujet de massification de reconversion, ça, l’Afpa sait faire. Se saisir d’un sujet sectoriel, nous savons faire aussi, parce que nous avons des directions de l’ingénierie sectorielle qui travaillent tous les jours sur la politique du titre professionnel avec les branches. Nous sommes mobilisés, impliqués. On se prépare pour être là au bon moment, être acteur de cette évolution et pleinement utile. »

L’utilité, c’est un mot qui résonne dans le parcours d’Annie Brinet qui a longtemps travaillé dans le secteur de l’économie sociale et solidaire avant de rejoindre l’Afpa. C’est à Nîmes où son père a longtemps dirigé des établissements de l’Anapi (association de parents de handicapés), qu’elle a intégré un cursus d’expertise comptable avant de « bifurquer », une première fois « après avoir rencontré un artisan pâtissier chocolatier compagnon du Devoir ». À l’époque, le jeune homme, originaire de Liège, finit son Tour de France. Le couple s’installe dès lors en Belgique, et crée un magasin et un établissement traiteur que « nous avons tenus pendant six ans », se souvient Annie Brinet. Elle en profite pour obtenir en Belgique le titre de conseiller fiscal. Mais un tragique accident de la vie conduit la jeune femme, âgée de 29 ans, à rentrer en France. Après cette première expérience de création d’entreprise dans l’alimentaire, elle s’oriente alors vers l’ESS. « J’avais une fibre sociale assez développée », se souvient-elle pour expliquer ce nouveau virage. Elle devient directrice administrative et financière dans un établissement et service d’aide par le travail (Esat) puis dans une holding de maisons de retraite. Elle participe à plusieurs opérations de fusion acquisition et à la création d’un système de portage de repas à domicile. En 1998, la jeune femme, qui a « refait sa vie », attend la naissance de son deuxième enfant. Et éprouve à nouveau le besoin « de changer, d’évoluer », « comme beaucoup de personnes autour de la quarantaine ». Même si son job de Daf « était très intéressant », « j’avais fait un peu le tour de la question », reconnaît-elle.

En 1999, elle fait une tentative pour devenir directrice de la gestion et de la logistique chez Castorama, « mais la grande distribution ce n’était pas du tout mon ADN, avoue-t-elle. Cela m’a conforté dans l’idée de rester dans l’ESS. » C’est au final « une belle rencontre avec une chargée de mission de l’Apec » qui l’a conduite, après avoir passé six ans dans l’expertise comptable, six ans comme indépendante et six ans comme Daf, à devenir formatrice en gestion des entreprises à l’Afpa de Nîmes. Et depuis 2007, elle enchaîne les postes de direction à Alès, Avignon, Montpellier… Un parcours aux multiples inflexions qui lui permet d’affirmer : « Je sais ce que c’est que la reconversion professionnelle ; ce que c’est que de souhaiter évoluer. Chaque jour, quand j’accompagne des stagiaires, je suis parfaitement en phase avec leurs aspirations, ce qu’ils traversent et la façon dont ils fonctionnent, en mode projet, pour changer et évoluer. » Un atout de taille, dans ce monde post-Covid.

Parcours

1963 Naissance à Blois
1984 Chargée de mission dans un cabinet d’expertise comptable
1987 Année d’études du DESCF
1987 Crée une pâtisserie et un établissement traiteur dans la région de Liège en Belgique
1993 Obtient le poste de directrice administrative et financière dans une holding de maisons de retraite à Nîmes
2000 Devient formatrice en gestion d’entreprise à l’Afpa de Nîmes
2007 Occupe différents postes à responsabilité au sein de l’Afpa à Alès, Avignon
2017 Nommée directrice du centre de formation de Saint-Jean-de-Védas près de Montpellier
2019 Prend le poste de directrice des centres de formation Afpa de Toulouse Métropole et de l’Ariège