Taha MessidUn garçon boosté

« Je suis issu d’une famille de travailleurs, pour mon père, il n’était pas question que ses enfants ne travaillent pas. C’est lui qui m’a trouvé un apprentissage en boucherie. Je suis très fier d’être boucher, parce que sans cela, je n’en serai pas là aujourd’hui ».

Ce jeune entrepreneur a posé ses valises à Dijon il y a quelques années. C’est là qu’il a donné naissance à l’enseigne Le Garçon Boucher porteuse d’un souffle nouveau dans l’univers de la boucherie. Une approche qui, si l’on en juge par les développements actuels et futurs, séduit.

On aurait pu l’appeler Le Garçon Plombier. Mais, honnêtement, ça sonnait moins bien, et puis Taha Messiid n’est pas plombier, mais boucher. Il s’en est pourtant fallu de peu. Il a suffit de quelques semaines de vacances, de l’insouciance propre à l’adolescence et d’un père vigilant sur le devenir de ses enfants pour que notre portrait de la semaine bifurque, des tuyaux et robinets au domaine tout de même plus appétissant de l’entrecôte et de la saucisse. Pour ce natif du Maroc, arrivé en France à l’âge d’un an, c’était donc, au départ, dans la plomberie que la destinée professionnelle se dessinait. « Juste avant les vacances d’été, se souvient-il, j’avais dit à mon père que je voulais trouver une entreprise pour me former en apprentissage dans la plomberie. Mais, bon, j’ai surtout pensé à m’amuser et à la fin des vacances, je n’avais rien. Mon père, qui se doutait un peu de la chose, avait œuvré de son côté pour me trouver une place. Il m’a dit “ Puisque c’est comme ça, tu commences demain en boucherie”». Fermez le ban ! Il n’y avait plus qu’à s’exécuter. Le voici donc, à 16 ans, en train de découvrir ce métier dans une boucherie de Saint-Tropez (où il n’y a pas que des gendarmes), mais où sa famille était installée, son père travaillant comme paysagiste. « Le problème de Saint-Tropez, reconnaît Taha, c’est qu’on y vit qu’en été. Le reste de l’année, il n’y avait rien à faire, alors, au bout de 4 ans, j’ai décidé de monter à Paris. J’avais envie de découvrir l’exercice de la boucherie dans une grande ville et, passionné par ce métier, je savais qu’à Paris j’aurais des opportunités plus intéressantes ».

SENS DU SERVICE

Les débuts, alors qu’il est âgé de 19 ans, ne sont pas simples mais Taha Messiid avait déjà en tête une idée précise de ce qu’il voulait faire : parfaire sa pratique du métier et, à terme, ouvrir sa propre boucherie. C’est aussi à Paris qu’il rencontre son épouse, dijonnaise. Dans la capitale, le couple vit bien. Taha travaille dans des boucheries casher. « Dans cet univers, rappelle-t-il, au-delà du métier de boucher, je me suis fait une véritable culture commerciale doublée d’un sens profond du respect de la clientèle et du service ». Des jalons qui ne sont pas pour rien dans son approche actuelle du métier. Après une décennie passée à Paris, il décide, avec son épouse, de venir s’installer à Dijon. Là, le jeune dirigeant d’entreprise se laisse quelques mois pour réfléchir à ce qu’il veut faire. Il se met en quête d’un emplacement idéal pour ouvrir sa première boucherie. « Je voulais absolument un parking pour que mes clients puissent se garer tranquillement sans risquer de prendre une contravention pendant qu’ils venaient chez moi ». La perle rare, il la trouve à Quetigny, sur la vaste zone commerciale, après une année de recherche mise à profit également en travaillant en intérim, ce qui lui a permis d’avoir une meilleure perception du marché dijonnais. En juin 2014, Le Garçon Boucher ouvre à Quetigny, avec un seul salarié et l’épouse de Taha qui aide pour tout ce qui concerne l’administratif. Mais ce qui ouvre à ce moment-là est plus qu’une boucherie : Taha Messiid a développé un véritable concept, peaufiné au fil des années. « Je voulais un établissement où tout le monde pouvait se sentir chez soi. Mon magasin,je le voulais avec une âme, qu’on puisse le reconnaître avec des codes couleurs, un logo et un nom facile à retenir. Mais, au moment de l’ouverture, à aucun moment on a imaginé que les choses allaient se développer aussi vite ! » Au bout de six mois, la réputation s’est construite grâce au bouche-à-oreille et l’adresse s’est rapidement fait un nom. C’est à ce moment- là, rassuré sur son pari, que Taha décide de fermer sa boutique pendant un mois, le temps d’y faire d’importants travaux et de lui donner l’aspect chaleureux qu’elle a aujourd’hui.

PROXIMITÉ ET DIGITAL

Il enrichit d’ailleurs son projet initial d’une cuisine afin de répondre à une attente régulièrement exprimée par une partie de ses clients : celle d’une activité de traiteur. Un autre moyen de se faire connaître et de fidéliser les clients. « De cette façon, j’avais un peu une vitrine que je pouvais déplacer partout ». Aujourd’hui, Le Garçon Boucher, c’est douze salariés et une seconde boutique ouverte en mai 2018, avenue du Drapeau à Dijon. Depuis la création de l’activité à Quetigny, celle-ci a crû en moyenne de 20 % chaque année. Rapidement, la nécessité d’ouvrir un second point de vente s’est imposée comme une évidence. « Le vendredi ou le samedi, à Quetigny, rappelle Taha, nous avions parfois 40 ou 45 minutes de queue, les gens attendaient dehors et ce succès finissait par être contre productif parce que certains clients, voyant cela, préféraient faire demi-tour. Tout cela commençait à devenir compliqué et je voulais vraiment avoir une adresse dans Dijon même ». Le chef d’entreprise tient beaucoup à préserver la dimension de commerce de proximité qu’il allie avec des produits de qualité et un choix pléthorique, en fonction des saisons. Au mois de mai, il faisait d’ailleurs partie des commerçants dijonnais ayant reçu le label « Préférence Commerce » décerné par la CCI de Côte-d’Or, saluant la qualité globale de son activité. « Nous avons développé des produits ciblés, des paniers de viande pour les sportifs, pour les petites ou les grandes familles, ce qui permet à mes clients d’avoir un budget précis. On tente toujours d’apporter quelque chose de plus pour faciliter le choix des clients…» Il a su, également, tirer le meilleur de la complémentarité entre commerce classique et commerce en ligne. On peut aujourd’hui passer des commandes en ligne par le biais d’un service nommé Click and Collect, actif depuis mai. Le client peut ensuite récupérer sa commande dans la boutique de son choix, dans un délai maximal de trois heures.

Au chapitre des développements, Le Garçon Boucher se dote d’un laboratoire, actuellement en construction, à Couternon, à l’est de Dijon. Il devrait être opérationnel en septembre. On y fabriquera de la charcuterie et tout ce qui concerne l’activité traiteur. D’autres ouvertures de boutiques sont aussi dans les tuyaux car Taha Messiid nourrit le projet de décliner son enseigne sous la forme d’un réseau de franchisés. Mais son développement, ce patron passé par l’apprentissage l’envisage aussi au prisme de la formation professionnelle. La boucherie, on le sait, est un métier qui peine à recruter, Taha Messiid essaye donc chaque année d’attirer deux apprentis dans chaque boutique. « On les forme à notre manière et l’idée, dans la perspective de notre développement, c’est de pouvoir faire monter des personnes en interne, les placer dans des boutiques et, peut-être, leur confier les rênes d’une boucherie ». Le Garçon Boucher, c’est aussi un peu une affaire de famille : le jeune frère de Taha l’a rejoint dans l’aventure. Dernière évolution annoncée : la création très prochaine d’un restaurant de viande qui sera testé à Quetigny, accolé à la boutique. Si l’essai est concluant, le principe serait décliné sur toutes les autres boutiques appelées à ouvrir. On vous le disait : Garçon Boucher sonne mieux que Garçon Plombier…

Parcours

1983 Naissance le 3 septembre à Erfoud, à l'est du Maroc.
1999 À 16 ans, il est apprenti en boucherie.
2003 Il quitte la Côte-d'Azur et monte à Paris.
2013 Installation à Dijon.
2014 En juin, ouverture de la première boucherie à Quetigny.
2018 Ouverture d'une seconde boutique, à Dijon.