Dans un « instantané » de la situation économique engendrée par la crise sanitaire, CCI France met en exergue les principales craintes et difficultés éprouvées par les commerçants proposant des « activités non essentielles » : gestion des stocks, paiement des loyers, complexité des dispositifs d’aide… Autant d’inquiétudes partagés par les acteurs économiques de la Marne. La réouverture de certaines activités ne réglera pas tout.
Dans son « point de situation au 18 novembre » sur l’évaluation de l’impact économique lié à l’état d’urgence sanitaire, CCI France (l’établissement national qui fédère et anime le réseau des Chambres de Commerce et d’Industrie) dégage les axes majeurs du ressenti et des attentes des entreprises dans le contexte du confinement en cours au moment de l’enquête. On sait, bien entendu, que des allègements sont intervenus depuis le 28 novembre.
DES DÉFAILLANCES À CRAINDRE DÉBUT 2021
Il est toutefois intéressant de relever combien, mi-novembre, était grand le sentiment d’exaspé- ration, d’incompréhension, d’in- justice même, partagé par 75 % des commerçants proposant des « activités non essentielles » devant la fermeture administrative de leurs établissements. « Alors que le premier confinement – et les dispositifs d’aide qui l’accompagnaient – avait été bien compris et accepté, ce deuxième confinement a fait l’objet d’un refus pur et simple de la part des intéressés, qui ne veulent pas de subventions, mais seulement vivre de leur travail », explique Philippe Wittwer, directeur général de la CCI de la Marne. Pour 95 % des CCI ayant participé à l’enquête, la gestion des stocks est un point crucial pour les commerçants. Il est vrai qu’après le premier confinement et la « reprise » qui a suivi, les intéressés ont été nombreux à faire rentrer du stock dans la perspective de la fin d’année. Pourront-ils désormais écouler ces stocks ? La réponse ne sera connue que dans quelques semaines. Or, on sait aussi que les véritables difficultés se présentent au moment de la reprise du cycle économique, lorsque l’activité redémarre. Actuellement, les défaillances d’entreprise sont en baisse d’environ 40 % (en général) par rapport à la même période 2019, ce qui est « normal » puisque l’activité était jusqu’à présent arrêtée. Il est plutôt à craindre que les défaillances « explosent » dès le début 2021.
Au dire des responsables du secteur de la restauration du département – secteur pour l’instant à l’arrêt au moins jusqu’au 20 janvier – ce sont quelque 40 % des entreprises qui risquent de mettre la clé sous la porte. CCI France relève que la vente à emporter ou la livraison à domicile ne représente au mieux que 5 à 10 % du chiffre d’affaires, notamment dans la restauration traditionnelle, ce qui est totalement insuffisant pour couvrir les charges.
LE POIDS DES LOYERS
L’inquiétude quant au risque de fermeture des commerces vient aussi du poids des loyers. L’aide au paiement de loyers figure logiquement en tête des attentes des professionnels (85,2 %), selon l’enquête CCI France. Le dispositif présenté par le gouvernement (jusqu’à 50 % de crédit d’impôt accordé aux bailleurs procédant à une franchise sur les loyers) est cependant jugé insatisfaisant par 55 % des entreprises car pas assez incitatif, notamment à l’égard des bailleurs privés. Sans doute la négociation sera-t-elle davantage possible avec les structures gestionnaires de galeries marchandes, par exemple.
PROBLÉMATIQUES COMPLEXES ET TENSIONS SOCIALES
Si les dispositifs d’aide sont jugés trop complexes ou insatisfaisants par l’enquête de CCI France, le directeur général de la CCI de la Marne estime que ces aides – au moins pour celles déjà mises en place lors du premier confinement et qui ont éventuellement été renforcées – sont bien appréhendées et que les chefs d’entreprise marnais ont vite appris à les utiliser. Aujourd’hui, ce sont plutôt les problématiques complexes qui posent question, à l’image, par exemple, de l’aide aux restaurants, les intéressés ne sachant pas s’ils doivent opter pour les 10 000 € du fonds de solidarité ou 20 % du CA 2019. On a évoqué également ci-dessus laquestiondusoutienaupaiement des loyers…
Enfin, certaines CCI font remonter, dans le cadre de l’enquête nationale, des risques d’explosion sociale. Plus modérément, Philippe Wittwer note, quant à lui, qu’il existe bien de l’agressivité, des tensions qui ne sont pas seulement le fait des commerçants et chefs d’entreprise mais qui se diffusent au sein de la société dans son ensemble.
ET MAINTENANT ?
Philippe Wittwer se félicite des actions menées – notamment par les CCI – pour demander et obtenir une réouverture des commerces dès le dernier week-end de novembre. Pour autant, il se dit triste et inquiet pour tous les secteurs (restauration, événementiel, monde de la nuit, etc.) qui en sont pour l’instant exclus. Toute la difficulté de la période actuellement traversée étant la très faible marge de projection qu’elle autorise…
J’achète en local
Dès le premier confinement, les chambres consulaires de la Marne (CCI, CMA, Chambre d’Agriculture) ont mis en œuvre la « place de marché » jacheteenlocal.fr solution digitale de e-boutique basée sur le principe du « click and collect ». Si une centaine de commerçants et producteurs avaient rejoint la plateforme au printemps, « ce chiffre a quasiment été multiplié par trois pendant le deuxième confinement », indique Philippe Wittwer.
Comme le souligne l’enquête de CCI France, les commerçants de centre-ville/centre bourg et de proximité n’étaient pas suffisamment préparés à cette évolution et s’adaptent avec difficulté (ce qui vaut également à l’échelle de la Marne). Si le « click and collect » n’est qu’une solution alternative et ne compensera pas le manque à gagner dû à la fermeture des magasins, la situation sanitaire et ses conséquences oblige les acteurs à « bouger » plus vite qu’en temps normal – ce qui est généralement observé lors de toute crise. Philippe Wittwer rappelle qu’il existe des moyens et des formations prévus à cet effet.
Cellule de crise
La cellule de crise (appel gratuit au 0 971 009 690) mise en place par la CCI de la Marne dès le premier confinement, avait reçu de mars à mai des centaines d’appels, surtout relatifs à des questions d’information, notamment sur les aides de l’Etat. Réactivée en novembre, la nature des interrogations a totalement changé, puisque la plupart des 120 appels reçus à ce jour portaient sur des demandes complexes liées à d’importantes difficultés. Chaque cas a été pris en charge, pour traitement (généralement avec l’environnement économique et administratif local), par un collaborateur de la CCI.