Un Business Act post-Covid pour réinventer l’avenir économique du Grand Est

Jean Rottner

Jean Rottner, le président de la Région Grand Est.

La crise économique issue du Covid-19 ayant rendu obsolète le schéma régional de développement économique, le Grand Est lance son Business Act pour repenser l’avenir à partir du terrain des entreprises. Verdict avant l’été prochain.

Plus que les affaires courantes, entre autres les 123,5 M€ d’aides attribuées à l’économie, aux mobilités, aux territoires ruraux, à la jeunesse, à l’emploi et à la formation, la dernière session « visioconférencée » de la Commission Permanente du Grand Est fut largement occupée par le Business Act post-Covid, le schéma économique régional du monde d’après, en remplacement, partiel ou total, du SRDEII, symbole du monde d’avant.

La crise sanitaire, sociale et économique est-elle en train d’enterrer le Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation, fondement de la stratégie économique de la Région ? A la question de l’élue socialiste Pernelle Richardot : « Le SRDEII est-il caduque ? », Jean Rottner répond: « Ses bases sont modifiées ». Le second pilier de la stratégie régionale, avec le SRADDET, Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoire, est donc à reconsidérer en profondeur à peine trois ans après son adoption.

Pour bien comprendre l’importance de la quasi-mise à mort du SRDEII, on peut mesurer le poids de sa gestation : un an de travail, plus d’une centaine de rencontres avec les institutionnels régionaux, 250 contributions écrites par différents partenaires dont le monde de l’entreprise et un millier de participants aux douze rencontres territoriales dédiées, avec la satisfaction d’avoir mené, pour la Région, « Une offensive économique sans précédent, co-construite et copilotée avec les acteurs du monde économique ».

PLACE AU TERRAIN SANS DÉTERMINISME POLITIQUE

A propos de la future Décision Modificative qui devrait être présentée lors de la session plénière des 18 et 19 Juin, Jean Rottner annonce : « LA DM sera un véritable budget 2020 bis, avec des anticipations et des choix politiques d’envergure ». Mais la tourmente financière annoncée n’exclut pas pour le Président la solidarité avec les autres strates de la décentralisation : « Les collectivités vont passer dans une vraie lessiveuse budgétaire ».

« Priorité au terrain ! », cette injonction vient le Lila Merabet, Vice-présidente du Conseil régional évoquant les acteurs du Business Act Post Covid du Grand Est: « Des dirigeants et des groupes de travail ont des propositions à faire. On fera le point après. Le temps politique viendra. » Cette injonction vient aussi de Jean Rottner : « Laissons travailler le terrain sans déterminisme politique … Nous n’avons pas le temps de refaire le SRDEII. Agir est une urgence. Laissons faire le monde économique qui a des propositions à nous faire ».

UN BUSINESS ACT ÉCONOMICO-EUROPÉEN

On ne peut être plus clair : les schémas en place appartiennent au monde d’avant. Comme si la Région découvrait une autre forme de gouvernance issue de l’écoute prioritaire du terrain et surtout de l’exigence économique. Coup de poignard final du Président Rottner, et en réponse à une intervention de l’opposition : « Le SRDEII, c’est déjà le monde d’avant. La priorité est aux entreprises ».

S’il donne la priorité au terrain dans le choix des acteurs, il trouve sa fondation et sa gouvernance dans les sphères supérieures : l’Etat et la Région que l’on trouve à l’animation du Groupe Contact, avec Lila Merabet, Vice-président de la Région et Blaise Gourtay, Secrétaire Général aux Affaires Régionales et Européennes. L’idée d’un Business Act Grand Est n’est pas née de la crise du Covid-19. Elle est évoquée par Jean Rottner dans la publication Factuel de l’Université de Lorraine, au mois de Février. Il s’agissait alors d’identifier les offreurs de solutions du Grand Est et de les mettre en relation avec les entreprises.

Le Business Act prône une ouverture européenne inédite. Le plan qu’il doit élaborer sera régional et frontalier, ouvert notamment sur l’Allemagne et le Luxembourg. Cette ouverture se lit dans la composition de la vingtaine de groupes thématiques, composants du Business Act, avec entre autres partenaires, le Land de Sarre et le centre de recherche Luxembourg Institute of Health. Le territoire champardennais est bien présent dans ses groupes thématiques avec Axon Cable, Reims Business Angels et Ardennes Développement.

Du côté des sceptiques, la socialiste Pernelle Richardot demande que son groupe soit présent dans le Business Act. Sa requête rejetée, elle prévient : « On ne peut pas passer de la République centralisée à la République des experts ».

18 JUIN 2020, L’APPEL DE JEAN ROTTNER ?

La prochaine séance plénière du Conseil régional aurait dû se tenir le 18 Juin à Colombey-les-Deux-Eglises, jour du 80e anniversaire de l’Appel de Charles De Gaulle. Si le Covid ne peut empêcher la date, il risque fort de contrarier les envies géographiques, aussi symboliques sont-elles. Entre le monde d’avant et le monde d’après s’installe pour l’instant celui de la visioconférence. C’est par ce canal que passera vraisemblablement le vote du Business Act, un schéma à la gestation record : deux mois contre plus d’un an pour le SRDEII.

Si l’opposition du Conseil régional, à l’approche des élections régionale de 2021, invoque la précipitation à des fins électorales, Jean Rottner répond : « Nous ne sommes pas dans la précipitation mais le temps presse. Nous devons agir avant l’été prochain. Notre rapidité n’est pas dictée par l’échéance électorale. Les élus auront leur mot à dire. Le temps politique viendra après ».

Dans cette discussion, la Majorité régionale reçoit un quasi-renfort inattendu quand Olivier Girardin, Maire socialiste de La Chapelle-Saint-Luc lance : « J’insiste, il nous faut trouver des points de convergence. Nous devons construire sur ce sujet une décantation politique ».

LE GRAND EST S’EN SORT BIEN

Deux témoignages l’attestent, ceux de Lila Merabet et de David Valence. La Vice-présidente, déléguée à la compétitivité à l’innovation et au numérique fait remarquer que si le Grand Est figure dans le top cinq des Régions ayant le plus fait appel au travail partiel (un million de salariés concernés), il se situe au 4e rang pour la plus faible baisse d’activité, un classement qui prouve que la Région a mieux résisté que d’autres sur ce sujet. Pour David Valence, Vice-président délégué aux mobilités et aux infrastructures de transport, la région est exemplaire. Elle a maintenu un service transport ferroviaire maximum en pleine crise et dans cette reprise, le Grand Est dispose du plan de transport le plus élevé de France : 60% des TER en activité contre 40 à 50% dans les autres régions.

LA TRANSPARENCE SUR LES MASQUES

La Région fait le point sur son plan masques. Sur ses fonds propres, le Grand Est a commandé jusqu’ici 8,5 millions de masques pour la somme de 4,5 M€. Le Conseil régional les a ainsi répartis : 2 millions aux dix Conseils départementaux en direction des Ehpad et des établissements médico-sociaux, 2 millions à l’Agence Régional de Santé pour les professionnels de santé libéraux, 2 millions aux agents de la Région, aux entreprises de transport, à la SNCF et aux lycées, 1 million aux petites entreprises, via les CCI et les Chambres de métiers. Le million et demi restant figure dans un stock de sécurité.