Un avenir prometteur se dessine pour les sociétés de conseil et les ESN

Une combinaison d’effets pourrait mettre en grande difficulté certaines sociétés de conseil et ce dès le dernier trimestre 2020.

Les activités de services dédiées à l’organisation, la transformation, l’optimisation et la digitalisation des organisations compteront à n’en point douter parmi les grands gagnants de ces malheureux événements. En effet, la transformation, l’optimisation et la digitalisation des organisations de toutes tailles, apparaît aujourd’hui comme une priorité absolue et l’une des conditions essentielles à la préservation de notre économie à l’aune du risque de pandémie tel que nous venons d’en découvrir les effets avec Covid-19.

Pour autant la partie n’est pas gagnée !

UN IMPACT MULTIFACTORIEL

Les ESN et plus largement les sociétés de conseil ont été frappées de façon très inégales et la crise que nous traversons les impactera différemment selon plusieurs facteurs :

✓ L’exposition sectorielle ou parfois géographique : nous pourrions retenir l’exemple de l’effondrement du secteur aéronautique et son impact régional en Occitanie où certaines sociétés de conseil ont vu leur volume d’activité chuter de près de 50 %.

✓ Les spécificités « métier » (conseil, gestion de projet, AMOA, développement, etc…)

✓ Les TACE, ratios d’occupation des ressources à l’entrée de la crise.

✓ Les réserves de cash à l’entrée de la crise.

✓ Le TJM pratiqué et en conséquence le taux de marge. (à noter qu’un haut niveau de TJM qui induit un haut niveau des salaires unitaires peut se révéler un amplificateur de phénomène dans le bon ou le mauvais sens selon le TACE).

Des effets destructeurs sont à attendre avant la fin de 2020 :

Pour la plupart des ESN, les mesures proposées par l’Etat (combinaison du chômage partiel et du PGE) auront permis de maintenir les entreprises « hors d’eau » pendant la durée du confinement et probablement encore pour 3 à 6 mois.

Les ressources inemployées (intercontrats) ont été en bonne partie prises en charge par l’Etat ce qui a permis de préserver le cash disponible et le PGE est venu accroitre les réserves de cash.

Cependant, nous anticipons une combinaison d’effets qui pourrait mettre en grande difficulté certaines sociétés de conseil et ce dès le dernier trimestre 2020 :

✓ Au terme des mesures de chômage partiel, les ressources inemployées (intercontrats) devront être financées par l’entreprise de même que, le cas échéant, les plans de licenciement économiques.

✓ A cette même heure, les efforts commerciaux et les investissements nécessaires pour un replacement rapide de ces ressources (repositionnement, ouverture de nouveaux comptes, etc …) vont consommer une part importante des réserves de cash.

✓ Attention également aux effets d’optique : pour les entreprises dont le taux d’intercontrat était déjà élevé au début de la crise, les mesures mises en place auront induit des effets pervers du fait de la prise en compte d’intercontrats préexistants dans les mesures de chômage partiel. Cet effet d’aubaine qui aura constitué une forme de « prime à la médiocrité » pendant le confinement, viendra par un effet boumerang et cumulatif, rendre parfois inatteignables les plans de relance et de replacement des ressources disponibles post crise.

✓ L’Etat annonce ce jour dans les Echos, la mise en oeuvre de contrôles sur l’utilisation du chômage partiel, directement ciblés sur … les sociétés de « conseil aux entreprises » ! Nous redoutons un effet de deuxième lame à la suite à ces contrôles qui pourraient bien être généralisés.

✓ Et enfin, le tout dans un contexte soudain et momentané d’inversion du rapport entre l’offre et la demande sur le marché RH et où nous attendons de surcroit un effet de dumping sur les TJM de la part d’entreprises en panique, lequel pourrait venir comprimer significativement les marges et rendre la commercialisation plus complexe et onéreuse.

UN GRAND CHAMBARDEMENT EST À VENIR

Dans ce contexte, on peut penser que les entreprises qui auront réussi à replacer leurs ressources d’ici la fin de l’année seront sauvées et pourront reprendre tranquillement leur plan de croissance.

Cette vision serait trop simpliste car nous ne devons pas faire abstraction de l’ampleur du mouvement de consolidation qui va s’engager dès le second semestre 2020 où nombre de sociétés de service seront trop affaiblies pour pour- suivre durablement leur route de façon autonome.

Ces grands mouvements de consolidation pourraient venir modifier le paysage en profondeur et impacter les politiques de référencement des grands donneurs d’ordres : des fournisseurs de rang 1 perdront leur « rating » tandis que d’autres se renforceront, des petits deviendront moyens voire gros et des moyens deviendront petits, etc.

QUI L’EMPORTERA ?

A mon sens, les grands vainqueurs au sprint final seront d’une part, les entreprises qui se seront donné les moyens financiers et opérationnels pour être très manoeuvrantes sur les 24 mois qui viennent et d’autre part, les entreprises qui se seront regroupées ou adossées. Pour les premières, il s’agira selon moi de constituer au plus rapidement des ressources financières par une surcapitalisation bien au-delà des besoins identifiés, et ce, en vue :

✓ D’être en mesure d’acquérir et d’intégrer des entreprises ou des équipes trop affaiblies pour pouvoir se relancer de façon autonome (en France comme à l’international) ;

✓ D’investir massivement dans des moyens d’intégration et de management ;

✓ D’intégrer de nouvelles spécialisations « métier » ;

✓ Et enfin, d’investir sans compter dans le rayonnement de la marque employeur.

Pour les secondes, il s’agira, après un moment d’introspection, de regarder l’avenir sous un nouvel angle et en particulier de bien comprendre :

✓ Que l’on peut adosser son entreprise sans renier ses convictions entrepreneuriales et qu’au contraire cette démarche si elle est conduite de façon proactive et bien assumée, constitue un acte stratégique responsable et très rentable pour l’actionnaire ;

✓ Que les synergies qui découlent d’un bon adossement créent bien souvent beaucoup plus de valeur comparativement à ce que l’on imagine perdre en cédant une part de son capital ;

✓ Qu’en effet, au regard d’une perte d’indépendance bien souvent relative et souvent mal appréhendée du fait de notre culture du capital bien française, les bénéfices d’un bon adossement sont le plus souvent très profitables (sécurité pour les hommes, les équipes et le capital, force des synergies, puissance du cross-selling, etc.) ;

✓ Bref, retenons l’adage « une plus petite part, mais … d’un plus gros gâteau. »

Pour les entreprises qui choisiront la voie de la surcapitalisation et chercheront à ouvrir leur capital à un investisseur financier (Fonds d’investissement par exemple), la bonne nouvelle est que, selon nous, le contexte s’y prête tout particulièrement :

✓ Les fonds d’investissements disposent d’importants stocks de liquidité à investir (beaucoup d’entre eux ont levé de nouveaux fonds peu avant la crise).

✓ Leurs modèles économiques leur imposent d’investir rapidement leurs capitaux disponibles, sous peine d’obérer durablement la rentabilité des investissements existants et de remettre en cause jusqu’à leur survie économique.

✓ Les fonds se détourneront de certaines filières jugées désormais, et pour un certain temps malheureusement, trop vulnérables ou trop risquées.

✓ Beaucoup d’entreprises de tous secteurs qui auront survécu à cette crise vont surseoir à leur projet d’investissement le temps d’avoir retrouvé leur train de croissance et leur valorisation d’avant la crise ce qui va significativement diminuer le volume des opportunités pour les fonds d’investissements.

Ainsi et contrairement aux idées reçues, tous ces facteurs constituent autant de conditions favorables, (liquidités disponibles, concurrence entre les investisseurs, raréfaction des opportunités) pour envisager l’ouverture de son capital, « partir » en levée de fonds et accueillir un nouvel actionnaire financier dans les meilleures conditions.

Pour les entreprises et les actionnaires qui choisiront la voie du regroupement ou de l’adossement, les gagnants seront ceux qui, les premiers, prendront leur destin en main pour aborder cette stratégie de façon proactive plutôt que de prendre le risque d’avoir à la subir plus tard par peur, manque d’ambition ou d’anticipation.

Dans un cas comme dans l’autre (levées de fonds ou adossement), tout va se passer dans les prochains 6 à 12 mois ! Nous entendons que le redémarrage post-confinement va phagocyter à court terme toute l’énergie et l’attention des chefs d’entreprises actionnaires et POURTANT : ne faisons pas l’erreur de croire qu’il faut d’abord sauver les meubles avant de réfléchir à sa stratégie capitalistique !

Par Germain Simoneau, associé chez Carmine Capital