U-Space veut rendre l’accès à l’espace plus rapide et moins cher

Uspace

Les cofondateurs de U-Space, Fabien Apper, Nicolas Hulmeau et Antoine Ressouche.

La première spin-off de l’Isae-Supaéro vient de remporter un contrat de développement d’un satellite pour le Cnes.

Deux ans après sa création, la start-up U-Space, une spin-off de l’Isae-Supaéro, vient de signer son premier contrat de production d’un satellite. Elle a en effet remporté un appel d’offres lancé par le Cnes pour le développement du nanosatellite Ness (Nanosat 3U pour la surveillance du spectre civil). Il embarquera un instrument miniaturisé développé par une société d’Ille-et-Vilaine, Syrlinks, qui associé à une antenne à large bande, permettra une surveillance planétaire du spectre radiofréquence civil en bande L et S. Il analysera également les sources de brouillage.

Pour la start-up toulousaine qui, jusqu’à présent, avait signé des contrats d’étude préliminaire, c’est l’occasion de montrer son expertise dans la conception, la fabrication et l’exploitation des CubeSats, « un format standard de nanosatellites dont le poids varie de 1 et 50 kg », détaille Fabien Apper, ex-étudiant de l’Isae-Supaéro, l’un des cofondateurs.

En amont de la création d’U-Space, avec Antoine Ressouche, diplômé de l’Enac, et Nicolas Hulmeau, diplômé de l’École des Mines de Nantes, les deux autres cofondateurs, il a travaillé pendant cinq ans sur le projet EyeSat, un nanosatellite universitaire dédié à l’observation de la Voie lactée, réalisé en collaboration avec le Cnes et dont le lancement dans l’espace le 18 décembre a été réalisé avec succès. C’est en s’appuyant sur cette expérience que les trois ingénieurs ont décidé de créer U-Space en février 2018, la start-up ayant obtenu une licence de commercialisation des technologies d’EyeSat. « Ce qui nous permet dès maintenant d’avoir un premier produit sur étagère que nous pouvons proposer à nos clients », confirme Fabien Apper. En travaillant sur ce projet étudiant, « nous nous sommes rendu compte d’un besoin de plus en plus important de pouvoir faire des missions spatiales plus rapidement et à bas coût. C’est-à-dire avec des temps de développement qui se comptent en une à trois années et des coûts de l’ordre d’un à trois millions d’euros », poursuit-il.

MISSIONS CLÉ EN MAIN

C’est sur ce marché en plein essor que se positionne l’offre de U-Space. « Notre cœur de métier est de fournir à nos clients une mission spatiale clé en main qui s’appuie sur des CubeSats », détaille Fabien Apper. Miniaturisés, ces satellites sont plus rapides et moins chers à fabriquer. Et comme ils pèsent moins lourd, ils sont aussi moins chers à lancer.

U-Space adresse un large panel de clients, depuis les laboratoires scientifiques en passant par les agences spatiales, jusqu’aux militaires qui s’intéressent aussi de très près aux nanosatellites. Dans le domaine commercial également, un grand nombre d’applications innovantes se développent, telles les communications bas débit, pour lesquelles les CubeSats constituent une bonne alternative. « L’avantage des CubeSats, c’est qu’on peut en déployer beaucoup, ce qu’on appelle des constellations. Cela permet d’adresser de nouveaux services », poursuit Fabien Apper.

En janvier, une autre start-up toulousaine, Kinéis, a ainsi réalisé une levée de fonds de 100 M€ en vue du lancement d’une constellation de 25 nanosatellites de format CubeSat dédiés à la télécommunication bas débit pour les objets connectés (lire notre édition du 10 février).

« Ça laisse la porte ouverte à de nouveaux entrants, poursuit Fabien Apper, soit sous la forme d’acteurs historiques qui proposent de nouveaux services, ce qui peut être le cas d’Airbus ou de Thales, soit de nouveaux opérateurs qui n’ont jamais utilisé l’espace, tels de grands groupes, comme Suez ou EDF, ou des start-up qui se lancent dans ce domaine à travers l’utilisation des données ou la création de services », poursuit Fabien Apper.

L’ambition des trois cofondateurs « est vraiment de faciliter l’accès à l’espace. Cela passe par l’utilisation de CubeSats mais pas seulement puisque nous vendons une mission complète. Ce qui signifie que le client vient avec son idée, par exemple détecter les fuites de pétrole sur les pipelines. Ensuite, nous avons la compétence pour comprendre son besoin et le traduire en une mission spatiale dédiée que nous allons concevoir, réaliser et opérer. Nous fournissons ensuite au client la donnée qui l’intéresse grâce à laquelle il va soit construire un service soit faire de la science. »

MISSIONS COMPLÉMENTAIRES

À la différence de ses concurrents, U-Space se positionne comme un intégrateur : « nous achetons des équipements sur étagère auprès de partenaires pour ensuite les assembler, les tester et les valider. Nous travaillons avec de nombreux acteurs de l’écosystème spatial français : Comat, Mecano ID, Anywaves, Syrlinks, Steel Electronique et des partenaires européens tel Hyperion Technologies », ajoute Fabien Apper. Outre ce contrat avec le Cnes qui court sur 18 mois, U-Space est en discussions avancées avec d’autres clients pour des missions basées sur un 3U (4 kg), l’objectif étant « de signer au moins une autre mission basée sur un 3U cette année. » U-Space travaille en parallèle sur une nouvelle plateforme de CubeSats 6U (de l’ordre de 10 kg) qui intègrera le module de propulsion électrique de Comat. « Dès lors qu’on intègre cette propulsion, il est possible de faire manœuvrer le satellite dans l’espace, ce qui nous permet d’adresser de nouveaux marchés, notamment la Défense, pour des missions d’inspection de satellites, par exemple. Mais il existe beaucoup d’autres applications qui requièrent la maîtrise de cette technologie. C’est notre axe de R & D pour les trois ans qui viennent », assure le dirigeant, illustrant la complémentarité des nanosatellites par rapport aux satellites traditionnels.

La start-up, hébergée au B612 dans le District, l’accélérateur du pôle de compétitivité AerospaceValley, est accompagnée financièrement par l’Esa Bic Sud France, l’incubateur de l’Agence spatiale européenne et Bpifrance via la bourse French Tech. Elle emploie aujourd’hui neuf personnes et prévoit de porter son effectif à une quinzaine de collaborateurs d’ici la fin de l’année. Avant d’envisager un développement à l’international, la start-up toulousaine vise « des contrats avec le Cnes et la Défense pour bénéficier du support de l’État français. Cela nous donne beaucoup plus de crédibilité à l’international sur un marché qui est déjà très concurrentiel », ajoute-t-il.