TWB : tout va vraiment bien (jusqu’ici)

Pierre Monsan et Olivier Rolland, respectivement ancien et nouveau directeur de Toulouse White Biotechnology (TWB).

Le centre de recherches public/privé en biotechnologie s’est affirmé en sept ans dans le paysage industriel.

Presque 10 ans après la naissance du projet à l’occasion du Programme d’investissements d’avenir (PIA) en juin 2009, et depuis sa concrétisation en septembre 2012 sous la forme d’un vaste de plateau de recherche de 3 000 m2 à Ramonville, Toulouse White Biotechnology (TWB) s’apprête, cette année, à vivre un tournant de son histoire. En début d’année déjà, son directeur depuis l’origine, Pierre Monsan, a cédé la place à Olivier Rolland, un chimiste passé par l’industrie des bio- carburants. Surtout, à la fin de l’année, ce sera la fin du premier financement public du PIA – qui a ainsi abondé au chiffre d’affaires de 8 M€ de TWB en 2018 à hauteur de 3,1 M€. « Mais bien que nous soyons une structure publique sous une triple tutelle (Insa, Inra, CNRS), nous nous gérons comme une entreprise, souligne aussitôt Pierre Monsan. Nous amortissons tous nos investissements! ». Sachant qu’à l’origine, TWB avait reçu une dotation de 20 M€ de l’État, moitié pour l’équipement, moitié pour les frais de fonctionnement. Donc, « malgré cet amortissement et nos investissements », qui se sont montés à 400 K€ l’année dernière, « le résultat est positif et, si on fait le bilan financier des six dernières années, on a quand même “gagné” une trésorerie de 5 M€ ! », se félicite le directeur sortant du centre de recherche.

Et ce, grâce aux nombreux contrats de prestation en R & D qui ont été signés : rien qu’en 2018, 60 projets ont été menés – soit une hausse de 40% ! – dont 40 de nouveaux, « parmi lesquels figurent certains très importants, à plusieurs millions d’euros, ce qui est essentiel pour la pérennisation de TWB » après la diminution du financement public, qui assurait jusqu’ici 40 % du budget de fonctionnement. Pour la partie privée, outre l’achat de prestations, les accords de recherche prévoient des « primes de succès versées à la fin du contrat, pour un montant d’une à trois fois le coût total de la recherche ».

Sur ces 60 projets, 65 % d’entre eux sont des contrats industriels, qui ont représenté un apport financier de 3,8 M€ ; au total ; le nombre de contrats signés depuis l’entrée en service de TWB ayant atteint plus de 29 M€, « sachant que le “deal” avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) était que, pour que l’État nous donne 20 M€, il fallait montrer que nous étions capables de signer pour au moins 20 M€ de contrats », et avoir atteint 21,8 M€ fin 2019, rappelle Pierre Monsan. Lequel espère même qu’à la « fin 2019, si tout se passe bien,on sera à 42 M€! »

UN FUTUR LEADER EUROPÉEN DE LA BIOTECH ?

À en croire ce dernier, et son successeur Olivier Rolland, aucune inquiétude donc à avoir même si, reconnaît le nouveau directeur, « l’enjeu pour TWB, c’est la pérennisation du modèle économique après 2019 ». Ce qui ne devrait pas être un objectif trop difficile à atteindre puisque « on part de bases financières saines, et il y a un écosystème d’investisseurs, d’industriels et de start-up » – six étant hébergées à ce jour, le maximum que TWB peut accueillir aujourd’hui dans ses locaux – sans oublier « qu’il y a une forte demande de l’industrie pour utiliser nos plateformes » de recherche. Aussi, Olivier Rolland espère-t-il faire de TWB « un leader européen des biotechs industrielles », capable de rivaliser avec le trio de tête de ses concurrents américains que sont Amyris (où le directeur de TWB a travaillé entre 2012 et 2017), Zymergen et Ginkgo Bioworks ; des sociétés « qui ont levé entre 1,5 et 2 Mds$ » dans le domaine des biotechnologies… Pour cela, TWB a même rejoint un réseau européen de laboratoires de recherche en biotechnologies coordonné par l’Inra, baptisé Ibisba (pour Industrial biotechnology innovation and synthetic biology accelerator), dans le cadre de la politique de soutien scientifique de la Commission européenne. Une accélération qui devrait aussi être soutenue par le déménagement de TWB dans son nouveau complexe de 15 000 m2 à la fin 2020, qui aura coûté 6 M€.

Avec, à terme, affirme Olivier Rolland, l’ambition toujours renouvelée « d’aider les entreprises à trouver de nouvelles voies de production en capitalisant sur le vivant » ; qu’il s’agisse de donner aux produits « de nouvelles performances » en exploitant les propriétés des bactéries, « ou en diminuant les coûts de production des molécules existantes » ; une démarche qui « s’inscrit dans le contexte du changement climatique et de la RSE des entreprises » puisque, de cette sorte, on remplace les molécules issues des hydrocarbures par celles issues du vivant.

Pour ce mandat de six ans, Olivier Rolland a l’ambition d’arriver à ce que TWB « devienne une structure auto-financée, avec un chiffre d’affaires généré à partir des contrats industriels qui soit supérieur à nos coûts opérationnels ». Cette année par exemple, le directeur vise un objectif de 10 M€ de contrats signés, dont plus de 5 M€ avec les industriels. « Ce qui ne veut pas dire qu’on ne va pas continuer à aller chercher des financements publics, tempère Olivier Rolland. Mais l’idée est de pouvoir les cibler pour faire de l’investissement soit en compétences, soit en équipement, qui nous permette de garder un coup d’avance sur la compétition ».

Quant à Pierre Monsan, celui-ci rappelle que chercher uniquement « la rentabilité serait très dangereux ; car cela amène à faire des choix à court terme. L’objectif de TWB est d’avoir une vision à long terme, et cela, ce sont les subventions qui le permettent. Car il ne faut pas oublier, comme l’ont fait beaucoup de centres techniques, qu’il y a une exigence de niveau scientifique et technologique ; or, si on renonce à cela, on disparaît ».