Turbulences à prévoir au-dessus de l’aéroport ?

Alors que pointent des rumeurs sur la revente par l’actionnaire principal de sa participation au capital, l’aéroport de Toulouse dressait cette semaine le bilan de son activité pour l’année écoulée.

Le calendrier est pour le moins curieux… ou au contraire très bien calculé. Le 22 janvier, le jour même de la présentation du bilan 2018 de l’aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB), nos confrères de La Dépêche du Midi ont révélé que l’un de ses principaux actionnaires, le groupe Casil Europe cherche à vendre sa participation de 49,9 %. Une annonce qui semble avoir pris de court le personnel politique local ; le matin même, à quelques dizaines de mètres de là, dans les locaux de la CCI d’Occitanie, son président Alain Di Crescenzo était d’ailleurs revenu sur « l’accord qui avait été voté à propos du partage de dividendes », reconnaissant au passage qu’il y avait « eu quelques conditions pour voter, car certains éléments devaient être revus concernant la gouvernance, mais aujourd’hui en l’état, l’accord a été signé de plein gré. Ce qu’on a souhaité à cette occasion, c’est s’aligner sur une politique et ne plus y revenir pour ensuite investir afin de développer l’aéroport ». Nul doute, alors, que la stabilité des décisions devra attendre l’arrivée éventuelle d’un nouvel actionnaire… Même son de cloche de la part de Charles Champion, président du conseil de surveillance d’ATB: «pendant toute la deuxième partie de l’année dernière, nous avons eu des discussions constructives et soutenues, et nous étions arrivés à l’époque sur une politique votée à l’unanimité de distribution des dividendes ; de manière plus générale, depuis août, nous avons des discussions très constructives, même si nous ne sommes pas toujours d’accord » entre actionnaires. De sorte qu’il faut croire que l’accord et l’unanimité ont vécu…

Pourtant, à en croire les « tendances du chiffre d’affaires » présentées ce jour-là par le président de l’aéroport, Philippe Crébassa, ce dernier s’achemine vers une hausse de 5 % de son CA – encore confidentiel « mais qui dépasse les 150 M€. Le résultat opérationnel devrait suivre la même trajectoire de 5 % de croissance ». Tout comme, selon les responsables d’ATB, l’objectif fixé l’année dernière d’atteindre un résultat net de 20 M€ devrait être tenu. Autre visée, la plateforme aéroportuaire espère accueillir « 10 millions de passagers en 2019 » contre 9,63 millions l’an- née dernière (+3,9%,soit 365000 passagers en plus en une année) « même si ce n’est pas garanti », reconnaît Philippe Crébassa. Lequel souligne qu’ATB « est toujours en discussion avec nos grands opérateurs comme Ryanair ou Easyjet qui font aujourd’hui une très grande partie de la croissance. Mais nous sommes dans un environnement incertain, du fait du contexte économique global » comme des décisions qui restent à prendre par les compagnies aériennes ». Néanmoins, Philippe Crébassa espère une croissance en 2019 « dans le prolongement de celle de 2018, tout en consolidant les installations de lignes, les nouveaux commerces ». Même si, face à la concurrence d’aéroports comme ceux de Lyon ou de Marseille – ce dernier espérant même ravir à celui de Toulouse sa place de troisième aéroport régional français – « à la différence de certains confrères, nous ne privilégions pas le volume par au regard de la qualité », tacle Philippe Crébassa. Et puisque l’on parle du trafic, le président de l’aéroport a rappelé que l’année dernière, pour la première fois, le trafic international a dépassé le national avec 8 % de croissance, avec en particulier une hausse de 9,5 % du trafic dans l’espace Schengen (plus de 3 millions de passagers). Outre Paris et Londres qui trustent les deux premières places des destinations les plus courues en 2018, Madrid s’arroge la quatrième place (418624 passagers), suivi de Bruxelles (305259) et Francfort (290317), d’Amsterdam à la huitième place (263 037), de Lisbonne (neuvième avec 249 971) ou encore Munich (dixième, 240 096 passagers). Parmi les progressions remarquables, figure l’Afrique du nord 468 181 passagers) avec une croissance de 5%, dont +19,3% pour la Tunisie quand, au contraire, l’Algérie connaît une baisse de 7,9%. Tandis que le trafic national a lui aussi augmenté, « mais de façon plus modeste, avec 1 % » seulement de croissance, observe Philippe Crébassa, avec en tête du classement la ligne à destination de Paris, qui a amené 2,3 millions de passagers à Orly et 900 000 à Roissy, « ce qui en fait la ligne la plus fréquentée en Europe ». Néanmoins, celle-ci s’est vue concurrencée l’année dernière par la mise en service à l’été dernier de la LGV Paris Bordeaux : le président de l’aéroport s’attend ainsi à une « perte de 5 à 6% de trafic jusqu’à la fin 2019 ».

Enfin, côté projets, ATB lancera cette année la rénovation «du hall D, qui est trop exigu » à la lumière en particulier du renforcement de l’accueil des vols longs-courriers, observe Charles Champions. Surtout, l’aéroport poursuit son activité de diversification immobilière : en fin d’année, un troisième hall de peinture sera finalisé pour permettre à Sabena Technics de peindre des avions A330 et A350 ; le bâtiment de 24 M€ sera livré en décembre, et devrait générer 70 emplois. Également au programme, « l’aménagement des zones de l’ancienne aérogare d’affaires de Blagnac 1 » : une première opération immobilière sera réalisée dans le cadre de l’appel à projets de Toulouse Métropole « Dessine-moi Toulouse » ; opération qui sera annoncée en mars à Cannes lors du prochain Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim). Enfin, sur la zone de Blagnac 3, un centre auto Leclerc s’établira en 2020 (4,7 M€ investis), ainsi qu’un bâtiment combinant bureaux et hangar pour Hutchinson (3,5 M€), une filiale de Total spécialisée dans la commercialisation de produits issus du caoutchouc.