Bruno Bourg-BrocTrois B qui marquent Châlons

Après 47 années de mandats locaux, dont près de 20 ans en tant que maire de Châlons, Bruno Bourg-Broc prend ses distances avec la politique.

Elu conseiller général de la Marne à 28 ans, l’ancien député, maire de Châlons et président de Châlons Agglo a consacré sa vie et son gaullisme chevillé au corps à la politique locale.

Après avoir joué les prolongations de manière bien involontaire en raison du report du second tour des municipales, Bruno Bourg-Broc ne cède pas à la nostalgie, alors que sont déjà décrochés les tableaux qui ornaient les murs de son bureau. Les armoires sont déjà presque vides et ses cartes de visites, celles de sa nouvelle vie, sont prêtes. Nul doute que « BBB » en aura distribué beaucoup quand il fermera pour la dernière fois les portes de son bureau de président de l’agglomération châlonnaise, en guise de conclusion de 47 années de mandats d’élu local.

Un destin qui semblait presque tout tracé dans son esprit, révèle-t-il à l’heure du bilan : « À 7 ans, je voulais être professeur d’histoire, journaliste et homme public, politique. J’ai eu la chance de pratiquer les trois professions ». S’il n’a exercé qu’un an en tant que professeur, quelques années en tant que journaliste dans les années 80, c’est en politique qu’il aura été le plus présent. Au total, l’ancien maire de Châlons-en-Champagne aura cumulé 120 années de mandats en tous genres : maire, président d’agglomération, député, conseiller général, conseiller régional, vice-président de ces deux dernières assemblées… La liste est longue et une seule page ne suffirait pas à toutes les citer.

Le premier de ses mandats, c’est au Conseil général de la Marne qu’il l’exerce, élu dès l’âge de 28 ans, en 1973. Devenu rapidement rapporteur du Budget, il y restera 15 ans. Entre temps il rejoindra le Conseil régional de Champagne-Ardenne, en 1980, où il restera, là aussi, une quinzaine d’année. Député de la Marne dès 1982, élu conseiller municipal de Châlons en 1983, secrétaire de l’Assemblée nationale trois ans plus tard, il remporte la mairie de sa ville natale en 1995. Le début d’une longue histoire commune avec les Châlonnais. De toutes ses années d’élu, c’est « incontestablement » le mandat de maire qui occupe la place la plus marquante dans son cœur. « C’est celui qui apporte le plus de satisfaction. Le maire, c’est véritablement un patron : il voit avancer les projets qu’il construit avec son équipe ». Une vision qu’il n’avait pas forcément en tête lors de ses premières années de mandat. « J’ai changé du tout au tout lorsque je suis devenu président de la Commission des affaires culturelles et sociales de l’Assemblée nationale (en 1995, NDLR). Avant cela j’étais un député combatif, dans les premiers rangs de l’Assemblée. La présidence et l’arrivée au poste de maire m’ont sans doute inconsciemment fait changer fondamentalement : j’ai été amené à discuter et à partager. On devient obligatoirement tolérant si on veut réussir et faire réussir. L’écoute et la tolérance sont les premières qualités des responsables politiques ».

CHANGER L’IMAGE DE CHÂLONS

Parmi ses premières décisions marquantes en tant que maire, le changement d’appellation de sa commune, initié par son prédécesseur Jean Reyssier, rappelle-t- il. « J’ai voulu changer l’image de la Ville d’abord en menant ce dossier jusqu’au bout pour que Châlons-sur-Marne devienne Châlons-en-Champagne. Il s’agissait de réattribuer le nom historique de la ville du XIIIe et XVIIIe siècle. Puis en créant une ville animée, en transformant son visage et son patrimoine historique, de l’Hôtel de Ville à la Porte Sainte-Croix mais aussi en permettant la rénovation de 700 façades ».

Marché de Noël, Scène Nationale, capitale, zones d’activités, enseignement supérieur… autant de dossiers portés en tant que maire, de 1995 à 2014, qu’en tant que président de l’agglomération, de 1995 à ce 11 juillet 2020. À l’origine du premier Grenelle de l’environnement en 2007, Bruno Bourg-Broc a décliné cette préoccupation environnementale sur son territoire, avec l’adoption de deux chartes de l’environnement, la mise en place d’un Agenda 21 mais aussi une attention toute particulière portée sur le climat, la pureté de l’air ou le tri sélectif.

Ce qu’il pense de la nouvelle « vague verte » qui envahit soudainement la société ? Que du bien, même si on pourrait faire mieux. « On ne s’occupe pas assez des Hommes, des personnes. Si les élus doivent porter toute leur attention sur les dossiers, ils ne doivent pas oublier les Hommes », prévient-il.

Et quand il revient sur sa longue carrière politique, Bruno Bourg-Broc ne peut s’empêcher d’admettre que ses idées n’ont cessé d’évoluer avec lui au fil des années. « J’ai longtemps cru au cumul des mandats par exemple. Mais aujourd’hui, en 2020, l’exercice des mandats politiques est totalement différent de ce qu’il a été dans le passé et je pense qu’il est compliqué d’en porter plusieurs. En revanche il faut travailler en équipe ». Un message à la génération qui lui succède, à Châlons ou ailleurs ? Difficile d’imaginer le contraire, avec un homme de son expérience et de sa trempe, rompu depuis longtemps à l’exercice politique. Au niveau local, il aurait également voulu aller plus loin dans la complémentarité des territoires, avec Epernay et Reims, comme cela avait été évoqué entre élus il y a quelques années. « C’était trop tôt, trop rapide », commente-t- il simplement, admettant au passage avoir été longtemps « régionaliste », et aujourd’hui de plus en plus convaincu de l’utilité de l’échelon départemental.

UN FERVENT COLLECTIONNEUR

Sur la scène nationale, son appartenance à la famille gaulliste et son amitié avec Jacques Chirac ont longtemps amené les observateurs et les journalistes à le placer sur les listes des « ministrables ». Après avoir été membre du RPR, de l’UMP et des Républicains, le voici sans étiquette, préférant quitter le parti en 2018, sans imaginer un instant rejoindre une autre formation. « Il ne reste plus grand chose du gaullisme dans le parti. J’étais et je reste gaulliste. Cela veut dire quelque chose, et pas uniquement dans la vie politique. Le gaullisme c’est avoir une certaine attitude, une certaine idée de la France, de la place de la France dans le monde et une certaine idée de l’Homme aussi ».

Quant à l’amitié en politique, elle reste chose rare. Il cite Michel Barnier, élu comme lui conseiller général en 1973, à qui il a d’ailleurs demandé de lui remettre ses insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur en 2009. « Si on a beaucoup d’occasions de se faire des amis en politique, on a aussi beaucoup d’occasions de se faire des adversaires… et pas toujours dans le camp opposé ».

Côté privé, marié à Sabine, qui vient d’intégrer le Conseil municipal de Châlons en tant que 4e adjointe en charge de l’Education, Bruno Bourg-Broc est aussi connu pour être un collectionneur averti de crèches. Il en possède, avec son épouse, plus de 2000 du monde entier, qu’il expose régulièrement. « Je collectionne aussi les affiches politiques – j’en ai plus de 3 000 – , mais aussi les faire-parts de mariage, les menus, les médailles… », s’amuse-t-il. Une passion dévorante que la politique ne lui a pas laissé le temps de classer comme il l’aurait souhaité. Détenteur notamment de la Pléiade dans son intégralité, il revendique pas moins de 18 collections en cours. Peut-être trouvera-t-il le temps de faire du tri, après quelques jours de vacances passées chez son fils à Aix-en-Provence au sortir de son dernier conseil communautaire le 11 juillet. Le temps d’écrire sans doute et de penser au sens de l’engagement politique , comme il aime à le faire, lorsqu’il cite l’Abbé Becquey, un autre célèbre châlonnais : « Il faut coudre et découdre sans jamais déchirer. Gouverner les Hommes c’est les réunir et leur apprendre à se supporter les uns les autres ».

Parcours

25 février 1945 Naissance à Châlons-sur-Marne
1973 Première élection en tant que Conseiller général de la Marne.
1980 Devient conseiller régional de Champagne-Ardenne.
1982 Elu Député de la 3e circonscription de la Marne.
1995 Elu maire de Châlons et président du District.
2014 Elu président de Châlons Agglo, après avoir décidé de ne pas se représenter à sa propre succession à la mairie.
11 juillet 2020 Met fin à 47 années d’engagement politique et 120 années de mandats à l’issue du Conseil de Châlons Agglo.