Trois ans pour trouver une alternative aux néonicotinoïdes

Les rendements risquent d’accuser un recul de l’ordre de 30 à 50% cette année.

La campagne betteravière 2020 s’annonce problématique. En cause, l’invasion de pucerons transmetteurs de la jaunisse. Fin octobre, les députés et le Sénat ont voté pour une dérogation de l’utilisation des néonicotinoïdes.

Les producteurs de betteraves ainsi que toute l’industrie sucrière réclamaient, depuis leurs interdictions en 2018 par la France, un retour à l’utilisation des néonicotinoïdes (NNI). Il faut dire que la filière de la betterave pèse lourd dans l’économie agricole : 61 100 hectares sur les 74 000 du Grand Est sont cultivés dans la Marne, avec une moyenne de 20,3 ha par exploitation. Pour rappel, les NNI sont utilisés en enrobage sur la graine de la betterave, évitant l’invasion de pucerons, vecteurs de la jaunisse, maladie dévastatrice pour les récoltes.

Or depuis deux ans, l’absence d’enrobage combinée à des hivers particulièrement doux ne permet pas une régulation naturelle de la population de pucerons. « En moyenne, la chute du rendement par hectare est de 20 % mais dans les cas les plus extrêmes, les pertes de production peuvent s’élever jusqu’à 30 voire 50 % », indique Eric Lainé, président du syndicat betteravier de la Marne (CGB). La campagne betteravière 2020 qui a débutée en octobre et doit se terminer en décembre, prévoit d’ores et déjà des rendements très bas, voire catastrophiques pour certaines exploitations. « En projection, dans l’Aube nous sommes sur des rendements de l’ordre de 57 tonnes par exploitation, dans le Nord Est plutôt sur 67 tonnes, sachant que la moyenne ces cinq dernières années s’élevait à plus de 87 tonnes par exploitation », précise Éric Lainé. Pour autant, ces chiffres sont indicatifs car dans l’Aube par exemple, les rendements peuvent aller de 10 à 90 tonnes… alors que le prix au kilo de la betterave est de l’ordre de 24€ / tonne.

« Nous avons semé de plus en plus tôt les betteraves pour profiter d’un rendement supérieur mais avec l’hiver doux, les pucerons arrivent eux-aussi rapidement », livre le président du syndicat betteravier de la Marne. Quant à trouver des solutions autres que les néonicotinoïdes, comme l’usage de coccinelles, Éric Lainé répond que le temps que les larves éclosent, les pucerons ont déjà fait le plus gros du mal. Autre alternative, la plantation de haies pour favoriser la biodiversité, d’ailleurs appelée des vœux du président même de la FDSEA Marne, Hervé Lapie. « Impossible à réaliser sur des grandes parcelles », répond le chef de fil du syndicat betteravier. « Peut-être est-ce réalisable sur des petites étendues de terres, de 2 ou 3 hectares mais pas de 20. » Or, la surface des terres agricoles ne peut pas être réduite « si l’on veut être compétitif », renvoie Éric Lainé. « Nous sommes dans une économie mondialisée, avec une très forte concurrence mondiale concernant le sucre avec des pays comme le Brésil, qui exporte l’équivalent de la production européenne soit près de 20 millions de tonnes par an ! L’Inde, l’Australie ou encore la Thaïlande sont aussi de très gros producteurs de canne à sucre. »

DES NNI À LA RECHERCHE SUR LE GÉNOTYPE

Face à ce constat, à la pression des syndicats et avec l’appui du ministre de l’Agriculture lui-même, Julien Denormandie, l’Assemblée nationale, puis le Sénat ont voté une dérogation, fin octobre, pour l’usage des néonicotinoïdes pour ces trois prochaines années, soit jusqu’en 2023. L’enjeu majeur des prochaines années va être ainsi de développer la recherche pour trouver des alternatives combinant les rendements et les orientations environnementales du gouvernement. « La solution vers laquelle on se dirige est une amélioration de la recherche concernant le génotype de la betterave. Mais attention, il ne s’agit pas d’OGM, interdits en France et Europe », avertit le président du CGB. C’est pourquoi, « un effort de recherche renforcé et conséquent sera mis en place pour accélérer l’identification d’alternatives véritablement efficaces, tant auprès des instituts de recherche privés comme l’ITB (Institut Technique de la Betterave), que les instituts de recherche publique comme Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) », a annoncé Julien Denormandie. « 5 millions d’euros supplémentaires seront mobilisables dès 2021 dans le cadre du plan de relance », a-t-il aussi précisé.