Thales Alenia Space fait évoluer son offre de produits

Amazonas Nexus

L’entreprise, qui poursuit la mise en œuvre d’un plan de départs volontaires, doit s’adapter à un marché en pleine mutation.

«Optimiste à moyen terme mais prudent à court terme », c’est ainsi que Denis Allard résume la position de Thales Alenia Space (TAS) pour les mois et années à venir. Le directeur de l’établissement de Toulouse depuis novembre dernier a récemment fait un point sur l’activité de l’entreprise. Filiale franco-italienne de Thales et de Leonardo, TAS conçoit et réalise des systèmes satellitaires pour la géolocalisation, les télécommunications et l’observation de la terre.

NOUVEAUX ACTEURS

« À l’horizon de cinq ans, les perspectives sont plutôt favorables dans le marché des télécommunications et celui de l’observation de la terre, confirme Denis Allard. Aujourd’hui en revanche, le marché est relativement incertain du fait de l’arrivée de nouveaux acteurs dans le domaine spatial, tel Amazon et SpaceX, qui sont crédibles. Elon Musk est en train de déployer sa constellation Starlink : après trois tirs en l’espace d’un an, il est en train d’accélérer la cadence. Quel sera l’impact de ces lancements sur les opérateurs ?

Bref, un certain nombre d’interrogations demeurent qui nous font dire que si le marché des géostationnaires perdure parce qu’il y a un marché de remplacement et des besoins très spécifiques, cette évolution vers les constellations peut perturber le marché global. Du reste s’il y a eu un creux ces deux dernières années, c’est parce que les opérateurs étaient en attente de l’évolution du marché. Certains opérateurs classiques de satellites géostationnaires comme Telesat ont fait le choix de se tourner vers les constellations, d’autres non ou pas encore. Nous restons donc prudents à court terme. Et ce n’est pas parce que l’année 2019 a été meilleure que nous sommes sortis d’affaire. »

Pour faire face à cette évolution du marché et des technologies embarquées, TAS a engagé en 2019 un plan de départs volontaires et de mobilité interne qui se poursuit en 2020. Ce plan vise la suppression de 452 postes répartis pour moitié entre la Cannes et la Ville rose où TAS emploie 2 600 personnes. « Nous devons réadapter nos compétences aux nouvelles attentes du marché, explique Denis Allard qui annonce parallèlement des projets de recrutement dans les domaines des logiciels, du big data et de l’intelligence artificielle, sans préciser le nombre d’embauches prévues.

« Nous devons continuer à faire évoluer nos produits afin qu’ils répondent au mieux aux besoins de nos clients notamment dans le domaine des constellations, où avec l’expérience acquise avec Globalstar ou O3b et plus récemment Iridium (NDLR : 81 satellites livrés dont 75 sont opérationnels), nous sommes les leaders », assure Denis Allard. TAS est d’ailleurs sur les rangs pour remporter le marché de Telesat. L’appel d’offres lancé par cet opérateur de télécommunications porte sur une constellation de 300 satellites, un énorme marché en perspective pour la coentreprise dont on connaitra l’issue en 2020. TAS vient en parallèle de créer avec la start-up américaine Space Flight Industries une joint-venture dénommée Leostella LCC basée à Seattle, en vue de la fabrication de la constellation BlackSky de 60 satellites dédiée à l’observation de la terre.

« Dans le domaine du géostationnaire aussi, nous adaptons nos produits, poursuit Denis Allard. Nous avons notamment développé une nouvelle plateforme, Spacebus Neo, tout électrique, dont le premier tir vient d’avoir lieu avec à son bord le satellite Konnect VHTS très haut débit développé pour Eutelsat. Nous avons déjà vendu sept exemplaires de la famille Spacebus Neo. » TAS, qui cherche depuis quelques années, à accroître la flexibilité de ses produits, avec notamment le développement d’un processeur numérique transparent (DTP) de cinquième génération, a franchi une nouvelle étape fin 2019 avec le lancement d’une nouvelle gamme de produits satellitaires entièrement digitaux, dénommés Space Inspire, qui accroît considérablement la flexibilité du satellite. « Ces nouveaux satellites plus petits, moins chers, sont complètement reconfigurables sur le plan de leur mission et ce, en temps réel, détaille Denis Allard. L’objectif est de permettre aux opérateurs de répondre aux évolution très rapides du marché».

REBOND

Dans un marché mondial en plein rebond (17 satellites commandés en 2019 contre une dizaine en 2017 et 2018), Thales Alenia Space a signé plu- sieurs contrats majeurs. Dans le domaine des télécommunications, l’industriel a reçu des commandes pour quatre satellites : Satria pour l’Indonésie, ItalGovSatcom pour l’Italie, Eutelsat 10B pour Eutelsat, Nilesat-301 pour l’opérateur égyptien Nilesat. S’ajoute le contrat signé début janvier avec l’opérateur Espagnol Hispasat portant sur la construction du satellite Amazonas Nexus (photo). Le carnet de commandes de TAS s’est aussi enrichi du contrat avec le gouvernement espagnol portant sur la conception de deux charges utiles (Spainsat NG) qui devraient équiper un satellite de télécommunications. Dans le domaine scientifique, TAS a également remporté le contrat de la mission Flex de l’Agence spatiale européenne (Esa) qui vise à étudier la fluorescence des plantes et leur influence sur le cycle du carbone. Au titre de l’année 2019, la coentreprise franco-italienne a également été choisie pour assurer, dans le secteur de la navigation, la maintenance du segment sol de Galileo et développer une nouvelle version du système sol d’Egnos.

En parallèle, au cours de l’année écoulée, 19 satellites ont été lancés : 14 dans le domaine des constellations (dont 10 satellites Iridium Next et quatre satellites O3b), trois dans le domaine des télécommunications, deux dans le domaine de l’observation, auxquels s’ajoutent deux cargos ravitailleurs pour la station spatiale internationale.

En 2018, TAS a réalisé 2,5 Mds€ de CA pour un effectif de 8 000 personnes.