Catherine XuerebTête chercheuse

Directrice de recherche au laboratoire de génie chimique du CNRS, elle vient de prendre la présidence de Toulouse INP, un établissement au profil original dans le paysage des écoles d’ingénieurs.

Catherine Xuereb, 57 ans, a dû se lancer dans une véritable « campagne » pour remporter les élections au conseil d’administration puis à la présidence de l’Institut national polytechnique de Toulouse, Toulouse INP. Une première pour cet établissement « unique en France par son périmètre d’action et sa structuration », jusque-là plus habitué aux changements de présidence feutrés. Toulouse INP est né de la volonté de plusieurs écoles d’ingénieurs – elles sont six aujourd’hui : l’École nationale supérieure agronomique de Toulouse (Ensat), l’École nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques (Ensiacet) et l’École nationale supérieure d’électrotechnique, d’électronique, d’informatique, d’hydraulique et des télécommunications (Enseeiht) en interne, plus trois écoles associées, l’école d’ingénieurs de Purpan, l’École nationale de la météorologie et l’École nationale d’ingénieurs de Tarbes – « de mettre en commun des services et une stratégie », notamment dans le domaine de la recherche intensive, une autre de ses particularités dans le paysage des écoles d’ingénieurs – « tous nos enseignants-chercheurs appartiennent à des unités mixtes de recherche estampillées par l’Inra ou le CNRS », précise Catherine Xuereb. L’établissement a également rang d’université.

Alors qu’Olivier Simonin, après deux mandats, allait quitter le poste, cette directrice de recherche au laboratoire de génie chimique (CNRS – Université Toulouse III Paul Sabatier – Toulouse INP) a décidé, il y a un an, de se porter candidate avec le projet Inpulse. Un projet qu’elle a monté petit à petit, en agrégeant des soutiens de plus en plus nombreux. Au point que face à l’autre projet en lice, Catherine Xuereb a gagné la majorité des suffrages dans les trois collèges qui représentent les personnels de l’établissement. Mais si sa liste a remporté l’élection au conseil d’administration le 3 mars, elle a dû, crise sanitaire oblige, patienter jusqu’à la fin du mois de juin pour être élue à la présidence. Elle a pris ses fonctions le 2 juillet.

Cette spécialiste du génie des procédés n’est cependant pas une inconnue à Toulouse INP puisqu’au fil de sa carrière, elle a déjà occupé des responsabilités au sein de l’établissement : celles de vice-présidente en charge de la recherche et de la valorisation, durant le premier mandat d’Olivier Simonin, entre 2012 et 2016, après avoir été, sous la présidence de Gilbert Casamatta, directrice de la Recherche, en 2006 et 2007.

La nouvelle présidente n’aura pas trop de quatre ans – la durée de son mandat – pour appliquer le programme sur lequel elle a été élue. « C’est court ! reconnaît-elle.  Mais ce qui importe, c’est de mettre le projet sur les bons rails. C’est d’avoir une vision, une perspective qui va plus loin que le mandat. Nous sommes là pour servir l’établissement, être au service de ce que nous croyons être une bonne trajectoire, pour nos étudiants, nos personnels et la société civile. Nous sommes un organe de l’État et à ce titre nous avons une mission de service public. Nous devons aussi écouter ce que la société attend de nous et nous ne faisons que passer. Alors tant que nous sommes là, nous faisons du mieux possible pour anticiper et ne pas rater un train qu’il serait important de saisir. Sur ce plan là, je suis pragmatique ! Nous devons porter un projet stratégique et embarquer les personnels et les étudiants, de telle manière qu’ils aient plaisir à se lever le matin pour venir travailler ou participer à une formation collective. »

La nouvelle présidente de Toulouse INP a fait du dialogue avec les entreprises une des priorités de son mandat. « Nous avons déjà un pool de partenaires industriels très important, mais il m’est apparu intéressant de développer, au-delà de ces partenariats par discipline, des partenariats transverses. Cela permettrait notamment de développer des chaires de recherche et de formation dans des domaines multidisciplinaires. Si on parle, par exemple, d’énergies de demain, de l’IoT, d’intelligence artificielle, cela ne relève pas d’une seule discipline, mais nécessite de mettre en commun des approches différentes. On a donc besoin d’un panel très large de compétences que nous sommes capables d’assembler pour répondre à une problématique particulière de l’entreprise. » Catherine Xuereb veut aussi profiter de ce dialogue renforcé avec les entreprises pour plancher sur « l’avenir des formations ». « Nous savons que les ingénieurs que nous formons auront dans leur carrière un grand nombre d’expériences professionnelles. Elles seront beaucoup plus diversifiées que ce qu’elles n’étaient il y a 20 ans. Il faut donc les former à être mouvants. » Une évolution qui nécessite aussi de recalibrer l’offre de formation continue. « Nous devons imaginer avec les entreprises les formes que prendra cette formation tout au long de la vie, à la fois sur le plan du périmètre et des contenus. » Or de nombreuses questions se posent aujourd’hui affirme-elle encore : « Les ingénieurs de demain seront-ils plus formés à  l’interdisciplinarité? Faut-il intégrer plus de sciences humaines et sociales dans toutes nos formations, des compétences managériales? Développer encore mieux l’entrepreneuriat? »

Si elle entend se rapprocher des entreprises, la nouvelle présidente de Toulouse INP veut aussi mettre à contribution des étudiants auxquels elle souhaite confier dès la rentrée une réflexion sur la manière de « construire un établissement de nouvelle génération, aux fortes préoccupations environnementales », expliquait-elle au moment de son élection.

De fait, pour Catherine Xuereb, « les étudiants d’aujourd’hui n’envisagent pas que leur vie professionnelle soit le centre absolu de leur vie future. Il faut qu’elle serve leurs valeurs. Du reste, dès la première année de leur cursus, surgissent des questions : est-ce que ce que nous leur enseignons entre bien dans le cadre de leurs valeurs ? En faisant de la chimie, ne vont-ils pas empoisonner la planète ? Est-ce que ce qu’on enseigne dans le domaine de l’énergétique est bien éco-compatible ? Il faut   que  nous soyons capables de leur répondre et qu’on travaille de telle sorte que l’enseignement qu’on leur offre leur permette d’être des citoyens responsables dans une société qui se devra de toute façon d’être plus écoresponsable. »

Cette démarche « d’écologisation » devrait concerner également les comportements sur les campus aussi bien pour les étudiants que pour les personnels. Ces derniers ne sont pas oubliés dans le projet stratégique Inpulse, puisqu’une partie de ce programme concerne l’amélioration des conditions de travail du millier de collaborateurs que compte Toulouse INP.

Un vaste programme qui ne rebute pas Catherine Xuereb, qui a su saisir les opportunités et diversifier son parcours. Toulousaine de naissance, c’est dans la Ville rose qu’elle s’est formée. Ingénieur en génie des procédés, diplômée de l’Ensiacet, elle a ensuite rédigé une thèse industrielle chez Atochem à Lacq sur « la fluidisation gazeuse pour la fabrication de polymères », pour faire court. C’est du reste un peu par hasard, qu’elle s’est tournée vers le génie chimique, reconnaît-elle, une discipline qu’elle explique par une métaphore. « Si on prend le modèle de la cocotte-minute, le génie chimique concerne la conception et la fabrication de la cocotte-minute tandis que la chimie, c’est ce qui se fait à l’intérieur. Cela concerne donc tous les appareils et méthodes de transformation de la matière et de l’énergie ». Pas de vocation de prime abord, « mais ce qui m’a beaucoup intéressé, c’est le contact avec les entreprises, le caractère applicatif de nos travaux », précise-t-elle.

Si elle a rejoint le CNRS dès 1990 pour embrasser « une carrière classique », alliant la recherche, l’enseignement et la direction de thèse, elle a depuis fait plusieurs incursions hors de son laboratoire. Elle a ainsi rejoint à mi-temps pendant cinq ans la Délégation régionale à la Recherche et la Technologie. À l’époque, sous le ministère de Claude Allègre, elle participe aux lancements des incubateurs régionaux, des centres de ressources technologiques (CRT), à la négociation des contrats de projet État-Région, etc. Quelques années plus tard, elle rejoint la préfecture de région comme chargée de mission en charge de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et la Technologie auprès du secrétaire général pour les affaires régionales (Sgar), où elle voit passer entre 2007 et 2012 cinq préfets et trois Sgar… Une époque également très « fertile » : la dizaine de chargés de mission dont elle fait partie constitue « un lieu d’émulation très fort ». « J’ai beaucoup appris ! assure-t-elle. On travaillait de près avec les collectivités locales : le Conseil régional, la Métropole, la mairie, sur les grands projets de rénovation des établissements universitaires, la mise en place des cofinancements dans le cadre du plan Campus, etc. »

En 2016, au début du deuxième mandat d’Olivier Simonin, Catherine Xuereb décide de quitter la vice-présidence recherche et valorisation de Toulouse INP. « C’était le moment où à Toulouse, nous avions été très secoués par l’affaire de l’Idex. Je n’étais pas en phase avec l’attitude qui avait été celle du site toulousain, explique-t-elle, de ne pas se remettre en question par rapport à ces échecs. J’avais l’impression que l’on était hermétiques aux messages qui nous étaient transmis, et trop focalisés sur les questions de structures et de statuts plutôt que sur les projets communs. Je ne voulais plus travailler dans cet état d’esprit. » Une décision qui lui permet de retrouver son laboratoire et ses sujets de recherche. Mais surtout de mûrir ce nouveau projet.

Parcours

1963 Naissance à Toulouse
1986 Ingénieur en génie des procédés à l’Ensiacet
1989 Doctorat à l’Institut national polytechnique de Toulouse
1990 Rejoint le CNRS. Depuis 2000, directrice de recherche au laboratoire de génie chimique (UMR CNRS/UPS/INPT)
2007-2012 Chargée de mission Enseignement supérieur, Recherche et Technologie à la préfecture de région
2012-2016 Vice-présidente recherche et valorisation à Toulouse INP
2020 Présidente de Toulouse INP