Télétravail, aujourd’hui et demain

Depuis la mi-mars et le début du confinement, ce terme est entré dans le vocabulaire courant, en même temps qu’il est devenu une pratique très répandue. En effet, il permet d’éviter les déplacements domicile-travail et les contacts physiques et de maintenir, pour partie, l’activité économique : que d’atouts dans la situation actuelle !

La mise en application du télétravail a été brutale car immédiate, imposée et, souvent, non préparée : ce sujet avait été ignoré, nié et/ou déconsidéré dans bon nombre d’entreprises. Depuis, contraintes par la situation sanitaire, elles ont placé leurs salariés, et elles-mêmes par la même occasion, dans des conditions inconfortables et moins productives. Comment est-il possible de s’y prendre pour mettre en œuvre cette forme particulière de travail, en assurant sa réussite ? C’est le sujet de cet article.

« L’expérience actuelle est tronquée car, en plus d’une application subie et subite, nous avons aussi perdu les relations sociales en face-à-face. Après des premières journées difficiles, je retiendrai un gain de temps utile (puisque je ne me déplace plus) et une qualité de réflexion. Il me semble nécessaire de développer, à l’avenir, une culture du télétravail », rappelle Anne-Cécile Monvoisin, Responsable Régionale Grand est Emploi-Formation du MEDEF Grand Est.

Rappel : « télétravailler » signifie « travailler à distance » et est sous-entendu « de son lieu habituel ». Les lieux de pratique les plus courants sont le domicile de la personne et des espaces de coworking ; des lieux moins fréquents, des cafés, restaurants, des parcs, au sein d’une autre entreprise plus proche de son domicile ou encore dans les transports en commun. Une première analyse de cette définition permet de s’interroger sur les conditions de travail en ces deux lieux, l’entreprise et l’endroit choisi par le salarié : en quoi sont-elles similaires ? Différents ?

QUELLE DÉMARCHE ADOPTER? COMMENT S’Y PRENDRE ?

Le principal frein concernant le télétravail réside dans la méfiance du manager (« Mon collaborateur va-t-il travailler ? S’organisera-t-il correctement ? ») et dans le jugement des salariés (« T’as vu, Cédric est en télétravail aujourd’hui, il va faire ses courses ! »).

Par conséquent, avant d’être discuté puis mis en place, il semble nécessaire que dirigeants, managers et salariés évoluent et changent d’avis sur le télétravail : une attitude basée sur la confiance et la responsabilité est, fort probablement, le socle d’une démarche réussie. Une première phase d’information et de communication permettra donc d’atteindre cet objectif et d’opérer le changement dans la tête des personnes concernées.

Ensuite, la rédaction d’une charte semble un bon outil pour discuter et préciser les conditions de télétravail, les métiers concernés, les fréquences, les lieux, les informations nécessaires pour le manager et les collègues, les outils informatiques, l’équipement et l’aménagement au domicile du salarié, et, enfin, parfois, la prise en charge de différents frais (électricité, connexion internet, imprimante, papier ). Cette charte devrait prendre en compte les freins, dangers et peurs, rationnelles du non, liés au télétravail. Si nécessaire et en s’appuyant sur cette charte, le manager et le collaborateur se mettront d’accord sur des conditions spécifiques. À titre d’exemple, l’agglomération de Châlons a défini une telle charte en juin 2019, avant d’expérimenter le télétravail.

LA TECHNOLOGIE

L’étape suivante est technique : elle concerne l’informatique (les SI), au sens large. Il semble évident et il est nécessaire que le salarié en télétravail puisse disposer des mêmes conditions que ses collègues au bureau. Pourtant, cette égalité n’est pas toujours prise en compte…. Elle inclut un ordinateur professionnel, un accès sécurisé et protégé aux données et serveurs de l’entreprise, peut-être une imprimante, une connexion Internet de qualité permettant, notamment, des rendez- vous par vidéo. Pour ces deux derniers aspects, les espaces de coworking offrent des facilités, moyennant un forfait modéré.

Pour revenir brièvement sur la sécurité informatique, autant les entreprises s’attachent à protéger les réseaux internes, autant les réseaux personnels sont parfois négligés : il est alors facile pour un « pirate » d’accéder à nos ordinateurs personnels et de remonter, ensuite, aux serveurs de l’entreprise.

Le rayon informatique inclut naturellement les logiciels, le software : quels outils vont permettre au télétravailleur de communiquer avec ses correspondants et de contribuer aux projets en cours ? La gamme et leurs usages sont devenus familiers avec ces temps de confinement : Zoom, Skype, Teams, Hangout et autres Slacks sont désormais courants. Sont-ils pour autant maîtrisés et adaptés ?

LE POSTE DE TRAVAIL

Une fois ces « détails » informatiques et numériques réglés, intéressons-nous au poste de travail et aux conditions dans lesquelles l’activité professionnelle est réalisée, deux sujets à la frontière entre l’intervention de l’entreprise et l’attitude du salarié !

L’usage actuel, intensif et permanent du télétravail, en raison de la situation sanitaire particulière, a causé quelques douleurs dans le dos, le cou, les poignets, etc. Ce constat rappelle inévitablement l’ergonomie des postes de travail : parfois prise en compte au sein de l’entreprise, elle est, souvent, ignorée à la maison. Pourtant, il est tout autant recommandé de disposer d’une chaise réglable, de s’étirer (de nombreuses vidéos sur Internet décrivent les divers exercices possibles), de changer de posture, de faire des pauses, de changer d’activités et, enfin, de disposer d’un poste de travail ergonomique. Le canapé du salon ne figure assurément pas dans cette catégorie.

Dans la vision idéale et prépa- rée, un espace dédié et adapté permettra donc au salarié de travailler confortablement et durablement.

LES CAPACITÉS DU SALARIÉ

Préoccupons-nous désormais exclusivement du salarié : c’est, fort probablement, la caractéristique la plus souple et la plus délicate du télétravail. En effet, même si les étapes précédentes ont été correctement prises en compte, la réussite dépend pleinement de l’attitude et du comportement du salarié. Saura-t-il s’organiser, respecter un rythme de travail, privilégier certaines activités, s’arrêter (cf droit à la déconnexion !), prendre soin de lui (étirements, par exemple), prendre le temps d’une pause virtuelle (café ou cigarettes) avec (ou sans) ses collègues, montrer ses réalisations et sa contribution, accepter de ne pas rencontrer physiquement ses collègues tous les jours ? De fait, certaines personnes présenteront des traits de caractères plus favorables à cette forme particulière de travail.

Cela demandera peut-être une attention particulière du manager, des RH et/ou, dans les grandes entreprises, de la personne en charge du télétravail, en plus d’une éventuelle autre forme de management.

En conclusion de ces recommandations, deux grandes idées complémentaires ressortent, valables tout autant dans la phase de réflexion que dans la mise en œuvre. La première repose sur l’attitude de chacun, dirigeants, managers et salariés ; elle nécessite confiance et responsabilité et contribuera à la sérénité.

La seconde repose sur des considérations techniques et matériel- les ; elle demande une prise en compte des besoins et un savoir-faire et apportera confort et efficacité.

Nous l’avons constaté, peut-être vécu personnellement : la situation sanitaire a imposé le télétravail, y compris à ceux (chefs d’entreprise comme salariés) qui y étaient opposés. Malheureusement, cela s’est réalisé, dans bon nombre de cas, dans des conditions inconfortables et moins productives. Certains freins ont disparu, des mentalités ont peut- être évolué : si le télétravail doit se développer, il conviendra de le rendre plus efficace et serein.

Plus largement, cette période chamboulée aura peut-être questionné, salariés et chefs d’entreprise, sur les modes de déplace- ment. Le vélo et la marche semblent recueillir des avis enthousiastes : ils permettent en effet de maintenir la distanciation physique. Est-il temps, là aussi, de repenser les mobilités de façon plus générale ?

Par Hervé Fleischmann Conseil en mobilité durable Cabinet Italic