NikiStreet-art en Morvan

« J’aime travailler à l’instinct, je n’intellectualise jamais trop les choses. Ce qui me guide, ce sont les matières et comment je peux les marier aux couleurs et aux différentes techniques que j’utilise ».

Artiste peintre autodidacte, elle est tombée amoureuse de Saulieu et s’y est installée en fin d’année dernière. Depuis, cet esprit libre décline son goût pour le street-art et le pop-art sur tous les supports possibles et imaginables. En septembre, elle exposera à Dijon.

«J’ai eu la chance de rencontrer l’art parce que j’avais, sur un plan psychique, tout ce qu’il fallait pour devenir une terroriste ». Cette phrase, c’est l’artiste plasticienne française Niki de Saint Phalle, morte aux États-Unis en 2002 qui l’a dite. En quelques mots, elle résumait ainsi toute l’énergie volcanique, explosive, faite de colère ou d’enthousiasme, qui peut résumer une démarche artistique, quelle qu’elle soit. J’ignore s’il y a un germe de terrorisme chez la Niki que j’ai rencontrée, et pour tout dire, je trouve assez ridicule de l’imaginer, face à la grande douceur et à la sympathie qu’elle exprime, mais je comprends pourquoi cette artiste peintre aujourd’hui installée à Saulieu, a choisi ce pseudonyme. La Niki dont nous parlons dans ce portrait signe effectivement ses réalisations par ces quatre lettres, en référence à une femme qui fut libre, avec un « L » majuscule. Une femme qui a choisi sa vie et sa voie à une époque où la chose n’avait rien d’évident. C’est aussi cette liberté qui anime aujourd’hui « notre » Niki. Cette capacité à changer de vie presque sur un coup de tête, parce qu’un lieu lui parle, que le genre humain qu’elle y croise lui renvoie des ondes qui font comme un carburant. Niki habite une vieille maison au cœur de Saulieu. Où la sonnette ne marche pas. Où le jardin est un petit havre de paix qui débouche sur une pièce, toute en longueur. Celle-ci était autrefois une chambre, c’est à présent son atelier.

MONA LISA AU POCHOIR

Devant la porte de celui-ci se trouve posé tout un bric-à-brac fait de plaques de tôle, de planches, de morceaux de meubles, de jerricans et de bidons divers mais qui, tous, trouveront leur place, tôt ou tard, dans l’imaginaire de cette artiste. Le jour où l’un de ces objets passe la porte de l’atelier, c’est un passeport vers une nouvelle vie qui s’offre
à lui. Niki peint sur les supports les plus variés. Et ce n’est pas sa Mona Lisa faite au pochoir sur une palette de bois qui nous démentira. Cette Joconde déjantée et l’une des rares peintures que Niki pouvait me montrer le jour de notre rencontre, la plupart de ses autres travaux et réalisations faisant l’objet d’une exposition à Avallon, dans l’Yonne, jusqu’à fin juillet. Mais que s’est-il passé à Saulieu pour que la jeune femme décide, d’une part, de s’y installer en décembre 2018, et, de l’autre, de se consacrer entièrement à la création picturale ? « Au départ, explique-t-elle, il y a ma rencontre avec Cécile Zicot, la directrice du musée François Pompon. Cette rencontre, elle s’est faite par l’intermédiaire de Facebook. J’avais mis en ligne un tableau de ma création, sorte de Mickey “grunge” qui flanquait des coups de savates. Elle avait adoré ce tableau et a tout de suite voulu me présenter à Richard Orlinski ». Cet autre artiste est connu notamment pour avoir réinterprété, à sa manière, le célèbre ours de Pompon. Cécile Zicot poursuivait un but précis : monter une exposition mêlant les œuvres de Niki et d’Orlinski.
« Au départ, cette proposition m’a fait un peu peur, souligne Niki. Pour moi, c’était une première, je n’avais jamais exposé. Ma peinture, c’était alors plus un hobby… » Au moment de cette proposition, Niki vit à Lyon et travaille en rénovant des meubles vintage. « J’ai réfléchi, mais pas pendant cent ans. Je suis venue à Saulieu pour rencontrer Cécile Zicot. Ici, c’est quelqu’un qui fait beaucoup bouger les choses, qui aime la nouveauté. Nous avons immédiatement “accroché” ensemble, et j’ai tout de suite adoré Saulieu, que je connaissais très peu ». L’exposition avec Richard Orlinski s’est tenue en mai mais Niki a dû mettre à profit la période séparant l’hiver dernier du printemps pour produire un maximum d’œuvres à montrer. « J’ai passé trois mois non-stop dans l’atelier pour avoir quelque chose… » Les deux artistes ont ainsi fait dialoguer leurs approches respectives, avec comme point commun, des références au street-art assumées et revendiquées, et comme spécificité pour Niki, le recours à des matériaux de récupération. L’expo qui a duré un mois a beaucoup plu. Une amitié est née avec Richard Orlinski et Niki a décidé de rester dans cette petite ville du Morvan et de vivre de la création artistique. « J’y pensais depuis des années, souligne-t-elle, mais il me manquait l’élément déclencheur. Cette exposition l’a été et aujourd’hui, ça marche plutôt bien. J’ai beaucoup de commandes à assurer et qui sont tombées à la suite de l’exposition. J’ai eu la chance que beaucoup de choses s’enchaînent : j’ai réalisé une fresque pour France Bleu Auxerre, à l’occasion de la foire de Sens, j’ai aussi un projet avec le collège de Saulieu, là encore pour une fresque et pour mener avec les élèves un atelier ». Le virage rapidement négocié par Niki faisait suite à quinze ans de vie lyonnaise. La jeune femme avait quitté sa Bourgogne natale assez tôt et avait commencé à travailler dans la capitale des Gaules comme aide-soignante.

CINÉMA, GAMING, MUSIQUE…

Il y a presque quatre ans, elle décide de monter une autoentreprise dans le domaine de la rénovation de meubles. Cette activité fonctionnait bien mais c’est aussi à ce moment-là qu’elle se met à peindre, pour elle ou pour des amis. « Je sentais bien, d’une part, que ce que je faisais parlait aux gens, et que de l’autre, grandissait en moi l’envie de ne faire que ça. Aujourd’hui, quand je me lève, je n’ai envie que de ça : aller dans mon atelier et faire des tableaux ! » Ses sources d’inspiration, Niki les puise beaucoup dans la musique (elle joue elle-même du piano, de la guitare, de la batterie), dans le cinéma, le monde du gaming, l’univers geek. L’essentiel pour elle étant de parvenir, à travers son travail, à parler au gens, à toucher quelque chose d’universel, de populaire, au bon sens du terme. Ses techniques font appel au collage, au bombage, au pochoir, à la peinture classique. Elle joue des contrastes entre des supports bruts, issus de la récupération et le recours à des couleurs acidulées. En matière de street-art, une de ses références est l’artiste Jisbar, mais on trouve aussi une icône culte des années quatre-vingt : Jean-Michel Basquiat. « Pour moi, c’est le patron du street-art ! » conclut-elle.

En septembre, vous pourrez découvrir son travail à Dijon, lors d’une exposition organisée au sein de la boutique Une vie de rêve, rue Verrerie.

Parcours

1985 Naissance, le 19 octobre, au Creusot (Saône-et-Loire).
2003 Elle s'installe à Lyon et travaille plusieurs années comme aide-soignante.
2015 Elle monte une autoentreprise dans la rénovation de meubles vintage.
2018 Elle rencontre Cécile Zicot, directrice du musée Pompon de Saulieu.
2019 Elle expose à Saulieu avec l'artiste Richard Orlinski. En septembre, elle va exposer à Dijon.