Stéphane Lehning : « Nous voulons franchir les 100 M€ de chiffre d’affaires »

Stéphane Lehning dirige l'entreprise familiale présente dans 42 pays.

Fondés par René Lehning, les laboratoires du même nom fêtent leurs 85 ans d’existence en 2020. Née dans la cave familiale, l’ETI mosellane, présente dans 42 pays, compte franchir les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Retour sur la stratégie économique des laboratoires Lehning avec leur dirigeant, Stéphane Lehning.

Le groupe Lehning fête aujourd’hui ses 85 ans. Pouvez-vous nous raconter l’histoire de l’entreprise familiale présente dans 42 pays ?

« Mon grand-père, René Lehning, a été extrêmement marqué par la Première Guerre mondiale et par l’insalubrité qui y régnait. Derrière, il y a eu la grippe espagnole. Il faut savoir que les gens affectés tombaient en pleine rue, dans une indifférence quasi générale. Il a alors voulu trouver un moyen d’aider les gens et c’est en 1918 qu’il a concocté puis perfectionné, dans sa cave, la formule du L52 qui est aujourd’hui encore notre produit phare dans notre division homéopathie. Le groupe s’est développé au fil des années et j’en ai repris la direction en 2003. Aujourd’hui, nous sommes spécialisés dans la santé naturelle, par les plantes, et comptons sur 370 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros. Le groupe est composé de plusieurs filiales : Sainte-Barbe ici en Moselle, Rocal à Paris (5 millions d’euros de chiffre d’affaires, ndlr), Phytosynthèse en Auvergne (40 employés ; 15 millions d’euros de chiffre d’affaires), Apis Flora à Ribeirao Preto au Brésil (15 millions d’euros de chiffre d’affaires) et depuis septembre, du laboratoire Lescuyer basé à la Rochelle. »

Quelle est la stratégie économique derrière l’acquisition du laboratoire Lescuyer, qui réalise 14 millions d’euros de chiffre d’affaires ?

« Le laboratoire Lescuyer et ses 45 employés permettent au groupe Lehning de se renforcer sur le marché des compléments alimentaires. Sa solution phare – le Limicol – est une combinaison de végétaux, de vitamines et d’acides aminés. Elle permet au foie de limiter la production de mauvais cholestérol. Quatre études cliniques de moins de cinq ans ont démontré qu’en moyenne, le taux de mauvais cholestérol diminue de 21,4% en ayant recours à cette solution. Nous avons obtenu une mention de la part de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Dans ce domaine, c’est le seul complément d’Europe à avoir reçu cette mention. L’acquisition du laboratoire dirigé par Isabelle de Carmantrand, et qui garde son équipe et son indépendance, invite aussi le groupe Lehning à diversifier sa clientèle. Nous pouvons désormais aller vers les médecins généralistes, les homéopathes, les ostéopathes, qui peuvent recommander les compléments alimentaires du laboratoire Lescuyer – 88 références pour traiter le foie ou le microbiote, mais aussi l’arthrose ou l’arthrite ou l’équilibre acidobasique – à leurs patients. Nous diversifions notre segment de clientèle. En septembre, le laboratoire a connu une hausse de l’activité de l’ordre de 15%. Une tendance qui devrait se répéter au mois d’octobre. »

Que doit permettre au groupe Lehning cette opération de croissance externe ?

« L’objectif sous trois ans est de franchir les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires via de la croissance organique et le développement de toutes nos activités de santé naturelles : de l’homéopathie à la phytothérapie en passant par les compléments alimentaires à destination des humains et des animaux. Mon ambition est d’apporter des solutions naturelles dans le bien-être, de proposer au grand public de se soigner avec autre chose que des antibiotiques, des vaccins et de la chirurgie. Évidemment je ne suis pas contre la médecine traditionnelle, qui est indispensable. Mais nous venons la compléter. »

Comment a agi la crise sanitaire sur les activités du groupe Lehning ?

« Sur la période, l’activité du groupe a connu une croissance de l’ordre de 5%. Nous n’avons eu ni recours au chômage partiel, ni au PGE. Plus spécifiquement, certains secteurs ont souffert, d’autres ont progressé. Nos solutions qui concernent l’immunité ont continué de fonctionner. Au Brésil, notre filiale Apis Flora a été dévalisée. Sur l’année, le chiffre d’affaires a doublé et culmine aujourd’hui à 15 millions d’euros. Là-bas, nous travaillons des solutions à base de propolis verte. Une substance qui est produite uniquement par une espèce locale d’abeille, destinée à protéger la ruche des bactéries. La propolis verte a des vertus sanitaires exceptionnelles dans la prévention d’un début de rhume mais aussi dans la décongestion des sinus et le soin des poumons. Deux hôpitaux brésiliens réalisent d’ailleurs des études pour analyser si la propolis verte pourrait soigner les symptômes du Covid-19. En revanche, sur nos produits distribués en pharmacie, notamment ceux que nous développons ici, à Sainte-Barbe, l’activité a chuté de 13% en septembre. Les gens ont déserté les officines. »

Une tendance globale qui vous invite à envisager l’avenir avec sérénité ?

« Nos équipes réalisent un travail incommensurable pour nous permettre d’affronter cette période. Malgré les difficultés dans certaines filiales, nous cherchons à recruter, notamment des commerciaux, et des profils capables de nous développer encore à l’export. »

La filiale Rocal doit affronter une autre difficulté que le coronavirus depuis l’annonce du déremboursement homéopathique.

« Notre filiale Rocal, qui réalise 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, devrait perdre 25% d’activité sur l’homéopathie concernée par le déremboursement à partir de janvier 2021 (l’homéopathie classique, vendue en tube). Nous avons tenté une action juridique commune avec le laboratoire Boiron pour défendre les intérêts de la corporation et pour que le patient puisse continuer d’avoir accès à cette médication. Les produits étant remboursés, les prix étaient figés par l’État depuis 1987. Un tube d’homéopathie se vend le prix d’un café dans un bar. Nos marges étaient nulles. Dorénavant, on va pouvoir réaliser de la communication, fixer nos prix. Les normes pharmaceutiques ont évolué, les investissements pour y répondre sont considérables. Ça peut être un rebond pour ce métier que nous ne comptons pas abandonner. »

Le groupe Lehning est un acteur engagé pour son territoire. Une implication qui correspond à l’identité de l’ETI (entreprise de taille intermédiaire) ?

« Quand on me parle de RSE (responsabilité sociétale des entreprises), ça me fait sourire. C’est dans nos gènes. Mon grand-père, quand il cueillait des plantes et fleurs, il faisait déjà attention à ne pas toutes les prendre au même endroit pour ne pas détruire l’écosystème. Aujourd’hui nous aidons à rechercher d’autres endroits que les Vosges pour accueillir les fleurs d’arnica, où l’espèce est en péril. Nous avons aussi installé un parc solaire à Sainte-Barbe qui répond à 40% de nos besoins en énergie en hiver, et jusqu’à 100% en été. Entre autres actions, nous utilisons l’une de nos lignes de production pour fabriquer du gel hydroalcoolique que nous donnons aux professionnels de santé du Grand Est, mais aussi aux collectivités et pompiers du territoire. »

Propos recueillis par Jonathan Nenich

Retrouvez dans Matot Braine des informations économiques du Grand Est avec notre partenaire le Groupe La Semaine