SINTERmat ouvre de nouvelles perspectives sur les matériaux

La technologie de SINTERmat suscite de l’intérêt dans des secteurs très divers. Pour Foad Naimi, son fondateur, qui montre ici des matériaux réalisés à partir de poudres de cuir, de céramique ou de métaux, c’est la preuve de la pertinence du choix d’aller sur ce terrain des nouvelles propriétés données aux matériaux, en termes de résistance à la contrainte mécanique.

Start-up et industrie, des notions éloignées l’une de l’autre ? Pas avec SINTERmat. La société, implantée en Côte-d’Or à Dijon et Montbard, développe une nouvelle technologie faisant appel à la métallurgie des poudres, qui ouvre des perspectives inédites en termes de résistance des matériaux, et même de recyclage.

Dans une France qui s’interroge de plus en plus sur sa dimension industrielle, avec un Président qui ne jure que par la « start-up nation », doit-on comprendre qu’industrie et start-up sont deux notions incompatibles ? En Côte-d’Or, SINTERmat prouve que non. Dirigée par Foad Naimi, ex-responsable technique sur la plateforme de frittage de la Société d’accélération de transfert de technologies (Satt grand est, aujourd’hui devenue Sayens), créée fin 2016, la société, qui compte aujourd’hui à sa tête un trio d’associés composé de Foad Naimi, Frédéric Bernard et Roland Pesty, se développe sur une technologie innovante et relativement jeune en Europe : la métallurgie des poudres. Contrairement à ce que son nom indique, elle ne s’applique pas qu’aux métaux mais permet, en ayant recours au frittage rapide Spark plasma sintering (SPS) de produire des pièces denses en partant de poudres de différentes natures (métalliques, céramiques, composites…).

SINTERmat, il faut le noter, est d’abord la conséquence d’une démarche de valorisation de la recherche publique universitaire : elle est issue du laboratoire Interdisciplinaire Carnot de Bourgogne (ICB) de l’université de Bourgogne et est également accompagnée par Sayens, la Satt qui rassemble plusieurs universités de tout le grand est. En novembre dernier, SINTERmat a bénéficié d’une mise en lumière importante en bouclant un tour de table financier dans lequel se trouvait Definvest, le fonds du ministère des Armées. Une évolution qui a permis à la start-up de franchir le stade de l’industrialisation, en installant un site à Montbard, dans le nord de la Côte-d’Or. « Cet investissement, souligne Foad Naimi, prouve que le civil et le militaire peuvent trouver des convergences au niveau de l’innovation ». Il a commencé à travailler sur la technologie de la métallurgie des poudres il y a quelques années et a fait le constat d’une évolution des attentes des donneurs d’ordres : « Au départ, on était là pour faire de la recherche fondamentale, puis nous avons évolué vers la réalisation de pré-séries, des études de prix par rapport aux volumes produits… On a compris que nous arrivions à un virage et que nous étions les seuls à nous en rendre compte. C’est là que j’ai décidé de me lancer ».

GAINS À TOUS LES ÉTAGES

Si les donneurs d’ordres montrent de plus en plus d’intérêt pour la métallurgie des poudres et la technologie SPS, c’est parce qu’elle offre des avantages par rapport à d’autres technologies de fabrication de pièces plus conventionnelles : l’obtention de résistances mécaniques des matériaux hors du commun, multipliées par trois, des efficacités balistiques (dans le domaine de l’armement) augmentées de 23 %. « On réduit également la consommation de matière première, poursuit Foad Naimi. On peut aller de 60 à 80% de gain matière par rapport aux méthodes classiques, et on limite les opérations d’usinage. Nous pouvons traiter tous types de matériaux (métaux, céramiques, mais aussi cuir, corne, bois ou même coquilles d’huîtres ! NDLR) et nous sommes capables d’assembler des matériaux différents sans apport de matière ». La vocation de SINTERmat est de produire des pièces à partir de poudres de différentes natures afin d’élargir le champ des applications possibles sur des marchés tels que le luxe, la défense, l’aéronautique, l’automobile ou l’énergie. Aujourd’hui, l’entreprise répond aux besoins des industriels en termes de conception et de fabrication de matériaux. Elle est apte à assumer un rôle de conseil auprès d’industriels, notamment dans le but de modifier les caractéristiques et les propriétés de certaines poudres, en fonction des résultats recherchés. C’est donc aussi une ingénierie que SINTERmat peut proposer. En octobre dernier, l’entreprise a conclu un partenariat avec une autre start-up, basée à Toulouse et nommée Authentic Material. « Nous travaillons avec eux sur tout ce qui touche aux matériaux naturels, en lien avec le marché du luxe. Authentic Material récupère des déchets de production, en cuir, auprès d’industriels du luxe. Ces déchets sont transformés en poudre que nous densifions et que nous transformons en pièce ».

VALORISER LES DÉCHETS

C’est ici un autre aspect de SINTERmat qui mérite d’être souligné : l’entreprise porte une grande attention, grâce à sa maîtrise technologique, à la valorisation de nombreux déchets. «Nous avons même trouvé, précise Foad Naimi, un mode de compaction qui rend les déchets agricoles intéressants pour des applications dans le design. Nous sommes en train de déposer des brevets en ce moment pour aller sur ce marché ». Sur Montbard, SINTERmat vient de recruter un directeur en charge de l’industrialisation, qui va lui permettre de passer du stade des réalisations expérimentales au process véritablement industriel. La société emploie aujourd’hui sept personnes. Une seconde levée de fonds est prévue dans les semaines qui viennent et l’entreprise s’est dotée d’un comité stratégique. Enfin, SINTERmat est en lice dans le concours LetsGoFrance pour obtenir le prix de meilleure start-up française de l’année. Vous pouvez voter pour elle jusqu’au 3 avril.

Pour en savoir plus: www.sinter-mat.com et www.letsgofrance.fr

La défense intéressée
En novembre dernier, SINTERmat a obtenu un financement de Definvest, le fonds du ministère des Armées, géré par Bpifrance. Ces fonds ont permis à l’entreprise de lancer sa production industrielle en acquérant les équipements nécessaires à l’installation de son site à Montbard, dans la Metal Valley. Au soutien de Definvest s’est ajouté celui de plusieurs investisseurs privés. Florence Parly, ministre des Armées avait alors déclaré : « Pépite technologique issue de la recherche académique, SINTERmat concentre toutes les qualités que le ministère des Armées recherche dans sa volonté ambitieuse d’innover ». Même enthousiasme du côté de Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpi-france : «Après avoir accompagné le développement de son innovation avec une bourse French Tech, nous sommes fiers d’entrer au capital de SINTERmat, via le fonds Definvest, pour amorcer son développement et permettre l’industrialisation de sa technologie ». « La technologie SPS mise en œuvre par SINTERmat est suivie par la Direction générale de l’armement (DGA) depuis dix ans, renchérissait de son côté Caroline Laurent, directrice de la stratégie de la DGA. Elle est encore expérimentale mais des applications dans les domaines des munitions, des blindages et des moteurs aéronautiques sont d’ores et déjà identifiées. Et elle pourrait intéresser d’autres domaines militaires à plus long terme, comme la protection des combattants ».

Comprendre le SPS
Pour comprendre le Spark plasma sintering (SPS), il faut déjà maîtriser ce que le frittage signifie. Fritter, c’est fabriquer une pièce en chauffant une poudre sans la mener jusqu’à la fusion. Sous l’effet de la chaleur, les grains se soudent entre-eux. La technologie SPS repose sur l’utilisation de plasmas à haute température momentanément générés entre les particules de poudres par une décharge électrique. Le mécanisme de synthèse et les propriétés mécaniques d’un matériau compact fritté par SPS montrent des caractéristiques différentes comparées aux procédés conventionnels de frittage avec pression. Le procédé permet de produire de manière régulière des matériaux compacts à densité élevée et offre des avantages.