Jean-Philippe JarnoSentiment d’urbanité

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Pur produit du groupe Bouygues, le quinqa dirige depuis quatre ans Urbis Réalisations, sa filiale toulousaine de promotion immobilière. Une entreprise à taille humaine, sorte de boîte à idées du groupe.

Depuis un bureau de la rue des 36 Ponts qui offre l’une des plus belles vues du quartier, Jean-Philippe Jarno s’amuse de la question. « Je ne suis pas toulousain d’origine mais je le suis presque devenu dans mes gènes ! ». Directeur général d’Urbis Réalisations, promoteur immobilier basé à Toulouse, filiale du groupe Bouygues depuis 2008, ce Messin, né d’un père breton et d’une mère lorraine, assure s’être « vraiment enraciné » dans la Ville rose où il vit depuis 12 ans, avec femme et enfants, après un parcours à l’étranger et en métropole. Aujourd’hui à la tête d’une structure de 35 collaborateurs qui réalise 65 M€ de chiffre d’affaires, il se réjouit de diriger le « laboratoire d’innovations » du groupe industriel dans le domaine de l’immobilier.
Le tout juste quinqua est diplômé d’une école d’ingénieurs, l’Insa de Lyon, en génie civil et urbanisme. « Ce qui m’a vraiment fait choisir cette voie, moi qui ne suis pas du tout issu d’une famille du BTP ou de l’immobilier puisque mon père était commerçant, c’est qu’à l’époque, Francis Bouygues venait d’être désigné comme Manager de l’année par Le Nouvel Économiste. Alors qu’à cet âge-là, on est plutôt porté vers l’électronique, les télécommunications, des choses qui vous parlent, j’avais vu ce parcours, cette épopée en fait… À la fin des années 80, début des années 90, c’était l’époque où on construisait des ponts, des barrages, des tunnels, en Asie, au Canada, en Corée. Je trouvais cela extraordinaire. C’est le goût de l’aventure qui m’a fait choisir cette voie ! Ce côté très romanesque : les voyages, les grands ouvrages, les aventures d’homme… »

HORIZONS LOINTAINS

L’étudiant ne tardera pas à réaliser son rêve. Il effectue son stage de fin de cursus…
À Bangkok, « dans les fondations spéciales », « pour le coup un métier viril. On ne croisait pas beaucoup de jeunes femmes sur les chantiers ! ». Alors que dans la capitale thaïlandaise, les premiers gratte-ciel sortent de terre, il participe, côté fondations, à la construction de la Silom Precious Tower et du Jewelry Trade Center, les 5e et 12e plus hautes constructions de Bangkok. « J’avais 22 ans à l’époque. Cela m’a encore plus donné le goût de tout ça ».

Jean-Philippe Jarno complète son parcours académique par un MBA orienté vers le management international au Centre d’études du commerce extérieur à Marseille, avant d’être appelé sous les drapeaux. Le Messin, qui a choisi de faire son service national comme coopérant en entreprise, trouve une mission au sein de la filiale américaine du groupe Ciments Français, racheté entre-temps par Italcimenti. Il restera 18 mois outre-Atlantique, à Frederick, dans le Maryland, en charge de « la veille concurrentielle et technologique ». « À l’époque, Bill Clinton lançait le Clean Air Act. Il y avait donc d’importants enjeux environnementaux liés aux industries lourdes, sachant que le ciment n’est pas une industrie où on innove tous les jours ! » Le dirigeant d’Urbis conserve de « sa période américaine » « un souvenir extraordinaire ». « À chaque fois, la question s’est posée : est-ce que je reste ou pas ? Parce qu’il y a un tel attachement dans ces pays… Et puis j’ai choisi de revenir. Car plutôt que de poursuivre dans l’industrie lourde, j’avais en tête de défricher des territoires ».

À son retour en France en 1995, il intègre le groupe Bouygues pour ne plus le quitter, une fidélité de 24 ans. Au sein du groupe, le jeune cadre fera « deux fois l’aller et retour entre le secteur de la construction et celui de l’immobilier », à Lyon, puis en Ile-de-France une première fois. « J’ai eu un parcours assez classique, sachant qu’un groupe tel que le nôtre offre de nombreuses possibilités d’évolution, tant géographiques que professionnelles », confirme-t-il. Recruté à 25 ans au poste d’ingénieur commercial chez Bouygues Construction, il « apprend vraiment le métier ». « C’est beaucoup d’humilité, reconnaît-il. C’est un métier qui se construit ». Progressivement, il prend des responsabilités. Puis deux ans plus tard, alors qu’il a toujours en tête de « partir à l’export » mais ne se sent peut-être « pas assez mûr », il passe de nouveaux entretiens dans le groupe et rejoint France Construction devenue plus tard Bouygues Immobilier. « J’ai été séduit par l’immobilier, les aspects promotion, conception et de montage des opérations en amont », explique-t-il. Une nouvelle fois, il apprend « le b.a.-ba du métier », en tant que chef de projets, puis de responsable de programmes, de directeur de programmes et enfin de chef d’agence. « J’ai découvert un métier extraordinaire, avec ce côté entreprenant du grand export », assure-t-il.

Justement, en 2002, Jean-Philippe Jarno prend le large. Il quitte la grande couronne parisienne pour rejoindre, à nouveau chez Bouygues Construction, un poste essentiellement basé à Cuba et Curaçao, dans les Caraïbes. Il développe des opérations immobilières dans toute la zone Amérique du Sud et Caraïbes. Un peu plus de deux années plus tard, sa première fille « pointe le bout de son nez ».

Retour en métropole, à Strasbourg, chez Bouygues Immobilier. « J’ai passé là quatre années extraordinaires, à travailler sur de très jolis sujets, se souvient Jean-Philippe Jarno. Mais nous avions envie d’évoluer, pour vraiment nous enraciner. On m’a alors proposé de venir dans le Sud-Ouest, que je ne connaissais pas plus que ça, même si cela paraissait très intéressant ». Le voilà propulsé à 39 ans directeur de région Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon, avec sous sa coupe trois agences à Toulouse, Perpignan et Montpellier.

LABORATOIRE D’INNOVATIONS

Depuis bientôt quatre ans, Jean-Philippe Jarno a rejoint Urbis Réalisations, une filiale à 100 % « qui vit sa vie, avec une forme d’autonomie, tout en épousant les valeurs du groupe, issues de la culture Bouygues très forte de respect des engagements, de réussite collective, de responsabilisation des collaborateurs, etc. » À la tête de cette « petite » structure, très ancrée localement, le dirigeant vit « une très belle aventure », d’autant « qu’en trois ans, nous avons doublé l’activité, avec entre 450 et 500 réservations cette année ». Tout en demeurant une sorte de boîte à idées du groupe. « Quand nous testons une innovation, comme nous ne sommes que 35 collaborateurs, si au bout d’une demi-heure, nous nous trompons de chemin, nous faisons demi-tour ! Et nous en trouvons un autre. Ce n’est pas aussi impactant que dans un grand groupe. C’est pour ça que nous avons lancé beaucoup de choses chez Urbis ». Des innovations « assez frugales », reconnaît-il, « mais qui correspondent vraiment à ce que souhaite le client. On ne fait pas des usines à gaz, parce qu’on n’en a pas les moyens. Nous ne sommes pas Google ! Notre principal centre de R & D se situe dans la tête de nos collaborateurs ». C’est de là que sont sortis des outils comme Urbis Connect, une solution domotique développée avec un partenaire industriel, Deltadore, My Showroom, un configurateur de logements conçu avec Visiolab, une start-up toulousaine spécialiste de la 3D, le premier arrivé sur le marché, ou encore le chatbot Urby, déployé lui aussi avec une jeune pousse locale, Jump. « Le niveau des prestations s’est élevé de manière incroyable, en même temps que la qualité architecturale et environnementale des projets, assure Jean-Philippe Jarno. Il y a vraiment eu un saut quantique dans l’immobilier au cours des 15 dernières années ».

Le promoteur conçoit ainsi près de 70 % de ses programmes grâce au Building Information Modeling (BIM).
« Pour autant, toutes ces innovations seront demain des standards, assure-t-il. D’ailleurs, si on veut proposer de la co-conception, permettre au client de choisir telle configuration, comme on le fait dans nos concept stores à Toulouse ou Montpellier, sans le BIM, on ne pourrait pas le faire. C’est l’avenir ». Ces innovations n’ont rien de « révolutionnaire, reconnaît Jean-Philippe Jarno, mais elles sont porteuses de sens et mises bout à bout, elles permettent à l’opération immobilière de prend de la valeur ».

Enfin posé, Jean-Philippe Jarno, prend le temps de s’engager pour certaines causes. Telle la défense de sa profession, dans le cadre de la Fédération régionale des promoteurs dont il est vice-président ou en prenant il y a peu, la tête de l’ObserveR, l’observatoire de l’immobilier neuf toulousain. Ce bâtisseur qui dit exercer « un métier magnifique » se mobilise aussi à titre personnel pour Habitat & Humanisme, une association « qui rend leur dignité aux personnes grâce au logement », affirme-t-il, et dont il a assuré la présidence bénévole jusqu’en mai.

Parcours

1969 Naissance à Metz.
1992 Diplômé de l'Insa de Lyon.
1995 Entre au sein du groupe Bouygues.
2008 Prend la direction régionale de Bouygues Immobilier MPLR.
2015 Arrive à la tête d'Urbis Réalisations, filiale à 100% de Bouygues Immobilier.