Seniors dépendants : premier choc attendu en 2030

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L’Insee Occitanie et l’Agence régionale de santé livrent une étude sur les enjeux du grand âge en région.

Alors que l’Occitanie devrait compter d’ici 2040 quelque 115 000 seniors dépendants supplémentaires, le vieillissement de la population et surtout la progression du nombre de personnes âgées dépendantes deviennent un enjeu de société majeur en région qui nécessite d’anticiper le développement des structures de prises en charge, qu’il s’agisse de l’accueil en institution ou du maintien au domicile. C’est ce que montre une étude de l’Insee Occitanie et de l’Agence régionale de santé d’Occitanie (ARS) présentée par Caroline Jamet, directrice régionale de l’Insee, et Pierre Ricordeau, directeur général de l’ARS, le 20 novembre en duplex à Toulouse et Montpellier.

« Le vieillissement est un sujet d’actualité, confirme Caroline Jamet. Il fait régulièrement la Une des quotidiens. De son côté, le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) a publié un avis sur les enjeux du vieillissement en Occitanie. De fait, il est lié en grande partie à l’arrivée aux âges avancés des générations du baby-boom. L’autre sujet très important, c’est la perte d’autonomie et la prise en charge de ces personnes. Pour rappel, en France en 1975, 13 % de la population avait plus de 65 ans. En 2019, c’est 20 %. Cela donne un éclairage sur l’accélération du vieillissement. En Occitanie, 11 % de la population a plus de 75 ans, avec une grande disparité territoriale puisque c’est un peu moins de 8 % en Haute- Garonne et 15 % dans le Lot. Dans ce contexte, il nous a paru utile avec l’ARS de dessiner les enjeux auxquels la Région va avoir à répondre dans les prochaines années et de travailler sur l’évolution du nombre de personnes en perte d’autonomie dans les prochaines décennies, d’avoir une approche territoriale et de réfléchir à ce que cela veut dire en matière de prise en charge. »

ACCÉLÉRATION DU PHÉNOMÈNE

L’étude réalisée conjointe- ment par l’Insee et l’ARS montre ainsi une forte progression du nombre de personnes âgées dépendantes en Occitanie de 191 000 en 2015 à 306 000 en 2040, soit une hausse de 60 %. La dépendance sévère, c’est-à-dire le fait d’avoir besoin d’aide au quotidien pour la quasi-totalité des activités ou une perte totale de l’autonomie motrice et/ou mentale, devrait progresser également mais à un rythme moins rapide : +31 % sur la période, soit 20 000 personnes supplémentaires entre 2015 et 2040 en Occitanie. Quatre départements seraient plus particulièrement touchés par le phénomène : le Gard, avec une progression de 50 % du nombre de personnes âgées en dépendance sévère, l’Hérault (+42 %), l’Aude (+39 %) et le Tarn-et- Garonne (+35 %).

DISPARITÉS LOCALES

En 2015 en région, on comptait 61 000 places en Ehpad et en unités de soins de longue durée, soit 32 places pour 100 seniors dépendants, avec là aussi une forte variabilité selon des départements, de 25 places en moyenne dans les Pyrénées-Orientales à 48 places en Lozère. Une disparité compensée par une offre de soins infirmiers à domicile plus importante dans les départements où le nombre de places en institution est moins important comme les Pyrénées-Orientales ou le Gard.

Alors que seules 1 000 nouvelles places en institution sont programmées d’ici 2025, le nombre de places pour 100 seniors dépendants devrait chuter de 32 à 20 en 2040. Parallèlement, la proportion de seniors dépendants maintenus au domicile devrait progresser de 74% en 2015 à 82% en 2040, soit 109 000 seniors dépendants à domicile supplémentaires en 25 ans, dont près de 11 000 seniors sévèrement dépendants. « Ce qui entraîne des besoins d’emploi supplémentaires pour les accompagner, relève Camille Fontes-Rousseau, chef de projet à l’Insee Occitanie, que soit des emplois en institution ou à domicile. En institution, ce besoin est estimé à +0,6% par an, principalement pour des professions d’aides-soignants et d’infirmiers. À domicile, la progression du nombre d’heures d’intervention de professionnels (infirmiers, aides-soignants, aides ménagères) est estimée à +1,4 %, pour maintenir la prise en charge actuelle. » Parallèlement, pointe également Camille Fontes-Rousseau, sachant que le maintien à domicile n’est souvent possible que grâce à une implication forte des aidants familiaux, « la population des aidants potentiels augmenterait sur la période trois fois moins vite que la population des seniors dépendants à domicile. Ce qui implique de trouver de nouvelles solutions pour faciliter le quotidien des seniors. »

CHANGEMENT DE MODÈLE

Pour Pierre Ricordeau, ces éléments ajoutés à « la volonté forte de nos concitoyens de vivre le plus longtemps chez eux, nous conduisent à travailler sur un changement de notre modèle d’accompagnement des personnes âgées et des personnes âgées dépendantes ». La bonne nouvelle selon le directeur de l’ARS, « c’est que nous avons un peu de temps pour gérer cette transformation du modèle puisque c’est au début des années 2030 que le choc le plus important se produira », d’autant qu’assure-t-il, s’agissant des besoins en effectif supplémentaires, « les évolutions sont compatibles avec notre capacité de formation de professionnels de santé. »

En région, le directeur de l’ARS rappelle que le projet régional de santé adopté à l’été 2018 fait du vieillissement un de ses cinq parcours prioritaires. « Cela va de comment prévenir l’aggravation de la dépendance, avec des actions sur le repérage de la fragilité, en lien avec le Gérontopole ; à la prévention dans les Ehpad pour éviter que la dépendance augmente avec 3 M€ dépensés cette année dans ces actions de prévention ; en passant par des actions pour éviter le passage aux urgences avec des dispositifs d’astreinte d’infirmiers la nuit en Ehpad, 18 dispositifs ayant déjà été mis en place qui couvrent 120 établissements ; un renforcement de l’attractivité des métiers, avec 8 M€ investis dans la qualité de vie au travail et la formation dans les Ehpad en 2019. Nous travaillons aussi sur la transformation du modèle d’accompagnement avec des expérimentations qui visent au maintien plus longtemps à domicile ou dans des formes intermédiaires. Nous avons ainsi lancé un appel à projet pour demander aux opérateurs, Ehpad et autres, de nous proposer des formes d’accueil innovantes, ce que nous appelons l’Ehpad de demain, à savoir un Ehpad, centre de ressources, lui-même acteur du maintien à domicile », détaille Pierre Ricordeau.

Le projet de loi Grand âge et autonomie attendu pour la fin de l’année devrait jeter les bases de la transformation du modèle.