Gérant et actionnaire majoritaire de l’entreprise Fortier-Guyot, Philippe Girgenti, 40 ans, est contraint de multiplier les tâches faute de trouver des tourneurs et fraiseurs qualifiés.
Fondée en 1969 par deux associés, Michel Guyot et Bernard Fortier, la SARL Fortier-Guyot s’est ensuite développée sous la direction successive de Pascal Girgenti entre 1996 et 2017 et de son fils, Philippe, qui a pris le contrôle de l’entreprise il y a trois ans.
Passée en 2001 d’un local de 140 m2 alors implanté à Sedan à un bâtiment d’une superficie de 800 m2 dans la cité de Turenne, cette TPE ardennaise qui œuvre dans le domaine de la mécanique générale a continué son essor en dépit d’un criant manque de personnel.
SEUL AUX COMMANDES
Explications de Philippe Girgenti : « Depuis le départ en retraite de mes deux derniers salariés, mon père et moi sommes seuls au sein de l’usine, faute d’être parvenus à trouver des remplaçants aux partants. Ni fraiseur et outilleur qualifiés pour nous permettre de bien faire tourner la boutique, ni intérimaire lors des périodes de surchauffe. Je suis donc devenu, bien contre mon gré, l’homme à tout faire de l’entreprise. En étant, à la fois, comptable de mon affaire, magasinier, réceptionniste des matières premières, livreur, standardiste et chargé des commerciaux tout en faisant tourner un parc comprenant huit machines à commande numérique. Heureusement, mon père, âgé de 65 ans assure la gestion financière et clientèle ainsi que les livraisons. Il faut bien que l’entreprise évolue et aille de l’avant. Je n’ai donc pas le choix mais il faut se démultiplier sans compter les heures de boulot. Cela sollicite beaucoup de temps et de persévérance. Ce métier demandant beaucoup de bases et de passion, les jeunes d’aujourd’hui ne me donnent pas l’impression de vouloir l’apprendre. En plus, nous n’avons pas le temps de les initier de A à Z. Notre seule chance serait donc de dénicher un ouvrier qualifié souhaitant quitter son entreprise ».
UN CENTRE D’USINAGE ROBOTISÉ
Ces difficultés récurrentes n’ont pas empêché Philippe Girgenti d’investir 380 000 euros en juin dernier dans un centre d’usinage équipé d’un robot installé par la firme japonaise Mazak.
« Même petit, on arrive à investir dans du matériel innovant. Ce tour qu’on inaugurera par une cérémonie officielle le 23 octobre permet à l’entreprise d’être plus réactive, de satisfaire notre clientèle et d’avoir plus de rigueur dans la stabilité du processus de production ».
L’effort financier réalisé par la société Fortier-Guyot a été soutenu à hauteur de 30 % par la Région Grand Est dans le cadre du fonds de modernisation des PME.
Spécialisée dans l’usinage, le tournage et le fraisage et « travaillant tout ce qui est rond et carré », cette PME réalise dans des conditions pourtant particulières 450 000 euros de chiffre d’affaires. Hormis Bugnot 55 dans la Meuse, elle fournit principalement les entreprises locales comme AFS à Sedan, les fonderies Vignon à Haraucourt, ATM-TPC et Mécanyvois à Carignan, La Fonte Ardennaise à Vivier-au-Court et Stevenin-Nollevaux à Hautes-Rivières, entre autres.
« On fait soit de la pièce unitaire, soit de la petite série sur des matières comme l’acier, l’aluminium, l’inox, la fonte, le cuivre et le bronze. On est aussi capable de réaliser des produits sur plans ou modèles et de faire du dépannage rapide », précise le gérant seulement âgé de 40 ans.
MERCI À L’APPRENTISSAGE
Avant de vivre sa dix-neuvième année dans la boutique familiale où il a tour à tour exercé les métiers de tourneur et fraiseur avant de devenir le gérant en 2017, Philippe Girgenti a connu une longue et fructueuse période d’apprentissage.
Doté d’un BEP productique, d’un bac professionnel outillage et d’un BTS outillage a en effet, fait sa formation au CFA de Charleville-Mézières en travaillant en alternance chez Jardinier Massard à Vrigne-aux-Bois, aux Ateliers des Janves à Bogny-sur-Meuse et, bien sûr, à Fortier-Guyot. Il a ajouté à sa panoplie un an d’école de management à l’AFPI.
« Ces expériences m’ont amené à m’aguerrir professionnellement en me perfectionnant dans la gestion des hommes, en améliorant ma connaissance des structures d’une entreprise et en m’habituant à différentes techniques d’usinage. Ce qui m’a permis, quand j’ai rejoint mon père au sein de l’entreprise familiale, d’avoir déjà un bagage solide et de mettre en pratique ce que j’avais appris durant ces années de formation ». En évoquant son parcours, Philippe devenu salarié en 2002 et actionnaire majoritaire quinze heures plus tard, se souvient encore du cousin qui lui conseilla à la sortie de la classe de troisième au lycée Bazin, où il se morfondait, de tenter sa chance dans l’apprentissage pour y apprendre un métier. « Ça a été le déclic. J’ai alors trouvé ma vocation en étant au contact des machines car j’aimais la technique et le calcul ».
Ayant toujours le nez dans le guidon pour faire évoluer son entreprise tout en étant proche des nouvelles technologies, Philippe Girgenti confesse ne rien faire durant ses rares moments d’oisiveté et de vacances. « Je les consacre surtout au repos et à mon fils de cinq ans, Raphaël ».