Schizophrène, l’immobilier toulousain ?

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Selon la Chambre des notaires, les prix au m2 en ville commencent à manquer de cohérence entre les quartiers.

Le 24 septembre, dans les nouveaux locaux de la Chambre interdépartementale des notaires au Belvédère, Maître Philippe Pailhès, le président de la Chambre des notaires et Maître Frédéric Giral, délégué de l’Institut notarial de droit immobilier, présentaient le bilan des ventes d’immeubles à Toulouse et en Haute-Garonne. Lequel bilan a été établi, comme chaque année, à partir de la base de données Perval qui, pour chaque territoire de province, enregistre les actes enregistrés en étude notariale.

Premier enseignement : un indice des prix qui augmente de 3,3 %, tous biens confondus. Plus précisément, la vente d’appartements neufs a explosé avec une augmentation de 21 %, tandis que les appartements anciens n’ont progressé que de 3,8 %. Les maisons anciennes, elles, ont stagné à +0,7 % mais, note Me Pailhès, « les budgets y sont en forte augmentation. C’est par contre dans le marché des terrains à bâtir, qui concerne une population plus sensible », au budget plus contraint, que la situation s’inverse avec une chute de 27,2 % des transactions. Néanmoins, le président de la Chambre des notaires se veut optimiste, car « cette année, nous allons probablement dépasser le million d’échanges. C’est un record », peut-être même au niveau national, « que l’on doit à l’attractivité de la métropole. En 10 ans, c’est un doublement des ventes » auquel Toulouse a assisté, avec une augmentation significative depuis les trois dernières années.

Conséquence : les prix dans la Ville rose et dans le reste du département ont également connu une sérieuse augmentation : +5,5 % pour les appartements anciens, et +4,2 % pour les maisons anciennes, « même si on est loin des prix de Bordeaux » ; laquelle, depuis deux ans, reste la ville la plus chère de France (4 270 € le m2), suivie de Lyon, Nice et Lille, Toulouse n’arrivant qu’en sixième position. « Des prix plus abordables qui expliquent, selon Me Pailhès, qu’il y ait 30 % de ventes en plus sur le marché toulousain que sur celui de Bordeaux ».

Au plan régional, les appartements anciens se négocient à un prix médian de 2210 € le m2 en Occitanie, contre 2 460 € en Auvergne-Rhône-Alpes, et 2 660 € en Nouvelle-Aquitaine. Dans le détail, le même type de bien se négociera à un prix médian de 2440 € le m2 – Toulouse concentrant, sans surprise, 80 % des transactions – contre 1 850 € dans l’Aude, 1 490 € dans les Hautes-Pyrénées, 1 350 € dans le Tarn ou 1 190 € en Ariège. « Soit une différence de près de 1000 € » entre la Haute-Garonne et les départements limitrophes ; une différence que l’on retrouve, là aussi sans surprise, entre les villes : Toulouse affiche un prix au m2 médian de 2680 €, quand Albi, en deuxième position et bien qu’attirante grâce au tourisme et à l’université, n’émarge qu’à 1750 €, Rodez à 1390 €, Montauban à 1 350 € seule Carcassonne tombant en dessous des 1000 €, à 850 €.

LIGNES DE FRACTURE

Quant au type de bien acheté, Me Pailhès note que les acheteurs « ont moins investi dans les petits appartements » type studio, « et plus sur le deux-pièces ». Une évolution discrète que le notaire attribue au fait que, grâce à la politique de crédits à taux bas, « les personnes qui investissent ont pu se permettre d’acheter un peu plus grand ; tout comme certains jeunes ont pu plus facilement acheter, car on sait très bien que le deux-pièces correspond souvent au premier achat d’un jeune couple ».

Concernant les quartiers de Toulouse, l’hypercentre concentre toujours les plus hauts prix, avec cette année une percée remarquée de Saint-Étienne : +15,2 %, à 4 800 € le m2, qui l’amène au-dessus de Saint- Georges (4 540 €) ou de Capitole (4 390 €). Loin, très loin des autres quartiers de la ville qui s’échelonnent entre 3 000 € (Patte d’Oie, Côte Pavée, Compans-Caffarelli) et 4000 € (Matabiau, Les Chalets ou Saint-Aubin). Les prix restant « médians, comme le rappelle le président de la Chambre des notaires, on a ainsi vu des prix au-delà de 6 000 € le m2 pour des hôtels particuliers. De manière générale, « ce qu’il y a de curieux, c’est que jusqu’il y a 10 ans, on était habitués à des évolutions harmonieuses : certes le centre-ville était atypique, mais tous les quartiers augmentaient ou baissaient dans les mêmes proportions. Aujourd’hui, il y a une vraie fracture entre les quartiers, qui grandit d’année en année. La donne immobilière a changé, et nous sommes sur de nouvelles problématiques, car tous les quartiers n’évoluent pas de la même façon désormais ».

Une évolution dont se saisiront, peut-être, les candidats à la faveur des prochaines élections municipales… Car en ligne de mire, c’est bien la question de « la mixité sociale » qui se pose, souligne Me Pailhès. « Le problème qu’on a, c’est qu’on a des quartiers où on l’impose, et d’autres, pas. Au Mirail, le marché immobilier est fermé : personne n’achète là-bas pour investir et louer un appartement. Ceux qui investissent font partie de la population locale », et donc achètent le bien qu’ils occupent déjà. Certes, la mairie de Toulouse dispose bien d’études sur la question. Mais comme le rappelle le notaire, on prête généralement plus d’attention à l’immobilier « quand il s’agit de la construction que de l’existant ».