Une série de concertations a débuté en France pour réformer les études de santé afin de pallier le manque de médecins et de ne plus laisser autant d’étudiants en situation d’échec. La ministre de l’Enseignement supérieur est venue lancer les débats à Reims.
Au titre des Régions Grand Est et Bourgogne-Franche Comté, Reims a accueilli la première réunion de concertation sur la réforme des études de santé, en présence de la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal. « C’est une réforme audacieuse et indispensable. Il faut réduire le taux d’échec, diversifier les profils, repenser la formation en lien fort avec les territoires et les universités pour lutter contre la désertification médicale qui touche notamment les Ardennes, l’Aube et la Haute-Marne », s’enthousiasme Guillaume Gellé, président de l’Université de Reims Champagne-Ardenne.
Comme le confirme la ministre, le projet de réforme répond donc à ce double défi : « La population demande de résoudre ses difficultés à obtenir un rendez-vous chez le médecin. Supprimer le numerus clausus (la régulation nationale du nombre de personnes admises) ne permettra pas une réponse rapide car nous payons le fait d’avoir formé deux à trois fois moins de médecin dans les années 90. Il faut former au plus près des besoins des territoires pour améliorer l’accès aux soins ». Cela signifie que l’URCA et l’Agence Régionale de Santé auront leur mot à dire sur le nombre d’étudiants formés en fonction de l’employabilité des professionnels. « Avec ce projet, ceux en provenance de zones en désertification médicale seront amenés à quitter moins longtemps leur territoire d’origine pour leur formation, ils pourront donc y revenir plus facilement », ajoute le président de l’Université.
ANTICIPER LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION ET LE RECOURS AU NUMÉRIQUE
Mais Frédérique Vidal ne se limite pas à la question du nombre de médecins formés et parle de « transformation globale du système de santé pour améliorer la prise en charge des patients ». L’enjeu est aussi de recruter autrement en anticipant les compétences dont la société aura besoin dans quinze ans, détaille-t-elle en faisant référence au vieillissement de la population, au développement des polypathologies et à la nécessité de renforcer les collaborations entre les professionnels. « Le numérique et les innovations thérapeutiques vont nécessiter de combiner plusieurs compétences », ajoute-t-elle.
CRÉATION D’UN PORTAIL SANTÉ
Concernant l’hécatombe actuelle en Première Année Commune aux Etudes de Santé (PACES) qui laisse sur le carreau plus de 80 % des étudiants, Frédérique Vidal précise ses objectifs : « Nous devons faire réussir les étudiants. Au lieu d’un système unique, nous devons créer des accès multiples avec plusieurs licences qui permettront de s’orienter vers un cursus santé ». Les compétences utiles pour les outils numériques comme celles améliorant la dimension humaine de la profession devront donc être valorisées. Cela signifie que des étudiants engagés dans des filières non médicales (mathématiques, sociologie…) pourront prendre une option, appelée « mineure santé », qui leur permettrait de poursuivre leur cursus dans le portail santé.
MOINS DE QCM, AJOUT D’UN ORAL
Concrètement, cette fameuse première année va donc laisser place à un premier cycle universitaire où les étudiants pourront continuer à évoluer vers différentes formations en fonction de leurs résultats. Il y aura donc toujours une sélection mais l’apprentissage des étudiants sera reconnu et leur permettra d’avancer, quitte à devoir s’orienter différemment. « Nous voulons sortir du tout QCM (Questionnaire à Choix Multiples) et intégrer un oral pour un nombre réduit d’étudiants admissibles », souhaite ainsi la ministre qui reconnaît que cela nécessitera des moyens supplémentaires sur le plan pédagogique, tout en pré- venant d’emblée que ceux-ci seront limités par les contraintes budgétaires.
Toutes ces pistes sont toutefois soumises à la concertation qui devra permettre au gouvernement de proposer son projet de loi en mars, avec un décret publiable avant l’été. Frédérique Vidal annonce son calendrier : « Dès la rentrée 2020, une évolution notable sera visible, même si la réforme ne sera pas pleinement opérationnelle ».
398 réussites en 2018 à l’URCA
Sur 1 254 étudiants inscrits en PACES (première année commune aux études de santé) à l’URCA en 2018 :
– 207 sont entrés en médecine
– 37 en odontologie
– 28 en sages-femmes
– 31 en kiné
– 80 en pharmacie
– 10 en ergothérapie
– 5 en psychomotricité
Ces chiffres sont liés au nombre de places ouvertes au numerus clausus. D’autres réussissent leur première année mais n’entrent pas dans le numérus clausus ils peuvent soit redoubler (une seule fois) soit se réorienter dans une autre formation.
Situation contrastée dans le Grand Est
Selon les chiffres de l’Agence Régionale de Santé sur les professionnels de santé libéraux, avec 5 174 médecins généralistes, la densité est de 93 praticiens pour 100 000 habitants dans le Grand Est, comparable à la moyenne nationale. En revanche, des disparités existent dans la région avec des territoires avec une densité inférieure (88 dans les Ardennes, 75 dans l’Aube), alors que la Marne (95) ou encore le Bas-Rhin (110) sont des départements mieux lotis. 30 % des médecins généralistes partiront en retraite dans les cinq ans à venir. La région dispose de moins de spécialistes (4 500, 81 pour 100 000 habitants) que le reste du pays (88). Même constat sur le nombre d’infirmiers (8 630, 155 pour 100 000 habitants contre 180 en France), les pédicures-podologues (878, 16 pour 100 000 ; 21 en France) et les orthophonistes (1 502, 27 pour 100 000 habitants contre 31 pour la moyenne nationale). Avec dans chaque cas une proportion moindre dans les Ardennes, l’Aube et la Haute-Marne. De même, si la région ne manque pas de chirurgiens dentistes (3 289, soit une densité de 59 pour 100 000 habitants supérieure à la France), ces départements sont eux moins bien lotis. Autre exemple avec l’ophtalmologie où la Marne compte 35 professionnels, soit autant que l’Aube (17), les Ardennes (10) et la Haute-Marne (8) réunis. Un quart de la population régionale sera âgée de 65 ans ou plus en 2030.
Plus de 8 % de la population de la région Grand Est résiderait dans une commune sous dense avec une situation de faible accessibilité aux soins.