Sans le champagne, la Marne souffre

Le taux de marge est nettement en retrait dans la Marne.

À la demande de la CCI, la Banque de France dresse un panorama peu enthousiasmant de l’économie marnaise, bien moins dynamique qu’il n’y paraît quand on retire l’importance du champagne.

Au premier regard, de nombreux indicateurs économiques sont positifs dans la Marne. Mais pour dresser un panorama plus précis du territoire, la Chambre de Commerce et d’Industrie a fait appel à l’expertise de la Banque de France. Le constat n’est malheureusement pas reluisant. Déjà car, même si l’évolution des chiffres d’affaires est de +2 % en 2017 et progresse depuis 2013, la Marne reste en retrait du Grand Est (+3,9 %) et de la moyenne nationale en province (+4,3 %). « 6 entreprises sur 10 ont enregistré une hausse de leur chiffre d’affaires en 2017 », nuance Nicolas Resseguier, le directeur départemental de la Banque de France.

Mais, dans le détail, les données illustrent surtout l’importance du champagne qui dope les résultats de l’ensemble. « Je suis très surpris, je pensais que la Marne était un département riche alors que nous sommes en dessous de la moyenne. J’imagine que la situation est pire dans les Ardennes, les Vosges ou la Meuse », s’inquiète même Jean-Paul Pageau, président de la CCI Marne qui insiste sur l’accompagnement apporté par la chambre consulaire pour soutenir les acteurs économiques et les aider à se développer ou à traverser les périodes difficiles.

Il faut dire que les faibles investissements placent la Marne en retrait par rapport aux moyennes régionale et nationale. Le taux d’investissement d’exploitation (par rapport à la valeur ajoutée) est de 14 % et, même avec le champagne, il ne monte qu’à 17 %, soit sept points de moins que dans le Grand Est. « 7 entreprises sur 10 n’ont pas investi en 2017 », complète Nicolas Resseguier, soit le même chiffre que celles qui ont réduit leur effectif cette année là. Avec un amortissement plus élevé des équipements et donc un degré d’obsolescence plus élevé que la moyenne.

Stable sur la période, le taux d’exportation directe (12 %) reste, sans le champagne, loin de la province (15,7 %) et du Grand Est (20,6 %). Ces faiblesses dans les investissements et l’exportation expliquent sans doute une rentabilité inférieure, bien qu’en progression sur ces dernières années. Même s’il progresse depuis 2013, le taux de valeur ajoutée (20,8 %) est en retrait et même l’ajout du champagne (17 %) ne parvient pas à rattraper le Grand Est et la province. En marge brute d’exploitation, le champagne permet à la Marne de caracoler en tête (7,6 %), mais, là encore, sans le roi des vins, ce chiffre tombe à 5 % (6,5 % dans le Grand Est). Autre indicateur défavorable bien qu’en amélioration, la part des entreprises déficitaires est de 21% dans la Marne (19% dans le Grand Est et en province), surtout dans le commerce et l’industrie. « Nous travaillons avec le tribunal de commerce pour mener des actions de prévention et soutenir les entrepreneurs », souligne cependant Jean- Paul Pageau.

DES BONNES NOUVELLES TOUT DE MÊME

De manière globale, en intégrant tout le panel de l’étude (lire encadré), les signaux positifs proviennent du taux de renouvellement des entreprises, à savoir la différence entre les créations et les défaillances dans la Marne (4,3), similaire à la moyenne de la France de province et même supérieure au Grand Est (3,2). « La tendance est positive avec des créations à la hausse et des défaillances à la baisse depuis 2013 », appuie Nicolas Resseguier.

Les cotations de la Banque de France sont satisfaisantes : « 62 % des entreprises bénéficient d’une cotation favorable ». Cela signifie que les banques commerciales peuvent emprunter à taux zéro auprès de l’institution pour répondre aux besoins de financement des entre- prises dont la situation financière est jugée saine.

Même hors champagne, « les structures financières sont solides (46 % de fonds propres sur le total du bilan) », soit quelques points de plus que la région (44 %) et la province (43 %). Le taux d’endettement est également maîtrisé (66 %) – « il est même supérieur en intégrant le champagne en raison du poids des stocks » – et affiche une stabilité sur la période. Pour ne pas se résigner, la Banque de France énumères quelques pistes d’actions qui peuvent dynamiser le territoire : pérenniser la vague de « jeunes pousses », favoriser les transmissions (« même si la pyramide des âges est assez équilibrée avec 16 % de chefs d’entreprise de plus de soixante ans »), mieux accompagner l’investissement et l’innovation… Autant d’éléments que devra aborder la future agence de développement économique marnaise, voulue par le Conseil régional, et dont la création annoncée mobilise les équipes de la CCI.

Un panel restreint
En terme de méthodologie, l’étude ne couvre ni les exploitants agricoles ni les auto-entrepreneurs, ni les banques, ni les services publics. Elle se base sur les entreprises dont le siège est implanté dans la Marne et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 000 €. Cela donne un panel de 13 000 sociétés, dont l’activité a été étudiée entre 2013 et 2017. « Nous avons coutume de dire que nos fichiers font encore plus notre richesse que l’or car nous avons des informations sur les entreprises, sur les banques et sur les particuliers », s’amuse Nicolas Resseguier, directeur départemental de la Banque de France.

Les artisans du bâtiment partenaires de la Banque de France
La Banque de France et la CAPEB Marne ont signé une convention pour mieux accompagner les artisans du bâtiment.

Forte de 700 entreprises représentant plus de 2500 salariés, la CAPEB Marne est en recherche constante de solutions pour améliorer la vie de ses ressortissants. D’où l’idée de signer une convention de partenariat avec la Banque de France pour faciliter l’accès à ses services Opale et Geode. « Opale consiste à faire un diagnostic de l’entreprise 100% en ligne tandis que Geode permet l’accompagnement plus en profondeur par un analyste financier. Cela lui apporte des éléments de comparaison avec son secteur d’activité et d’éventuelles pistes d’amélioration », souligne David Fouet, responsable de la cellule régionale des Services à l’Economie. Pour Dominique Hautem, président de la CAPEB Marne, ce partenariat avec les services de la Banque de France est un « plus » dont devront profiter ses ressortissants : « Les chefs d’entreprises ont de l’art dans les mains. Mais on leur demande aussi dans le cadre de leurs fonctions quotidiennes d’être commerciaux, gestionnaires, spécialistes des questions juridiques… C’est pourquoi ils sont souvent demandeurs de ce genre de services ». Des services qui bénéficient d’aides, puisque le dispositif Geode, utilisé par près de 200 entreprises marnaises chaque année, est pris en charge à 50% par la Région Grand Est.

B.B.

Nicolas Resseguier et Dominique Hautem.