« Sanou Koura », future mine d’or pour Donchery

Selon Michel Trabuc les déchets électroniques, regorgeant de métaux rares et précieux, seront récupérés et recyclés par Sanou Koura en 2022 sur la zone industrielle de Donchery.

En préparation depuis 2014, le projet « Sanou Koura » prévoit de valoriser les métaux contenus dans des cartes électroniques en fin de vie. Cette activité débouchera sur la création de 80 emplois à Donchery (Ardennes) après un investissement de 40 millions d’euros. 

Les cartes électroniques intégrées dans les appareils comme les téléphones portables, tablettes ou ordinateurs mis au rebut contiennent quantité de métaux dont le recyclage est de nature à faire économiser des coûts à l’industrie et des nuisances à l’environnement. C’est à partir de ce constat que Michel Trabuc, 64 ans, vieux routier de l’industrie des métaux, et son associé, Christian Thomas, polytechnicien et expert auprès de l’Ademe, planchent depuis 2014 sur l’extraction de ces richesses pas ou peu récupérées. C’est sous le nom de baptême de Sanou Koura, « la renaissance de l’or » en langue bambara, que Michel Trabuc prépare, pour fin 2021, l’implantation d’une activité de valorisation de métaux sur la zone industrielle de Donchery. 

Entièrement ficelé, le projet n’attend plus que l’obtention de l’ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) par le Préfet pour démarrer. Une procédure qui peut toutefois durer un an. 

« L’investissement, bâtiment compris, approchera les 40 millions d’euros. Le procédé comprend du broyage, de la séparation physique et tri magnétique, un four à pyrolise, un four tournant et de l’hydrométallurgie. À cela s’ajoute une partie échantillonnage et analyse plus, bien entendu, le traitement des gaz », précise Michel Trabuc. 

SIX ANNÉES DE RECHERCHES 

L’ancien de Metaleurop présente ainsi son « bébé » : « Sanou Koura est né d’un projet collaboratif organisé par TND Metal avec la collaboration de grandes unités de recherches comme le CNRS et plusieurs de ses laboratoires, le BRGM, le CEA, l’ICSM de Marcoule et l’institut Jean Lamour de Nancy. De ces années de recherches est sorti un procédé qui permet de traiter les cartes riches et les appareils nomades comme les portables, les appareils embarqués dans les voitures et les ordinateurs pour en extraire les métaux. L’avantage de cette technologie par rapport à celles déjà existantes, est qu’elle est dédiée, c’est-à-dire qu’elle peut traiter exclusivement ces matières. Autre avantage : en plus des métaux classiques comme l’or, l’argent, le palladium et le cuivre, on est aussi capables d’extraire des métaux que personne d’autre ne peut extraire : le tantale, l’étain, le cobalt et le nickel. Cela donne à notre entité un intérêt économique considérable. Nous sommes maintenant entrés dans la phase de levée de fonds avant de pouvoir construire cette usine et démarrer fin 2022 ».

80 PERSONNES RECRUTÉES D’ICI 2022 

Deuxième start-up incubée à Rimbaud Tech, Sanou Koura est donc l’aboutissement de plusieurs programmes de recherche. Lauréate des phases 1 et 2 du Concours mondial de l’innovation organisé par Bpi-France, cette technologie est déjà reconnue par les experts. Elle sera mise en œuvre dans les anciens bâtiments de l’usine Glaverbel, rachetés entretemps par Michaux. 

Sanou Koura s’emploiera à y collecter de façon industrielle les déchets d’équipement électriques et électroniques pour ensuite, traiter les cartes des appareils numériques en séparant et triant les différents trésors métalliques pour les extraire et récupérer toutes les matières qu’ils contiennent (or, argent, cuivre, tantale, palladium, étain, nickel, cobalt, indium) avant de les recycler en « mines urbaines ». 

Un exemple, en Europe, le tantale sert à l’aéronautique pour les alliages et aussi à l’électronique médicale : une tonne de cartes intégrées dans les smartphones dernier cri permet d’extraire jusqu’à 500 grammes d’or, 5 kg d’argent, 250 kg de cuivre et 9 kg de tantale. Mieux encore, d’après l’Ademe, la concentration en or des cartes électroniques est 40 fois plus forte que celle du minerai naturel ! Les cartes ainsi recyclées deviennent alors la matière première de la métallurgie extractive. Outre la production de métaux, ces anciens déchets permettront de produire une importante chaleur (8MW par an), ce qui permettra de chauffer le futur et proche centre d’insertion InSERRE, faire du séchage de bois en liaison avec une entreprise de Gue-d’Hossus tout en alimentant sept hectares de serres couvertes. Après avoir régularisé sa situation à la Drire pour exercer ce métier dans des conditions environnementales optimales, Sanou Koura (qui dégagera beaucoup moins de CO2, consommera moins d’eau et produira moins de déchets) sera totalement opérationelle pour démarrer son outil de production fin 2021. 

Avec l’objectif, sur un marché encore balbutiant, de se positionner comme un producteur important de métaux critiques ou stratégiques comme le tantale ou le cobalt. D’emblée, elle compte embaucher 80 personnes avant de monter à une centaine ensuite. Des lingots de récupération pourraient alors sortir de l’unité doncheroise fin 2022…