Valérie ArnacRévélatrice d’artisans d’art

Passionnée par les artisans d’art, la Toulousaine les accompagne et les valorise au quotidien à travers son entreprise L’Agent d’Artisans, créée en 2016.

Cette quinquagénaire qui œuvre aux côtés des artisans d’art pour valoriser leurs savoir-faire et développer leur activité, leur voue une passion depuis sa tendre enfance. Elle a passé une majeure partie de sa vie à les côtoyer. Aujourd’hui, elle révèle leur potentiel à travers sa société L’Agent d’Artisans fondée en 2016. Son objectif ? « Permettre aux artisans d’art d’optimiser leur temps et de se consacrer à leur métier pour créer de la valeur ajoutée. Je suis une boîte à outils qui répond à leur besoin de communication, de stratégie et de développement. Mon activité passe par la création d’image de marque, la protection juridique des créations, la réimplantation d’un atelier, la redéfinition et le déploiement de marchés, la stratégie de développement, etc. », détaille la fondatrice qui depuis le début de son activité a accompagné une quinzaine d’artisans établis sur l’ensemble de l’Hexagone, dont une majorité en Occitanie. « Avant de me lancer dans l’aventure et de revenir dans ce milieu, j’ai frappé aux portes des artisans d’art pour m’assurer de leurs besoins. Ils m’ont accueilli les bras ouverts. » Ennoblisseur textile, brodeur, dinandier, passementier, verrier, maître ébéniste ne sont que quelques exemples d’une longue liste de professionnels qui font appel à ses services. « Par exemple, j’accompagne actuellement un ébéniste d’art qui est compagnon du devoir. Nous planchons sur sa stratégie de développement car il vise un marché de niche tourné vers le sport. Cela demande de trouver des licences, ce qui est impossible à mettre en place en one shot. »

Parmi les 198 métiers d’art recensés actuellement par l’Institut national des métiers d’art, les problématiques rencontrées par les professionnels diffèrent d’une activité à l’autre. Cependant, sortir de l’ombre et impulser sa notoriété reste la plus grande embûche pour la plupart d’entre eux. « Ces professionnels n’ont pas besoin de briller mais de reconnaissance. Ils ont du mal à donner de la valeur à ce qu’ils font, à se créer une identité. Ils partent souvent tous azimuts donc mon objectif est de les canaliser. Ils seraient souvent prêts à travailler pour rien ! », assure celle qui défend ces magiciens de la matière « dotés d’une imagination débordante couplée à la maîtrise du geste ».

Cette révélation pour les artisans d’art, elle la tient de son grand-père maternel ébéniste d’art au cœur de la banlieue parisienne. Ses parents pris dans une vie professionnelle intense, elle évolue longuement dans cet univers « sa madeleine de Proust », vaquant à ses occupations tout en suivant du regard les gestes précis de son aïeul. Plus tard, débarquant à l’âge de 12 ans dans la Ville rose, elle retrouve, à chaque période de vacances scolaires, l’atmosphère de l’atelier et continue de forger des souvenirs passionnants. « J’avais seulement deux interdits : ne pas toucher aux machines, et ne pas franchir la salle des vernis », se souvient l’aînée de la famille. Elle qui avoue avoir « deux mains gauches » retient de ces instants quelques notions techniques et la beauté de l’art. À 18 ans, alors qu’elle passe son Bac, elle perd son grand-père, « un drame ». Si elle ne suit pas ses traces, c’est qu’à l’époque, l’artisanat est décrié, « une voie qu’on suit par défaut ». Elle intègre alors une fac de droit, sans grande conviction. « Je voulais m’orienter dans le commerce, mon dossier avait été retenu, mais mes parents n’ont pas voulu que je m’installe à Bordeaux ou à Paris ». Restée à Toulouse, elle décroche une licence en droit social et se frotte au monde du travail à 23 ans, particulièrement dans l’univers des assurances. Entre-temps, elle rencontre son futur mari, lui aussi un artisan d’art. Un coup de foudre qui bouleverse sa vie. « Ce fut un déclic. J’ai accompagné mon mari en parallèle de mon métier et je l’ai poussé à grands coups de pied à créer son entreprise à 25 ans. Je l’ai soutenu dans ses ambitions. C’était l’un des premiers à obtenir le titre de maître d’artisan avant de s’installer. Je l’ai encouragé à décrocher son diplôme car à l’époque cela restait encore confidentiel », explique-t-elle. Poussée par cette ambition, la jeune maman décide alors de franchir les portes de l’Institut supérieur des métiers afin d’œuvrer pour la reconnaissance de l’artisanat, de faire évoluer les parcours de formation et aussi de permettre la reconnaissance des conjoints. « Ma grand-mère s’est retrouvée en difficulté et a perdu son identité lors du décès de mon grand-père, car elle est restée toute sa vie dans l’ombre de son mari. C’est un fait que j’ai eu du mal à accepter ».

Au milieu des années 90, alors que l’artisanat peine à se frayer un chemin vers la reconnaissance sociale, les professionnels représentant pourtant la majorité des cotisants de France, Valérie Arnac met les bouchées doubles, bénévolement. « Je me déplaçais régulièrement à Paris pour collaborer avec l’Institut en interne. Je remontais les informations du terrain en vue de la reconnaissance des artisans et je m’occupais du volet de la protection sociale. J’ai mis en pratique toutes mes connaissances en droit. J’ai également mis en place le certificat de qualification professionnelle (CQP) assistant du dirigeant d’entreprise artisanale, ancêtre de la validation des acquis de l’expérience (VAE). À cette occasion, j’ai d’ailleurs rencontré Nicole Belloubet, alors rectrice de l’académie de Toulouse afin de lui présenter le référentiel d’activités et leur importance pour la vie de l’entreprise, notamment pour des postes supports. Aussi, j’ai planché sur la formation des accompagnants et la mise en place de structures en région pour les conjoints », détaille-t-elle. Une phase de vie écourtée.

Tandis que l’activité de boucherie de son mari va bon train, avec des franchises à la clé, la vie en décide autrement. À l’aube de la trentaine, Valérie Arnac subit un nouveau drame familial. Pendant trois ans, elle continue de piloter le projet que son mari avait entamé avant d’y mettre un terme. « Poursuivre n’avait plus de sens, c’était lui, le maître artisan. J’ai alors réfléchi à ce que je voulais vraiment et j’ai décidé de m’engager auprès des professionnels. » Elle complète alors son cursus initial par une formation dédiée à la communication et à la propriété intellectuelle en vue d’avoir plusieurs cordes à son arc. L’ensemble de ses savoirs s’imbrique alors pour mettre en musique ses convictions.

Depuis, elle tisse sa toile et s’appuie sur un réseau de partenaires, juristes, graphistes, webmasters, avocats, etc. pour proposer un service complet. D’ailleurs, au-delà de son bureau, elle a également ouvert un showroom baptisé La galerie, qu’elle inaugurera en fin d’année. « L’objectif est d’insprer les passants et qu’ils découvrent les œuvres et les métiers des artisans d’art. Trois professionnels dont je m’occupe seront exposés avant de laisser la place à d’autres régulièrement. L’erreur est de penser que les prix sont exorbitants alors qu’en réalité, ces objets ne sont pas forcément dédiés au marché de luxe », pointe la passionnée qui espère dupliquer son modèle. Du reste, la demande ne faiblit pas surtout pendant cette période de crise où les artisans ne veulent pas se retrouver genoux à terre. « Il y a eu une certaine prise de conscience ».

Aujourd’hui, ces métiers profitent d’un élan de reconnaissance à travers notamment des événements régionaux ou nationaux à succès, comme en témoignent les Journée européennes des métiers d’art et la biennale Révélations à Paris. La situation a « bien évolué par rapport à ce que j’ai connu, assure-t-elle. Mais il reste encore beaucoup à faire, notamment au niveau de l’enseignement. J’interviens dans les collèges, les lycées et les CFA pour présenter les métiers d’artisan d’art. Très peu de jeunes savent ce qu’il en est et sont persuadés qu’il s’agit d’être peintre ! Quand je leur explique, il y a alors une véritable écoute. Plutôt que de pousser des jeunes vers des études qui ne leur correspondent pas, pourquoi ne pas diriger certains vers cette filière, qui au-delà des préjugés, peut être bien rémunérée. Quand j’ai commencé, je disais que ces métiers seraient étudiés à l’université. Aujourd’hui, nous ne sommes plus à l’aire de la surconsommation, mais plutôt à celle de l’amour du travail bien fait et durable. Les métiers d’artisan d’art sont des métiers d’avenir. Ils font assurément partie de notre patrimoine culturel ». À quand une reconnaissance méritée ?

Parcours

1965 Naissance à Bagneux
1986 Décroche une licence en droit social à l’université de Toulouse et obtient un premier poste en développement commercial. Rencontre son premier mari, artisan d’art. Elle l’épaule pour l’obtention du titre de maître artisan et la création d’entreprise
1997 Intègre l’Institut supérieur des métiers (ISM) où elle planchera bénévolement sur la reconnaissance des artisans, celle des conjoints et sur la protection sociale. Réalise également une formation PNL et analyse transactionnelle
2003 Suit une formation continue en droit du travail
2016 Crée la société L’Agent d’Artisans