Romain LacailleRetour aux sources

Une fois titulaire de son BTS management de la restauration, Romain Lacaille s’est immédiatement exilé en Angleterre, persuadé que dans ce secteur d’activité, le savoir-faire français y serait plus facilement reconnu que dans son pays natal. C’est à Saint Alban, au nord de Londres, que le jeune homme pose ses valises en 2003. « Je pensais qu’il serait plus facile de prendre la direction d’un restaurant en Angleterre qu’en France où c’est plus compliqué pour les jeunes de faire leur place », livre-t-il. Dans ce pays relativement proche et néanmoins encore exotique pour un jeune rémois à l’époque, il fait ses armes et tisse peu à peu la toile d’un réseau qui façonnera sa carrière. « Fin 2005, j’ai rencontré un Français, Olivier Batel, qui était le directeur général de la société Classic Fine Foods, spécialisée dans la distribution d’ingrédients gastronomique et d’exception aux chefs du monde entier. Il m’a proposé un poste de commercial pour tous les restaurants de Londres », se souvient-il. Une deuxième expérience enrichissante qui lui permet de prendre un peu de hauteur par rapport à la restauration tout en y restant étroitement lié via la partie commerciale. « Grâce à ces produits de luxe alimentaire, j’ai franchi les portes des plus grands restaurants de Londres ».

RETOUR AU PAYS

Quatre ans plus tard, Romain Lacaille passe du côté sucré de la force commerciale et rejoint le groupe belge Barry Callebaut, spécialiste international du chocolat à destination des professionnels. Il y est recruté pour occuper les fonctions de Brand manager – responsable marketing de marque, en français dans le texte – pour l’Angleterre et l’Irlande. « Pendant deux ans, j’ai découvert la partie marketing et communication du métier », reconnaît-il. C’est au cours de cette période qu’il fait la rencontre de Marlon Abela, restaurateur et homme d’affaires britannique propriétaire de plusieurs restaurants étoilés à Londres et aux Etats-Unis. « Il m’a recruté pour travailler dans sa société, MARC Patisserie & Bakery, proposant des produits de pâtisserie et de boulangerie semi-artisanaux à destination des professionnels de la restauration dont certains étoilés Michelin à Londres. J’étais également chargé d’accompagner l’ouverture de ses magasins en Angleterre et du développement de sa marque aux Etats-Unis ».

En 2016, le jeune homme rentre au pays. Il intègre le Groupe Elior, spécialisé dans la restauration collective et les services en tant que Directeur d’exploitation Ile de France. C’est là que se concrétisent ses velléités entrepreneuriales : il créé Lacaille & Co, sa propre société de distribution de produits de qualité destinés aux professionnels de la restauration, basée à Gueux, près de Reims. « Notre métier c’est d’être sourceur, de trouver les produits d’exception qu’ils recherchent et de leur acheminer en temps et en heure. Notre credo c’est le luxe alimentaire dans les familles de la restauration (caviar, truffe, huile d’olive vierge, poutargue…) et de la boulangerie-pâtisserie (chocolat, vanille, fruits secs…) ». Depuis début 2019, Romain Lacaille s’est ainsi constitué un catalogue de 2500 produits issus de 7 pays.

RÉINVENTER SA FAÇON DE TRAVAILLER

Du catalogue à l’assiette, il n’y avait plus qu’un pas qu’il s’est décidé à franchir en octobre de la même année, en créant son propre restaurant. Baptisé Avarum, il le définit d’ailleurs plutôt comme un studio culinaire, auquel est accolée une petite épicerie. « Nous avons trouvé ce site, à Aÿ, au cœur de la Vallée de la Marne, qui se prête parfaitement à ce que nous voulions faire, à savoir mettre en avant nos produits, nous exprimer et donner un accès direct à nos produits à une clientèle de particuliers ».

Forcément, les dernières semaines ont amené Romain Lacaille à inventer une nouvelle façon de travailler. Du côté de son entreprise de distribution, dont tous les clients restaurateurs ou presque ont baissé le rideau mi-mars. « Nous avons fait face à une baisse de 90% de notre chiffre d’affaires, voire même 105% avec les clients qui ne paient pas », résume-t-il un brin fataliste. « En entreprise, nous savons qu’il faut toujours avoir deux ou trois mois de trésorerie d’avance pour se prémunir d’éventuels coups durs, mais comment prévoir une fermeture aussi brutale que celle du 16 mars ? »

Cependant, fort de son expérience à l’étranger, le chef d’entreprise rebondit immédiatement et s’attache à trouver des solutions, notamment en proposant de la vente à emporter peu après l’annonce du confinement. « C’était une période où nous nous posions déjà des questions puisque nous étions en ligne avec nos fournisseurs italiens qui avaient déjà fermé leurs portes. Nous avons donc lancé les livraisons de repas à domicile dès le 16 mars ». Des livraisons en Solex qui font le buzz sur les réseaux, d’autant que l’établissement d’Aÿ est alors un des rares à les proposer. « Cela a très bien fonctionné tout de suite. Nous avons alors rapidement développé ces livraisons vers Epernay, Reims et Châlons avec des partenaires ».

Face aux incertitudes qui pèsent encore sur le secteur de la restauration, Romain Lacaille commence déjà à revoir sa stratégie globale, en développement plus largement le e-commerce, par exemple. « Au niveau de l’accueil en restaurant, nous allons voir comment vont évoluer les protocoles sanitaires et les contraintes qui s’imposeront à nous. La sécurité sera bien évidemment la priorité. Quoi qu’il en soit nous allons monter en gamme sur la restauration, maintenir nos prestations bistronomiques sur le web et mettre en place une « dark kitchen » avec un menu spécifique en livraison. Avec la technologie et le packaging, je suis convaincu que l’on peut apporter de la qualité à domicile ».

Il envisage ainsi de faire évoluer son entreprise de distribution de produits, également à destination des particuliers, via un site web d’épicerie en ligne qui devrait ouvrir le 16 juin prochain. Avec un credo nouveau, dicté lui aussi par les événements récents, celui de la proximité.