Report des cotisations : un souffle pour les entreprises ?

Jean Dokhelar, directeur régional de l’Urssaf.

Afin d’aider les entreprises, fortement affectées par la crise, à relever la tête, l’Urssaf met en place des dispositifs pour accompagner une reprise progressive. Pour l’heure, 40 % d’entre elles ont ainsi pu bénéficier d’une bouffée d’oxygène.

Si les doutes planent sur la sphère économique et bien que Toulouse vient de basculer en zone d’alerte maximum, le tableau dressé par l’Urssaf Midi-Pyrénées, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 13 octobre à Toulouse, est cependant moins sombre qu’attendu.

Bien que le premier semestre 2020 se solde par une perte de 46 600 postes sur le territoire régional, soit l’équivalent de deux ans de création d’emplois, l’Occitanie reste dans le top 3 des régions qui résistent le mieux, derrière la Bretagne et les Pays de la Loire. Si ce chiffre est, sans conteste, bien révélateur du choc causé par le Covid-19, il aurait pu cependant être bien plus accablant. Sans un effort exceptionnel d’accompagnement des entreprises initié par l’État et l’organisme au profit d’une relance économique, une partie des 200 000 entreprises (dont 90% comptent moins de 10 salariés) et 400 000 travailleurs indépendants du territoire occitan aurait été vouée à une faillite certaine. « L’objectif n’est pas d’assommer encore plus les entreprises avec les cotisations courantes mais de les aider à maintenir leur activité », rappelle Jean Dokhelar, directeur régional de l’Urssaf.

1,5 MDÄDE COTISATIONS REPORTÉES EN OCCITANIE

Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement et l’Urssaf essaient de limiter les dégâts sur le tissu d’entreprises locales en mettant en œuvre plusieurs dispositifs. De fait, l’ensemble des mesures représente 1,5 Md€ d’avance de trésorerie en Occitanie dont 800 M€ en Midi-Pyrénées, le report des cotisations de la part des employeurs atteignant 12 % du total bénéficiant aux petites entreprises à hauteur de 60 %. Des clivages se creusent cependant entre les départements : en Haute-Garonne, 10,9% des cotisations ont été reportées soit 309 M€, alors que dans le département des Hautes-Pyrénées, le taux atteint 13,1% soit un montant total de 26 M€, touchant notamment le secteur du tourisme.

Les travailleurs indépendants, eux, ne sont pas en reste, bénéficiant d’un report automatique doublé de différentes aides. Le montant du report s’élève à 327 M€ en ex-région Midi-Pyrénées, principalement dans les départements de la Haute-Garonne, du Tarn et de l’Aveyron, qui concentrent plus de la moitié des cotisations reportées ; et à 631 M€ en Occitanie.

En marge, 5114 travailleurs indépendants en région ont également bénéficié d’aides financières personnalisées au titre de l’action sociale, d’un montant moyen de 671 €, soit une somme globale de 3,4 M€. En parallèle, l’aide automatique CPSTI RCI Covid-19 a été allouée à 132 610 bénéficiaires (artisans/commerçants et leurs conjoints collaborateurs) pour une enveloppe moyenne de 750 €.

Au total, 40 % des entreprises occitanes ont ainsi pu bénéficier d’une bouffée d’oxygène, qu’il s’agisse de report partiel ou total des cotisations du 15 mars au 31 août. Sans surprise, en Occitanie, l’hôtellerie-restauration (73 M€ de report), la construction (86 M€) et le commerce (134 M€) sont les secteurs qui ont subi de plein fouet l’impact de la crise, suivi de l’indus- trie et des services.

Cependant, le mois de septembre semble livrer de meilleurs indicateurs concernant les montants de cotisations collectées. « Les entreprises ont joué le jeu pour leurs cotisations sociales courantes. Par exemple, le taux de report en avril atteint 26%, en mai 13%, en juin, 8%, en juillet, 4%, en août 3% et en septembre, il n’est plus que 2,80%. Ce n’est pas si catastrophique », relève le directeur. Ainsi, une majorité des entreprises occitanes ont depuis le mois de septembre redressé la barre, sauf celles qui relèvent des secteurs dont l’activité demeure « empêchée », tels le monde du spectacle, les discothèques, les festivals, pour ne citer qu’eux.

ÉCHÉANCIERS AU CAS PAR CAS

Afin d’accompagner la relance économique, l’Urssaf mise sur des assouplissements jusqu’à 36 mois, du jamais vu. Depuis juillet, l’établissement prend contact avec les chefs d’entreprise de plus de 250 salariés afin de négocier des échéanciers au cas par cas. Concernant les plus petites structures, particulièrement impactées par la crise, elles peuvent bénéficier d’exonération de cotisations patronales sur la période de février à mai et d’une aide financière correspondant à 20 % de la masse salariale versée sur cette même période.

En outre, l’Urssaf propose un plan d’épurement sous forme d’échéancier. « L’idée est d’apporter une exonération et une aide aux paiements pour ces plus petites structures, majoritaires sur le territoire. Actuellement, nous fiabilisons le montant de la dette minorée afin de proposer un échéancier en fonction de leur situation. C’est la première fois que cette proposition relève de notre initiative. Ces échéanciers seront variables et progressifs à partir de décembre. Il est essentiel de s’adapter au rythme de la reprise.» Selon les estimations de l’établissement, 30 000 entreprises devraient faire appel à cette mesure, le sort des secteurs évoluant en permanence. « Si nous n’aidons pas les entreprises maintenant, nous ne le ferons jamais », martelle le directeur régional. Pour les entreprises dont l’activité demeure atone ou qui connaissent une reprise perturbée – d’autant plus avec les nouvelles mesures gouvernementales relatives au couvre-feux qui a démarré le 17 octobre, dans huit métropoles, dont Toulouse – des possibilités de report peuvent être mises en place. « Par exemple, nous pouvons trouver des solutions pour un restaurateur qui ne par- viendrait pas à maintenir son chiffre d’affaires en raison d’un couvre-feu.»

Par ailleurs, toutes les procédures forcées ont été stoppées. Seuls les contrôles classiques ont repris en septembre, en prenant en compte la réalité économique des entreprises. À l’échelle nationale, trois structures sur quatre sont considérées comme fragiles – la restauration en tête de classement, suivie de l’industrie du textile, de l’édition, des services sociaux culturels et sportifs et de l’industrie diverse – et ont ainsi vu leurs contrôles annulés ou poursuivis sans mise en recouvrement. Bien que la portion d’entreprises fragiles a diminué en septembre, deux secteurs restent néanmoins fortement affaiblis : les hôtels cafés restaurants et les centres socio-culturels et sportifs.

Le taux de reste à recouvrer par mois s’est néanmoins redressé en août, atteignant 3,6 % en Occitanie, contrairement à mars où il frôlait les 29 %. Un bond en avant qui signifie que même si les entreprises n’ont pour certaines pas encore recouvrer leur santé financière d’avant crise et restent dans l’expectative, avec de fortes disparités selon les secteurs, elles sembleraient avoir franchi le premier cap.

L’Urssaf, qui a encaissé en région 19,64 Mds€ en 2019, n’aurait ainsi perdu que 10% de sa trésorerie cette année, presque une anomalie par rapport à l’envergure de la crise.

La perte d’emploi dans le privé est moins tendue en Haute-Garonne

Le département semble le moins impacté, avec un recul de 1,1% sur un an.

L’Occitanie a perdu 46 000 postes salariés dans le secteur du privé au premier trimestre 2020. Au deuxième trimestre, marqué par la période de confinement, la masse salariale soumise à cotisations des employeurs du secteur privé s’est fortement contractée, en région comme au niveau national, en raison d’un recours massif au dispositif de chômage partiel. Fin juin, le recul de l’emploi salarié privé se limite toutefois à 0,9 % sur trois mois en région, en raison notamment d’un rebond de l’emploi intérimaire.

L’évolution annuelle des effectifs salariés est ainsi très disparate en région. Alors que le département de la Haute-Garonne semble moins touché, le tableau se noircit dans le département des Hautes-Pyrénées avec un recul annuel de 8,7%, soit une chute considérable notamment liée au secteur de tourisme en forte difficulté, suivi du Lot, deuxième département le plus impacté.

L’emploi salarié privé en Haute‐Garonne, lui, baisse ainsi de 0,4 % ces trois derniers mois après une chute de 1,8 % au trimestre précédent. Sur un an, l’emploi recule uniquement de 1,1 %. Hors intérim, l’emploi diminue de 1 % sur trois mois et se stabilise sur un an. Sur les trois derniers mois, l’emploi intérimaire a enregistré un rebond (+25,2 %) après avoir chuté au premier trimestre. En revanche, les effectifs du tertiaire hors intérim sont les plus touchés par cette baisse (‐1,2 %).

Les effectifs dans l’industrie poursuivent leur repli avec une baisse de 0,4 % sur les trois derniers mois. Enfin, l’emploi reste stable dans la construction après un recul de 0,2 % au premier trimestre. La masse salariale du département chute au total de 15,8 % ce trimestre et de 15,9 % sur un an, selon une étude menée par l’Urssaf.