Rentrée 2020 : la culture se déconfine

Entreprise à L’Arc au Creusot-Monceau.

Le secteur culturel qui représentait plus de 2% du PIB français et un chiffre d’affaires de 97 milliards d’euros avant la pandémie de Covid-19, a été l’un des premiers touchés par les mesures sanitaires mises en place. En juin, lorsqu’il était encore ministre de la Culture, Frank Riester, avait d’ailleurs déclaré dans une tribune parue dans la revue allemande Politk und Kultur : « Le monde de la culture subit encore aujourd’hui les effets d’une crise qui sera plus durable et plus profonde que pour beaucoup d’autres secteurs ».

Et pour cause ! En plus d’avoir dû faire face à un arrêt brutal de leur activité, les acteurs du secteur se sont longuement estimés être les grands oubliés des annonces gouvernementales. Annulations des festivals de l’été, limitation du nombre de représentations et de l’affluence par salle, mesures de distanciation sociale, reprise des activités de production et de répétition limitée par l’application des gestes barrière ou encore crainte du public, la culture organise tant bien que mal sa reprise. « On nous a autorisé à rouvrir le 2 juin sauf que quand tout a été annulé, on ne relance pas une programmation en claquant des doigts. Il faut savoir qu’on travaille au moins un an à l’avance sur les saisons à venir », confie Hortense Bourguignon, directrice de l’Écrin à Talant. Christine Martin, adjointe au maire de Dijon en charge de la culture, confirme : « Depuis mars, le secteur culturel est à l’arrêt avec un mécanisme de reprise assez complexe notamment pour le spectacle vivant ». Par ailleurs, les annonces du Premier ministre le 27 août dernier à l’antenne de France Inter, à savoir la systématisation du port du masque dans les cinémas et les théâtres, l’abandon (partiel) de la distanciation entre les groupes de spectateurs sauf dans les zones où le virus circule activement et surtout, la dotation exceptionnelle de deux milliards d’euros sur les 100 milliards du plan de relance, sont loin d’avoir définitivement rassuré les acteurs de la culture.

Pourtant, Jean Castex l’a promis : « Si les règles sanitaires imposées aux professionnels du spectacle ne leur permettent pas d’atteindre l’équilibre économique, il nous faudra compenser l’écart entre les recettes issues des contraintes sanitaires, et ce qui aurait été leur point d’équilibre ».

Après des mois de rideau baissé, le monde culturel s’apprête donc à faire une rentrée masquée et pleine d’incertitudes. « Est-ce que le public est prêt à se rendre dans des lieux de spectacle ? On nous promet une deuxième vague, le public a peur », s’interroge Émilie Nowacki, chargée de communication du centre de culture et de congrès, L’Embarcadère, à Montceau-les-Mines. « Nous avons beaucoup d’incertitudes car il n’y a pas forcément de ligne directrice claire de la part des autorités. Comment peut-on ouvrir le Puy du Fou à 9.000 spectateurs et annuler des festivals de l’été qui font vivre de nombreux acteurs et génèrent des retombées économiques sur le territoire qui les accueille ? Ce manque de clarté nous fait effectivement craindre l’avenir », examine Léo Lachambre, adjoint au maire de Chenôve, délégué à la culture, à l’éducation populaire et au numérique pour tous. « Nous sommes dans le flou, assure Émilie Nowacki. Nous faisons régulièrement le point avec d’autres salles de la communauté urbaine mais la grande question c’est : est-ce que le spectacle vivant va survivre ? ». Comment attirer à nouveau les spectateurs, comment garantir la sécurité sanitaire ? « Jusqu’où peut-on perdre de l’argent ? Jusqu’où les artistes ont-ils envie de jouer dans une salle sans public ? », interroge encore Christine Martin. « Certains artistes ne veulent même pas se déplacer pour jouer devant 350 personnes. Il y a donc aussi des incertitudes sur la programmation de la saison culturelle », estime Léo Lachambre. Bref, les questionnements qui taraudent les acteurs culturels depuis le début de la pandémie sont multiples et semblent loin de s’apaiser.

DES FERMETURES DE SALLES TRAUMATISANTES

Bien avant que les écoles soient dans l’obligation de fermer et que le confinement soit mis en place, les rassemblements de plus de 5.000, 1.000 voire 100 puis 50 personnes étaient interdits provoquant des annulations de spectacles en cascade et engendrant des pertes de billetterie considérables. Si en temps normal le spectacle vivant correspond à 60.000 dates par an, 30 millions de spectateurs et 150.000 emplois générant près de cinq milliards d’euros, les mesures sanitaires prises pour lutter contre la propagation du coronavirus risquent de durablement fragiliser le secteur culturel. Une hypothèse que l’enquête menée par le ministère de la Culture en collaboration avec le cabinet Accenture quelques jours après le début du confinement semble confirmer. Réalisée auprès de 7.800 acteurs de la culture pour évaluer l’étendue des pertes financières et les conséquences du confinement à court et moyen terme sur l’emploi, l’enquête met effectivement en évidence une baisse moyenne de chiffre d’affaires de 25 % en 2020 par rapport à 2019 (22,3 milliards d’euros). Toujours d’après cette enquête, c’est sur le secteur du spectacle vivant que l’impact sera le plus important avec une perte de 72 % de son chiffre d’affaires contre 31 % pour les arts visuels.

Au-delà de l’aspect financier, la mise à l’arrêt des lieux culturels a provoqué une onde de choc chez les acteurs du secteur. Ces derniers, pour la plupart, ont très mal vécu le confinement et le silence du gouvernement.

« Le 14 mars, jour de l’annonce d’Édouard Philippe, nous aurions dû fêter notre première année d’ouverture. Un spectacle était prévu le samedi soir mais j’ai dû l’annuler le matin même suite aux directives gouvernementales sur l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes. Tout s’est enchaîné très vite, c’est d’ailleurs le gros problème de cette crise : personne, dans quelque secteur que ce soit, n’a rien pu prévoir », explique Hortense Bourguignon (L’Écrin). Elle ajoute : « Au début, j’avais maintenu les dates du mois de juin mais lorsque le confinement a été prolongé, j’ai finalement tout annulé. Tout a été bousculé ». « Quand on a appris la fermeture de nos établissements, il y a d’abord eu un temps de sidération. On a dû encaisser l’information puisque nous étions tous très choqués par cet évènement », raconte Christian Duchange, directeur artistique de La Minoterie à Dijon. L’annonce du confinement a également ébranlé les équipes du Dancing CDCN Art Danse : « Ça n’a pas été facile à encaisser car l’annonce du Premier ministre est survenue le jour même de l’ouverture du festival Art Danse qui devait se dérouler du 14 mars au 18 avril. Cette édition, portée par une nouvelle équipe, devait avoir lieu pour la première fois au printemps et non en début d’année comme habituellement. Il y avait donc beaucoup d’enjeux qui ont été stoppés net en raison de ce confinement ». Pour Benoît Lambert, metteur en scène et directeur du Théâtre Dijon Bourgogne, « l’annonce du confinement a été brutale et rapide. Le jeudi 12 mars, on commençait à se dire entre nous que ça allait être difficile de maintenir les spectacles avec la jauge maximale de 100 personnes et le 14, on annulait tout… Soudainement, on devait tout fermer, mettre l’équipe en télétravail, gérer les annulations sans savoir quand on allait reprendre ». Pour l’Opéra de Dijon, le confinement et l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes se sont également soldés par des pertes : « La crise sanitaire nous a conduit à annuler les concerts. Il faut savoir qu’une saison normale se déroule habituellement de septembre à juin. L’impact est donc colossal. D’autant plus que nous avions des spectacles très attendus comme Macbeth qui était complet », indique Emmanuelle Ansaldi, déléguée au mécénat et aux partenariats entreprises.

D’autres encore ont eu le sentiment d’être abandonnés : « Pendant toute la période de confinement, nous avons ressenti de vives incertitudes car il n’y avait pas d’annonces particulières de la part de notre ministre de tutelle, c’est-à-dire le ministre de la Culture. On a eu très peu d’informations jusqu’à la fin mai où il nous a été permis d’ouvrir via un protocole sanitaire très lourd », confie Léo Lachambre (ville de Chenôve). « La principale difficulté pour les acteurs du secteur culturel, c’est de ne pas avoir de vision précise sur l’avenir », poursuit Christine Martin (ville de Dijon). Natan Jannaud, directeur de la plateforme de cirque contemporain, CirQ’ônflex a lui eu l’impression d’avoir été « fauché en début d’envol car notre festival était prévu pour début avril. À l’origine, nous pensions rouvrir en mai ou juin mais la crise a perduré dans le temps. Nous avons aussi dû prendre en compte les premières difficultés économiques dans l’urgence. On a improvisé. Le but était d’éviter le pire. On a donc saisi les opportunités offertes par les collectivités et l’État pour passer la tempête ».

UN GOUVERNEMENT QUI N’A CESSÉ D’ATERMOYER

« Il nous est pour l’instant difficile d’être exhaustifs sur l’impact de la pandémie de coronavirus sur le monde culturel », témoigne Christine Martin. Selon elle, le paysage économique devrait subir de profondes modifications à la fin de l’année ainsi qu’en 2021. « On voit déjà les résultats de cette crise sanitaire à l’échelle mondiale et nous sommes dans une économie mondialisée… », observe-t-elle.

En juillet, Léo Lachambre (ville de Chenôve) faisait état d’une certaine lassitude partagée par l’ensemble de ses pairs : « Le paysage culturel est pétrifié car il y a zéro perspective à court, moyen et long termes. L’écosystème de la culture est très touché. La culture ne se résume pas qu’aux intermittents : les artistes en dehors du spectacle vivant sont en grande difficulté. Il faudra plusieurs mois pour que le réel impact de la crise se fasse ressentir ». « C’est d’autant plus difficile pour nous qui n‘avons pas fait une saison culturelle complète puisque le confinement s’est présenté à peine un an après l’ouverture de L’Écrin.

La salle commençait en effet à s’ancrer dans le paysage culturel de la région avec un très bon démarrage puisque nous avions un taux de remplissage de 80%. On a donc l’impression de repartir de zéro », se désole Hortense Bourguignon avant d’ajouter : « Le secteur culturel va être impacté pour toute la saison 2020-2021. Les conséquences vont au-delà des trois mois de confinement. Le gouvernement a annoncé une année blanche pour les intermittents du spectacle, c’est bien la preuve que ça ne redémarrera pas tout de suite ». Comme beaucoup d’acteurs du secteur, Frédéric Seguette (Dancing CDCN Art Danse) regrette « l’absence de parole et d’engagement des responsables politiques. On a attendu trop longuement que la culture soit au cœur des discours. La place de l’art dans nos sociétés a en effet été occultée par nos dirigeants. Jusqu’à la fin du mois d’août, nous avons été les grands oubliés des annonces ». Natan Jannaud (CirQ’Ônflex) réprouve également l’absence de communication concernant le secteur culturel : « On est en suspens. On a tout entendu et son contraire ».

Dans l’expectative lui aussi, Simon Lépine, chargé de communication et graphiste de l’Association bourguignonne culturelle (ABC), confie avoir attendu le plus tard possible pour lancer la billetterie. « On s’est dit qu’on affinerait en fonction de la situation », lâche-t-il, impuissant.

Frédéric Seguette souligne : « Cela dit, la région ou encore la ville de Dijon nous ont rapidement donné des nouvelles rassurantes sur le maintien des subventions ». Christine Martin à la ville de Dijon confirme : « La ville a maintenu toutes ses subventions qu’il s’agisse d’évènements reportés ou annulés. Nous avons essayé de jouer le jeu du report le plus possible. L’enjeu était de ne pas pénaliser la filière culturelle pour lui permettre de passer le cap ». « Quoiqu’il arrive, l’accueil est notre cœur de métier. Nous avons envie de relancer la machine dans des conditions autant normales que possible », résume Émilie Nowacki (L’Embarcadère).

L’ART DE L’ADAPTATION

Passé l’anéantissement, tous ont dû organiser un nouveau fonctionnement, à distance, pour notamment compenser la disparition brutale de l’offre culturelle et maintenir le lien avec les publics. « L’idée était de traverser cette période difficile avec le public on a donc très vite mis en place des initiatives comme le fait de lire des histoires aux enfants par téléphone » expose le directeur de La Minoterie. Pour lui notamment, les métiers de la création sont synonymes de compromis : « Il nous faut saisir l’obstacle pour redonner aux spectateurs la capacité d’imaginer, d’être créatifs, solidaires et combatifs.Virus ou pas, notre métier c’est de partager avec le public ». Un sentiment partagé par Frédéric Seguette (Dancing CDCN Art Danse) : « Le confinement a été l’occasion d’innover, de développer de nouvelles façons de travailler puisque nous avons notamment élaboré des rencontres entre artistes et public ou encore des ateliers en visioconférence. Le confinement a ouvert de nouvelles pistes comme notre bal confiné qui consistait en un workshop de création s’étalant sur 36 heures non-stop, du jeudi midi au vendredi soir ».

Seulement, la culture à distance ou « à la maison », largement encouragée par le hashtag #CultureChezNous lancé par le ministère de la Culture et plus que bienvenue au moment du confinement, ne peut pas indéfiniment laisser les professionnels de la culture en télétravail ni se substituer aux fondamentaux du spectacle vivant. À savoir une rencontre entre des artistes, un public, des échanges et des sensations collectivement partagées. « Lors de ce confinement tellement inédit, on s’est beaucoup parlé, on a vu beaucoup de choses mais il manquait la dimension humaine de nos métiers. Une salle de spectacle permet de partager des émotions ensemble », insiste Cécile Bertin, directrice de l’Arc au Creusot. Annoncée fin août, la fin de la distanciation physique dans les salles de spectacles, sous certaines conditions, devrait donner une bouffée d’oxygène aux acteurs du secteur. Ces derniers éprouvent néanmoins des difficultés à s’organiser en fonction des contraintes sanitaires. « L’enjeu est de continuer à proposer au public des spectacles dans les meilleures conditions possibles », revendique Emmanuelle Ansaldi (Opéra de Dijon).

UNE ORGANISATION AU JOUR LE JOUR

« On sait que la pandémie va évoluer. On a maintenu la programmation et on s’adaptera en fonction des consignes. On envisage par exemple de proposer deux représentations plutôt qu’une seule si la demi-jauge est maintenue. Évidemment, cela nécessitera des coûts supplémentaires qu’ils soient humains avec l’augmentation de l’activité, matériels avec la mise en place d’un protocole sanitaire spécifique ou encore en termes de communication pour informer sur les reports. À long terme, cela peut réellement peser sur notre structure puisque nous sommes un des plus petits CDCN de France », s’inquiète Frédéric Seguette (Dancing CDCN Art Danse). Face au doute, les professionnels du secteur misent sur d’éventuelles solutions de repli. C’est par exemple le cas de la Minoterie. Son directeur artistique, Christian Duchange explique en effet avoir « créé deux chemins de saison. En cas de reconfinement ou de durcissement des contraintes sanitaires, on a imaginé une occasion de travailler avec le public autrement. Nous avons travaillé sur des formes corona-compatibles, pensé à un plan A et un plan B en même temps, aux différents cas de figure, aux hypothèses qui s’offraient à nous, bref, cette crise est sans aucun doute l’occasion de se surpasser, d’être plus forts que l’obstacle ». Parmi les autres exemples d’adaptations covid-compatibles, le Dancing CDCN Art Danse envisage par exemple de « développer la danse dans l’espace public qui présente moins de contraintes que dans les lieux clos ».

Et d’un point de vue sanitaire ? « Au niveau de la sécurité, on se tient au courant des dernières directives gouvernementales. Nous avons pour l’instant prévu de rouvrir en demi-jauge, d’installer des bornes de gel hydroalcoolique à l’entrée de L’Écrin et des salles, des plexiglas ont été montés à la billetterie et les vestiaires seront fermés. La principale difficulté c’est que nous ne pouvons pas anticiper le placement des spectateurs dans le cas d’une distanciation sociale à respecter puisque nous ne séparons pas les personnes qui viennent ensemble. Les visiteurs sont donc placés à leur arrivée ce qui pourrait nous obliger à recruter du personnel supplémentaire. Cela va forcément générer des frais en plus. D’autant plus que nous sommes certains de ne pas réussir à remplir les salles cet automne. Dans le secteur, on observe que la vente de places est très faible pour la fin 2020. Les gens se projettent davantage sur l’année 2021 », exprime Hortense Bourguignon (L’Écrin). « Nous préférons assurer la sérénité au public en gardant les demi-jauges. Cela nous évitera, par la même occasion, de devoir décommander des réservations en cas d’évolution de la situation sanitaire, argumente Cécile Bertin (L’Arc). On prend donc toutes les mesures pour accueillir le public sans qu’il ait à s’inquiéter. Tout sera mis en place pour que les spectateurs repartent sans virus en plus mais avec des étoiles plein les yeux ». Le Théâtre Dijon Bourgogne s’apprête à reprendre dans une confusion que dénonce Benoît Lambert (TDB) : « Nos doutes concernent principalement les conditions sanitaires dans lesquelles on pourra jouer cette saison. On a bien compris que le public serait masqué pendant un bon moment ».

PUBLIC : VIENDRA, VIENDRA PAS ?

Masqués, distanciés ou pas. L’autre grande inconnue concerne la venue ou non des spectateurs qui peut être freinée par la crainte du coronavirus ou tout simplement, par une baisse du pouvoir d’achat. « Je ne pense pas qu’on retrouvera 100 % du public habituel », désespère Natan Jannaud (CirQ’ônflex). « On s’attend à avoir moins de monde dans nos salles », flaire Benoît Lambert (TDB). « Même si cette reprise est calme, le dynamisme appelle le dynamisme. Les spectateurs ont peur du virus, d’une deuxième vague. Ils hésitent à revenir car nous sommes un lieu clos. Le but est de tout faire pour les rassurer », assure Hortense Bourguignon (L’Écrin). « Il faut rester optimiste, on a envie d’y croire et de ne pas trop se laisser atteindre par les prévisions alarmistes. On souhaite ardemment que les choses redeviennent aussi normales que possible même avec le respect des consignes sanitaires. Les publics auront sans doute envie de vivre sans crainte du virus et des lendemains économiques et fréquenteront les lieux de spectacles. C’est la raison pour laquelle nous avons une politique extrêmement incitative sur les prix des spectacles. Le dispositif de carte culture est notamment reconduit pour permettre aux étudiants de bénéficier de tarifs très avantageux », fait savoir l’adjointe au maire de Dijon en charge de la culture. « Psychologiquement, on peut comprendre les craintes du public car nous sommes les premiers lieux à avoir fermé et les derniers à rouvrir. Je pense que le premier pas sera compliqué mais le lien et la confiance qui se construisent autour de la culture reviendront
rapidement. Revenir au théâtre, fréquenter à nouveau les lieux culturels, c’est aussi un engagement politique fort car il y a eu une crise sanitaire qui entraînera probablement une crise économique et avec elle, une crise politique. Pourtant la culture a toujours été un rempart à tous les populismes. On remarque d’ailleurs que nos mécènes, principalement des chefs d’entreprises, nous encouragent à tenir le coup pour éviter que notre pays ne sombre dans ses heures les plus sombres
», revendique Nicolas Royer, directeur de l’Espace des Arts à Chalon-sur-Saône. Léo Lacambre (ville de Chenôve) conclut : « Il y a eu le déconfinement physique, maintenant il faut passer au déconfinement des esprits. Il est important que le cœur de la culture puisse rebattre à nouveau ».

UNE SAISON EXCEPTIONNELLEMENT DENSE

Tous s’accordent sur un point : la saison 2020-2021 sera riche compte tenu des nombreux reports. « La saison va être énorme avec beaucoup plus de levées de rideaux que d’habitude », glisse Simon Lépine (ABC). Parmi les temps forts de la saison, Le Paradoxe de Georges qui se déroulera du 22 au 25 septembre sur six représentations au jardin de l’Arquebuse à Dijon dans un camion chapiteau. « Yann Frisch est un magicien multiprimé. Il est en effet cham ion du monde de close-up également appelé magie de proximité, qui consiste à produire les numéros tout près des spectateurs. Les magiciens de close-up proposent généralement leurs prestations lors de dîners mondains ou dans certains cabarets. Pour leurs numéros, ils utilisent de petits objets tels que des cartes, des pièces de monnaie ou encore des balles. Son spectacle Le Paradoxe de Georges est un hommage aux maîtres de la magie de proximité », présente Simon Lépine. Du côté de l’Opéra de Dijon, le public pourra découvrir pour la première fois en France, Görge le rêveur de Zemlinsky ou encore Le Palais enchanté de Rossi qui « impressionne par la grandeur du défi technique qu’il constitue en réunissant beaucoup de solistes. La programmation est très attendue. Pour preuve, l’ouverture de la billetterie a démarré assez fort », souffle Emmanuelle Ansaldi. Au Creusot, les « dimanches des familles », inviteront le public à passer la journée à L’Arc. « On promet des spectacles, des ateliers ou encore des performances dansées, bref ce seront des dimanches de surprise », programme Cécile Bertin, directrice. Le premier spectacle de L’Embarcadère à Montceau-les-Mines est lui prévu le 25 septembre dans le cadre du festival Tango Swing et bretelles. Pour ouvrir la saison, le Théâtre Dijon Bourgogne opte pour Oblomov. Ce dernier, héros singulier du roman d’Ivan Gontcharov, ne veut pas travailler, refuse même de sortir de chez lui. Il passe sa vie à dormir ou à contempler le temps qui passe, incapable d’agir. « C’est un symbole assez fort de rouvrir la saison avec cette fable qui fait allusion au confinement que nous venons tous de vivre », concède Benoît Lambert.

À son tour, CirQ’ônflex donne rendez-vous au public les 9 et 10 septembre pour découvrir la compagnie belge Be flat composée de deux acrobates urbains. Ces derniers inviteront le public à les suivre lors d’une déambulation acrobatique et théâtrale au sein du quartier de la Fontaine d’Ouche. Bref, l’automne sera dense mais aussi danse puisque le Dancing CDCN Art Danse proposera son festival Art Danse, initialement prévu au printemps ainsi que le festival Entre Cour et Jardins qui s’étendra cette année sur trois week-end dans le Jura.

Parmi les autres temps forts à venir, le Fantastic Picnic (13 septembre). C’est la première année que le MuséoParc Alésia y participe. « Le public sera accueilli sur les vestiges pour une balade botanique à la découverte des plantes de l’oppidum le matin, suivie d’une dégustation de produits de la région le midi. Des jeux gallo-romains seront ensuite proposés dans l’après-midi. Tout se déroulera en plein air donc c’est tout à fait covid-compatible », annonce Michel Rouger, directeur général.

Une semaine plus tard, le public aura la joie de retrouver le MuséoParc à l’occasion des Journées européennes du patrimoine (les 19 et 20 septembre). Un programme varié autour de l’exposition temporaire « Dans les cuisines d’Alésia », a savamment été concocté pour l’occasion. « À ce jour, les Journées européennes du patrimoine ne sont pas annulées. On maintient donc ce qu’on avait prévu pour ces dates-là. Il faut savoir que cet évènement nous permet d’accueillir 1.000 personnes sur un week-end. C’est d’ailleurs la gratuité pratiquée lors de ces journées qui nous permet de toucher un nouveau public. Nous sommes rodés sur le plan sanitaire pour accueillir autant de personnes. » Pour mettre l’eau à la bouche, sont prévus un concert d’assiettes, une animation autour de la cuisine avec une artiste et plein d’autres surprises…


BESANÇON : « LIVRES DANS LA BOUCLE » S’AJUSTE

Le festival littéraire qui se déroule tous les ans en septembre dans la capitale comtoise, aura bien lieu. « Cette année, compte tenu de la situation sanitaire, bon nombre d’évènements ont dû être repensés », indique Anne Vignot, présidente de Grand Besançon Métropole, organisateur de l’évènement. Adaptation oblige, l’évènement aura lieu sur trois week-end. « Je sais combien Livres dans la Boucle est une manifestation attendue. Aussi, malgré les circonstances, nous sommes restés combatifs pour proposer une édition réinventée, foisonnante de qualité », a-t-elle ajouté lors de la conférence de présentation à la presse, le mercredi 1er septembre. Au total, 180 auteurs et une soixantaine de rencontres, lectures, créations littéraires et musicales sont au programme de cette cinquième édition. « Cette nouvelle formule du festival, éclatée dans le temps, avec des espaces de dédicaces répartis sur plusieurs sites et des rencontres accessibles sur réservation, a été imaginée pour éviter tout rassemblement massif. »

Du 18 septembre au 4 octobre à Besançon. livresdanslaboucle.fr


La confection de masques à l’Espace des Arts pendant le confinement.
Cabaret sous les balcons, un spectacle créé pendant le confinement garantissant le strict respect des gestes barrière.

« L’Espace des Arts n’a jamais été vide,rassure Nicolas Royer, directeur de l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône. Dès les premières semaines, nous nous sommes mobilisés. L’idée était d’être un théâtre citoyen, de se rendre utiles. Nous sommes un service public de la culture et il nous a semblé naturel de participer à cette solidarité. Avec le concours de notre costumière habilleuse, nous avons donc fabriqué 1.400 masques destinés au personnel de la communauté d’agglomération ». Pendant le confinement le bâtiment proche du centre hospitalier de la ville et doté de chambres habituellement destinées aux artistes en résidence, a également été mis à la disposition des soignants. Plus encore, c’est à l’Espace des Arts qu’a été répété le spectacle Cabaret sous les balcons, s’adressant aux résidents des Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ephad). L’idée est venue de Léna Bréban, metteuse en scène, comédienne et chanteuse qui avait à cœur de redonner le sourire aux résidents, privés de leurs proches en raison des mesures sanitaires. « Elle a réuni plusieurs artistes de cabaret burlesque, lesquels ont élaboré les numéros à distance, en visio, du fait du confinement. Puis ils ont répété à l’Espace des Arts quand cela a pu être possible », raconte-t-il. La première a eu lieu le 20 mai « Aux sept fontaines », un Ephad à Givry (Saône-et-Loire) et depuis, le spectacle tourne dans tous les Ephad du département et pourrait être amené à s’étendre à d’autres publics.

UN SPECTACLE RELAYÉ PAR LE NEW YORK TIMES

D’ailleurs, le spectacle comporte des numéros sur le virus et les gestes barrière qui sont, de surcroît, respectés par les comédiens sur scène et en coulisses. Une véritable prouesse. « Le spectacle rencontre un vif succès et a bénéficié d’un puissant engouement médiatique à tel point que le NY Times s’est rendu sur place », se félicite le directeur de l’Espace des Arts.

DE CENTRE CULTUREL À CENTRE COVID

À Montceau-les-Mines, L’Embarcadère a également été mobilisé pendant le confinement. Le site a en effet été réquisitionné par la municipalité et le centre de santé du département pour devenir un centre Covid provisoire.

« L’Embarcadère est alors devenu une structure de consultation pour les patients présentant des symptômes du coronavirus lesquels étaient soit orientés par leur médecin traitant, soit par le centre 15, se souvient Émilie Nowacki, chargée de communication. L’Embarcadère est un espace très vaste, pouvant accueillir jusqu’à 900 places. Le lieu était donc idéal pour la distanciation. »


MÉCÉNAT CULTUREL ET RECETTES PRIVÉES VERSUS SUBVENTIONS PUBLIQUES

Activités à l’arrêt, recettes au point mort… La pandémie de Covid-19 a plongé dans une crise financière le monde culturel qui risque de ne pas tenir le coup sans le soutien des subventions publiques. À l’heure où ces lignes ont été écrites, le secteur privé de la culture attendait encore l’affectation du plan d’aide de deux milliards d’euros annoncé par le Premier ministre Jean Castex. Concernant le secteur public, les subventions semblent être la condition sine qua non pour amortir le choc de la crise. Selon Benoît Lambert (Théâtre Dijon Bourgogne), « la crise a justement montré la robustesse du service public qui est relativement moins soumis à l’aléa de la demande puisque celle-ci est couverte par les subventions. C’est là qu’on voit que le système public est vertueux à l’inverse des systèmes avec billetterie et mécénat qui sont très fragiles ».

« QUAND ON ÉCONOMISE SUR LA CULTURE, ON FAIT DES ÉCONOMIES DE BOUTS DE CHANDELLES »

Il développe : « De mon point de vue, si on veut que les activités culturelles soit démocratisées, celles-ci ne doivent pas trop dépendre de la ressource privée. Dans une situation exceptionnelle comme celle que nous vivons, on ne fait rien sans intervention publique. La mesure forte qu’a été la prise en charge du chômage partiel par l’État en est l’exemple. Nous vivons dans des pays riches qui peuvent absorber ces crises. L’État a les moyens de faire face. La crise ne doit justement pas être un argument pour baisser les crédits de la culture. Quand on économise sur la culture, on fait des économies de bouts de chandelles et les économies sur la culture finissent toujours par coûter très cher.

En ce qui concerne le TDB, nous avons payé les représentations comme si elles avaient été jouées grâce au soutien de la ville et de la région. » Cécile Bertin, directrice de l’Arc au Creusot consent : « Le coût d’un spectacle n’est pas couvert pas les recettes de billetterie mais il va être extrêmement compliqué de trouver un équilibre financier. Nous avons la chance d’être fortement soutenus par la ville qui a anticipé à nos côtés l’absence de billetterie dès le début de la fermeture. » Simon Lépine, chargé de communication et graphiste de l’Association bourguignonne culturelle (ABC) insiste lui sur le rôle crucial des mécènes, notamment en cette période d’incertitudes économiques. « Il est très important que nos mécènes, essentiellement des entreprises locales comme le Crédit Agricole de Champagne-Bourgogne, l’imprimerie Estimprim ou encore la Maison Briottet, continuent à nous soutenir. » Emmanuelle Ansaldi, déléguée au mécénat et aux partenariats entreprises à l’Opéra de Dijon insiste à son tour sur l’importance de l’implication des entreprises dans le projet de la maison. Le mécénat joue un rôle déterminant sur le territoire, un rôle moteur ayant un impact sur l’accès à la culture auprès des collaborateurs, des partenaires, des clients mais aussi au service des individuels, des scolaires… « Depuis 2012, le service mécénat propose plusieurs niveaux d’implication qui permettent de répondre de manière individualisée aux envies des mécènes. La programmation de l’Opéra de Dijon offre la possibilité de construire de nombreuses collaborations personnalisées. Après la crise sanitaire et malgré une reprise de l’activité artistique progressive, les entreprises sont déjà mobilisées pour revenir à l’Opéra, considéré comme un lieu d’échanges privilégié pour les clients ou les collaborateurs. Nos entreprises mécènes et partenaires ont la possibilité de se retrouver plusieurs fois dans l’année : visites des coulisses, rencontres avec les artistes d’une production… Des moments privilégiés qui permettent aux entreprises de se reconnaître dans l’investissement et le savoir-faire fournis par toute l’équipe en amont et pendant une représentation. Nos mécènes et nos partenaires, qu’il s’agisse de PME ou de grands groupes sont à la recherche d’opportunités de s’impliquer en faveur du territoire au service d’un établissement ayant un rayonnement d’envergure européenne. Les entreprises choisissent de s’impliquer principalement sur la création artistique. Le Crédit Agricole Champagne-Bourgogne, mécène Prestige, soutient deux productions majeures par an et la Banque Populaire Bourgogne-Franche-Comté soutient quant à elle une résidence d’artiste. Le mécénat permet également au public éloigné d’accéder à la culture : grâce à Transdev, l’opération “Opéra à votre porte”, permet aux habitants de communes de la région d’assister à des spectacles en mettant des cars à disposition. Par ailleurs, EDF a choisi de s’impliquer sur ce même axe, à destination des scolaires. La Fondation SNCF, inter- vient quant à elle sur un projet solidaire entre les personnes âgées d’un Ephad et des enfants d’une école élémentaire. Il ne fait donc aucun doute que la finalité du mécénat à l’Opéra de Dijon est de rapprocher, de rassembler davantage autour de projets culturels forts ».


LA TRENTE-QUATRIÈME ÉDITION DU D’JAZZ NEVERS FESTIVAL SE PRÉPARE

Chaque année, le D’Jazz Nevers Festival attire jusqu’à 10.000 spectateurs.

Prévu du 7 au 14 novembre 2020, le DJ’azz Nevers festival est lui aussi soumis aux aléas sanitaires. Qu’importe, comme le martèle son directeur, Roger Fontanel, « la 34e édition du D’JAZZ Nevers festival aura lieu. C’est une volonté farouche de l’équipe. Il est impensable que ça n’ait pas lieu et que les artistes ne se produisent pas. Par conséquent, toutes les hypothèses ont été envisagées. Quoiqu’il en soit, nous ne communiquerons pas sur la programmation avant la mi-septembre. Même si elle était déjà ficelée au moment du confinement, on ne tranchera qu’à la fin du mois d’août en fonction de l’évolution de la situation que nous suivons de très près. Nous sommes d’ailleurs très interrogatifs. La venue de certains artistes, notamment ceux qui viennent de l’autre côté de l’Atlantique, pourrait être compromise… Nous restons donc très prudents. » Inscrit dans le paysage culturel national et européen, ce festival accueille chaque année entre neuf et 10.000 spectateurs. « Entre 26 et 30 représentations sont généralement proposées sur une semaine avec une moyenne de trois à cinq concerts par jour pendant le festival », expose le directeur.

STAY SAFE, STAY DJAZZ

« Dans nos scénarios envisagés, tout sera fait pour garantir la santé et la sécurité du public, assure-t-il. Nous avons d’ailleurs créé le hashtag #staydjazz. Il s’agit d’un clin d’œil aux multiples initiatives positives taguées (#staysafe, #stayhome etc.) sur les réseaux sociaux pendant la période de confinement. C’est une manière de rassurer le public et de l’encourager à retrouver le chemin des salles. Les spectateurs risquent d’avoir des réticences à fréquenter les lieux de spectacles. Surtout quand on sait qu’une grande partie du public de spectacle vivant est âgée de 50 à 60 ans et plus, donc un public à risques. L’autre crainte que nous avons concerne les difficultés financières que pourraient rencontrer les spectateurs en raison de la crise économique qui se profile. C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre politique tarifaire particulièrement avantageuse. Nous proposons par ailleurs des concerts gratuits, d’autres à cinq et dix euros. Tout est fait pour que les spectacles soient abordables et que le prix ne freine pas la venue du public ».

Roger Fontanel reste confiant : « Je pense que le public aura envie de partager des émotions collectivement, après plusieurs mois de confinement, les spectateurs sont dans l’attente. » Il détaille : « Un festival est différent d’une saison. Il y a davantage de dynamique, le sentiment de partage est encore plus fort et notre public y est particulièrement attaché. On espère donc l’engouement du public qui a toujours manifesté une grande curiosité. »


SCÈNES DU JURA : QUE LE THÉÂTRE SOIT AU CŒUR DES VIES

Nommé directeur des Scènes du Jura en juin 2019, Cédric Fassenet a d’abord fait ses armes au sein de l’association Spectacles Vivants en Auvergne lors d’un stage avant de rejoindre la scène nationale de Marseille. Puis pendant deux ans, il a été attaché culturel adjoint à l’ambassade de France de Jakarta avant d’intégrer la scène nationale de Châlons-en-Champagne. Il a ensuite intégré les Scènes du Jura en tant qu’administrateur, il y a une quinzaine d’années, puis y a été nommé directeur adjoint et enfin, directeur. Après une première année durant laquelle il a poursuivi le projet de son prédécesseur, Virginie Boccard, tout en affrontant la crise sanitaire, Cédric Fassenet peut désormais « faire corps » avec son nouveau projet artistique. Ce dernier s’intitule « Faire corps, des sensibilités à l’écoute des espaces de vie » et entend interconnecter les femmes et les hommes qui vivent, agissent et créent sur le territoire. « Faire corps c’est être solidaire, soutenir des initiatives, créer de la synergie et impulser une dynamique commune. Le but de ce projet est donc de réunir, autour des arts et de la culture, des individus d’horizons différents. La volonté phare du projet est de placer le théâtre au cœur de la ville et au cœur des vies », explique- t-il. Pour cela, de nombreuses nouveautés vont éclore pour la saison 2020-2021. « Le but est de favoriser les échanges, les rencontres et de créer des lieux de convivialité. Nous avons donc mis en place des after et des before autour des spectacles, on travaille avec des scénographes sur un dispositif plus accueillant pour les jeunes et les familles et nous mettons en place une garderie éphémère pour les enfants de trois à 11 ans. Ces derniers seront encadrés par des animateurs pendant la durée des spectacles durant lesquels ils se livreront à de nombreuses activités. Cette initiative nous paraissait indispensable pour briser les difficultés que peuvent rencontrer les jeunes parents pour accéder à un spectacle. »

Les freins justement, risquent de se multiplier en raison de la crise sanitaire. « On craint en effet une diminution de la fréquentation liée à la peur du virus et à la baisse du pouvoir d’achat chez certains. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre un terme aux abonnements. Cela va nous permettre d’être plus flexibles et d’ouvrir à des publics qui ne viennent pas naturellement. » Les Scènes du Jura proposent également des billets suspendus. C’est le même principe que les cafés suspendus apparus au XXe siècle en Italie. Dans les bars de Naples, des clients consommaient un café mais en payaient deux. Le deuxième était destiné à un client nécessiteux. « Aux Scènes du Jura, le public pourra acheter un billet supplémentaire qui sera ensuite offert à quelqu’un qui n’a pas les moyens d’assister à une représentation. On peut aussi envisager que les partenaires et les mécènes allouent une somme supplémentaire affectée aux billets suspendus. Ce concept sera une première ici mais ça fonctionne plutôt bien dans d’autres établissements culturels alors nous avons voulu tenter l’expérience », motive Cédric Fassenet. Élaboré il y a un an, le projet de Cédric Fassenet va probablement subir des ajustements en raison du contexte sanitaire. « Le rôle du spectacle vivant est de rapprocher les gens. Si on doit garantir une certaine distanciation physique, on s’adaptera. Au niveau des jauges, nous avons étudié pour que ce soit économiquement tenable avec un tiers de public en moins. La distanciation va malgré tout dépendre de la configuration des salles. Nous avons par ailleurs retardé la mise en vente de la billetterie au mois de septembre pour pouvoir s’adapter aux réglementations qui risquaient de tomber d’ici là. »

Proposé en février, Je suis Vert ! traite de la disparition de l’humanité avec humour.
Cédric Fassenet, directeur des Scènes du Jura.
La vie de Galilée en janvier.
Les Poupées de Marine Mane mêlent danse, arts plastiques et création sonore. À découvrir du 7 au 9 octobre.

ARTISTES RÉGIONAUX, ILS SE CONFIENT SUR LE CONFINEMENT…

Comme beaucoup de Français, les artistes sont restés enfermés chez eux durant les mois de confinement. Annulations, pertes de cachets, inactivité, manque du public et angoisses sur l’avenir. Pour maintenir le lien avec leurs fans, beaucoup ont troqué la scène pour les réseaux sociaux. Originaires de Bourgogne Franche-Comté ou installés dans la région depuis plusieurs années, les artistes se sont livrés sur leur quotidien pendant le confinement.

Daniel Fernandez, guitariste et chanteur dijonnais

« J’ai plutôt bien vécu le confinement car je me suis exilé chez un ami qui habite un village de Saône-et-Loire juste avant le confinement pour enregistrer un album solo. J’ai travaillé comme jamais ! S’enthousiasme-t-il. Je me suis lancé comme défi d’enregistrer l’album en une seule prise comme à l’époque où il n’y avait pas d’ordinateurs, mais ça demande du temps, de la concentration… Je prends donc le temps et ce confinement a été très propice. Pour garder le contact avec le public pendant le confinement, j’ai très vite mis en place un rendez- vous quotidien sur ma page Facebook. » Tous les soirs à 21h21, l’artiste dévoilait une chanson de son album accompagnée d’une mise en scène pour le moins originale avec des objets de la maison où il était confiné. « En tout, j’ai fait 23 soirs et 15 de mes nouvelles chansons ont été diffusées. C’est très vite devenu un rendez-vous apprécié des gens et j’avoue avoir ressenti du trac à chaque fois ! Jouer devant un téléphone, c’est plus déstabilisant qu’un vrai concert, on n’a vraiment pas l’habitude », révèle-t-il. S’il espère sortir son prochain album à l’hiver 2020, Daniel Fernandez tente pour l’instant de contrebalancer les effets des annulations de contrats en se produisant dans des concerts privés : « La demande pour les concerts privés à domicile a explosé depuis le déconfinement. J’ai énormément de demandes. C’est une excellente nouvelle car le contact avec le public m’a terriblement manqué pendant ces deux mois de confinement. J’ai d’ailleurs l’impression que le public est beaucoup plus à l’écoute qu’avant. »

Céline Chatelain, comédienne jurassienne et fondatrice de la Compagnie L’oCCasion

« Quand on a appris la fermeture des écoles et des universités je donnais une formation à des étudiants sur l’art de rue. Nous préparions un projet qui devait se jouer dans l’espace public qui est donc tombé à l’eau. Le vendredi 13 mars, le dernier jour de cours, j’ai donc donné à mes étudiants un exercice. Ceux-ci devaient réfléchir sur la manière de transformer artistiquement les informations sur la situation sanitaire qui venaient d’être communiquées. Ainsi, de petites scénettes ont été jouées juste avant la fermeture de l’université. Avec humour, légèreté, délicatesse, peur et parfois colère, les étudiants ont pu expulser leurs angoisses. Cet exercice leur a aussi permis de réfléchir à comment, dans un état de crise, l’artiste peut transformer les choses , se souvient celle qui s’est découvert une vocation en suivant les cours de la section théâtre du lycée de Salins-les-Bains il y a plusieurs années. Comme beaucoup de mes confrères, j’ai dû affronter des annulations de dates. Pendant le confinement, j’ai eu le sentiment de ne pas pouvoir avancer, il fallait sans arrêt reculer les dates et réajuster les plannings. Le plus difficile était de garder espoir et de réussir à se projeter puisqu’on avançait à tâtons. » Céline Chatelain relève par ailleurs le manque terrible causé par l’absence de lien avec le public : « C’était pesant de se demander quand est-ce qu’on allait à nouveau pouvoir rencontrer les spectateurs, dans quelles conditions, etc. Cette crise a été l’occasion de réinventer notre rapport au public et de penser différemment nos métiers. En tout malheur il y a du bon, ce sont ces points qu’il faut donc retenir », sourit-elle avant de compléter : « D’un point de vue économique, on pressent que le haut de la vague est devant nous. Les mesures prises par le gouvernement pour notamment soutenir les intermittents constituent une belle bouée mais ça ne réglera pas tout. La situation risque d’être très rude dans un an. Il faudra donc miser sur la solidarité et envisager de réinventer collectivement le monde du spectacle vivant afin d’éviter le gros coup de faucheuse dans quelques mois ». Elle termine : « On a faim de culture et d’art. On l’a bien remarqué pendant le confinement lors duquel les gens se sont remis à lire, se sont replongés dans des cultes du cinéma…On a besoin de culture autant que d’air pour respirer. »

Guillaume Aldebert, auteur-compositeur-interprète installé à Besançon depuis de nombreuses années

« Le confinement ne s’est pas trop mal passé car on a la chance d’avoir une assez grande maison avec un jardin et avec la météo qu’on a eu, on était très souvent dehors avec mes trois enfants », se rappelle Guillaume Aldebert. S’il avait finalement peu de temps à consacrer à son art car il devait s’occuper de ses enfants en bas âge, il a néanmoins été très présent sur les réseaux sociaux. Sa tournée dans les différentes pièces de sa maison, baptisée « Le tour de la maison », au cours de laquelle il a notamment invité des artistes avec qui il avait déjà collaboré, a remporté un franc succès. « Cela a surtout été un moyen de m’occuper, raconte-t-il. Puis, à la demande des fans et de France télévisions, j’ai composé la chanson Corona Minus afin de préparer les enfants aux gestes barrière à appliquer notamment à la sortie de confinement. Tous les revenus des droits d’auteur ont été reversés à l’association Emmaüs Connect qui combat l’exclusion numérique. Le but de cette chanson était d’aborder le virus sur un ton léger et décalé. » Comme beaucoup de ses confrères, Guillaume Aldebert qui prépare actuellement l’album Enfantillages 4 dont la sortie est prévue pour la fin du mois d’août 2021, a ressenti un vide profond sans son public : « C’est ce qui me donne de l’équilibre. J’ai besoin de l’adrénaline que me procurent les spectateurs ». Concernant la reprise des activités culturelles, l’artiste voit d’un bon œil les dernières annonces : « On pourra faire des concerts dans certaines conditions. C’est une bonne nouvelle car la distanciation était le gros point noir qui bloquait tout et, économiquement, pour tous les acteurs du spectacle, ce n’était pas possible. On sait que nous allons devoir vivre avec le virus, ce sera long et pénible mais nous sommes de métiers où l’on s’adapte. Nous sommes rompus à l’exercice puisque nous sommes souvent dans le compromis. Nous avons donc les dispositions pour mous adapter. Malgré tout, on craint pour la culture. Ce n’est pas un secteur qu’on voyait décliner à ce point. J’ai des techniciens qui ne travaillent que sur scène et qui ont l’impression que leurs métiers n’existent plus. Ils ont les deux pattes coupées et vivent un vrai cauchemar ». Il revendique l’importance de la culture : « C’est ce qui nous transcende, nous fait avancer, communiquer. La culture est ce qui nous fait nous aimer. À titre personnel, la culture est ce qui me fait tenir debout. C’est essentiel comme la santé. De mon point de vue, dire que la culture n’est pas une priorité reviendrait à dire qu’il faut arrêter de se parler, de s’embrasser, de rêver car ce n’est pas utile… »


UN ÉTÉ ANIMÉ AU CŒUR DE DIJON

Jours de fête, Clameur(s), le festival Kultur’mix, D’jazz au jardin ou encore Lalalib, le concert de gratuit organisé par la ville de Dijon en partenariat avec La Vapeur… En tout, une centaine de manifestations culturelles se déroulant à Dijon ont été annulées cette année pour cause de coronavirus. « Cependant, la ville et ses partenaires associatifs et culturels ont mis en place une saison culturelle avec plus de 200 rendez-vous en juillet et août. Ces derniers ont accueilli plus de 6000 spectateurs en juillet et largement tout autant en août. Sans compter le maintien du festival Garçon la note ou encore les Halles festives Festiv’halles tout l’été avec l’extension des terrasses et des animations chaque soir », exprime Christine Martin, adjointe au maire de Dijon en charge de la culture.

La compagnie de ballet contemporain Alonzo King Lines Ballet se produira à L’Arc le 5 décembre.

Tesseract, explore un monde aux frontières du cirque, de la sculpture et de la vidéo. Les17et18 décembre à L’Arc.

Les Enfants c’est moi par la Compagnie Tourneboulé le 22 novembre à l’Arc.

La Dame en Verte garantit un voyage burlesque et hilarant à L’Écrin.

Ils n’avaient pas prévu qu’on allait gagner, du 17 au 21 novembre au Théâtre Dijon Bourgogne.

How deep is your usage de l’art ? mis en scène par Benoît Lambert au TDB. Du 12 au 15 février 2021.

The new numer order d’Annabelle Pulcini, présenté dans le cadre du festival Art Danse (Dancing CDCN Dijon).

Une miette de toi mêle théâtre, musique et objets. À découvrir le 19 septembre à La Minoterie.

La Batsheva Dance Company présentera Hora, le 20 décembre à l’Opéra de Dijon.

La violence des riches, prochainement au Cèdre.

Le Grand Pop à l’Embarcadère.

J’ai rencontré Dieu sur Facebook à L’Embarcadère.

L’Île des esclaves en mars au Théâtre Dijon Bourgogne.

Mis en scène par Clara Bonnet, Tiens ta garde sera proposé en mai au TDB.

Rare Birds en octobre à L’Arc.

L’Écrin a ouvert en mars 2019.

Chansons contre ! à L’Embarcadère.

Saï s’est produit en 2012 lors du festival Garçon la note !

Les carnets d’Albert Camus au Cèdre.

Idem Collectif à L’Association culturelle bourguignonne.

Les visiteurs du MuséoParc Alésia ont jusqu’au 8 novembre pour apprécier l’actuelle scénographie de l’exposition permanente.

Le MuséoParc Alésia participe pour la première fois à l’évènement Fantastic Picnic.

Un jardin de silence en mars à l’Association bourguignonne culturelle.

Les Roller brass band à l’Embaracadère.