La sécurité s’est invitée dans cette campagne, même si elle n’est pas une compétence régionale. D’autres thèmes viennent alimenter le débat qui existe entre les cinq principaux candidats. Tour d’horizon des propositions et des positions de Jean Rottner, Aurélie Filippetti, Laurent Jacobelli, Brigitte Klinkert et Éliane Romani, avant le premier tour qui aura lieu le dimanche 20 juin.
1. Le Grand Est
Sa nature et ses contours font l’objet d’un débat instauré par le Rassemblement national. C’est la première priorité de Laurent Jacobelli : « Le rétablissement de l’Alsace, de la Champagne-Ardenne et de la Lorraine comme Régions de plein exercice », explique-t-il dans un tract où il apparaît aux côtés de Marine Le Pen. Les autres candidats balayent cette hypothèse mais affirment leur volonté de préserver les identités des trois anciennes régions et de favoriser la proximité.
Jean Rottner (LR) refuse « une décentralisation qui viendrait de Paris. C’est à nous de l’inventer. Nous devons être force de proposition. Les gouvernements locaux doivent mieux s’entendre, mieux travailler ensemble », explique le président sortant.
Aurélie Filippetti souhaite changer le mode de gouvernance trop alsacien de la Région. « Il faut remettre de la politique de proximité », souligne la tête de liste de l’Appel inédit quand Éliane Romani (EELV ) veut rétablir « une équité entre les territoires, favoriser leur diversité. Cela passe, par exemple, par l’expression des langues régionales. Les écologistes sont régionalistes, attachés à la subsidiarité ». Enfin, Brigitte Klinkert (LREM) prône « un choc de décentralisation. Notre projet c’est la proximité. Nous voulons une reconnexion avec la réalité dans le respect des identités des régions historiques ».
2. La crise
Jean Rottner martèle son ambition de faire du Grand Est « le quartier général de la vie d’après ». La crise a rendu les mesures économiques plus essentielles que jamais. Pour le président sortant, cela passe par une relocalisation des entreprises avec la volonté d’atteindre le chiffre de « 500 entreprises relocalisées avant la fin du mandat et de multiplier par deux le nombre de start-up en région ». Du local aussi avec Éliane Romani qui envisage de « soutenir en priorité les entreprises qui créent des emplois locaux ». Du local toujours pour Aurélie Filippetti qui souhaite que « le Made in Grand Est soit partout privilégié. La commande publique sera exemplaire pour produire et consommer local ». L’ancienne ministre de la Culture envisage également la relocalisation d’entreprises, et l’extension du dispositif Territoire zéro chômage à l’ensemble de la Région.
« Nous simplifierons l’accès aux dispositifs d’aides et lancerons un plan d’investissement de proximité avec les maires, les élus locaux et tous les acteurs de l’économie », annonce, pour sa part, Brigitte Klinkert.
Pour Laurent Jacobelli, il s’agit « d’épauler les TPE-PME qui créent de l’emploi local, relocaliser des entreprises ».
3. La jeunesse
Malmenés par la crise Covid et ses conséquences, les jeunes sont au cœur de cette campagne des régionales. Aurélie Filippetti veut instaurer un grand « plan Marshall pour la jeunesse ». Il contiendrait, entre autres, « une aide alimentaire régionalisée, la gratuité des transports régionaux pour les 15-25 ans, 500 contrats d’emplois-étudiants, une agence immobilière sociale régionale ».
C’est sous le thème « Vivre enfin » qu’Éliane Romani rassemble ses mesures pour les jeunes, dont la plus significative est la mise en place d’un revenu de transition écologique à 1 000 euros par mois. Elle aussi souhaite rendre gratuits les transports scolaires et régionaux pour les moins de 25 ans. La tête de liste écolo milite encore pour la mise en place d’un pass jeunesse 18-25 ans pour l’accès à la culture et à la santé. Sous le thème « Rendre la formation accessible à chacun », Jean Rottner propose trois mesures fortes en faveur des jeunes : « La création d’un pass-mobilités formation d’une valeur de 1 000 euros pour 10 000 jeunes entrant en formation chaque année, l’abandon des comptes personnels de formation des jeunes en échec scolaire afin qu’ils puissent intégrer un cursus dans les secteurs porteurs, le lancement d’un grand plan de création de 2 000 logements écoresponsables à loyer modéré pour les étudiants et les jeunes en formation ».
Enfin, Brigitte Klinkert affirme : « Nous ne laisserons aucun jeune au bord du chemin. Nous mettrons en place un parcours personnalisé et individualisé pour chaque jeune. La priorité sera l’insertion professionnelle des jeunes : la formation professionnelle, l’apprentissage, le bilinguisme. Nous créerons une véritable bourse aux stages régionale pour proposer à chacun une première expérience professionnelle. Nous développerons un service de l’insertion et de l’emploi qui associera étroitement les entreprises. »
4. Les mobilités
En Lorraine, avec la proximité du Luxembourg, les mobilités sont un enjeu de campagne. « Il est temps de mener la révolution des transports pour garantir à chacune et chacun la possibilité de se déplacer rapidement, facilement et au prix le plus faible possible », estime Brigitte Klinkert.
Pour Éliane Romani, l’écologie est le marqueur de cette compétence régionale. Elle souhaite « investir dans les mobilités décarbonées et coopératives, mettre sur la table 1 milliard d’euros pour rouvrir et moderniser les lignes ferroviaires de proximité, relancer le transport du fret fluvial et ferroviaire ».
Jean Rottner envisage, quant à lui, « de faire circuler 50% de trains supplémentaires sur le réseau régional, de faire des gares des lieux de vie où se trouveront des espaces de travail, des commerces ou des points santé, d’installer une station d’autopartage par gare TER et de déployer un grand réseau de voies et d’autoroutes sécurisées maillant l’ensemble du territoire dans le cadre d’un grand plan régional en faveur du vélo ».
« Le train partout et pour tous », résume Aurélie Filippetti. La cheffe de file de l’Appel inédit veut « la gratuité des transports pour tous, notamment pour les frontaliers vers le Luxembourg, augmenter la fréquence des TER, rétablir la présence d’agents dans les gares, améliorer ou rouvrir certaines dessertes essentielles pour le territoire et mener à bien le projet de gare multimodale à Vandières ».
5. La sécurité
Ce n’est pas une compétence régionale, rappelons-le, elle est pourtant présente dans presque tous les programmes des candidats. Deuxième des priorités du RN qui souhaite instaurer « un pacte régional de sécurité doté d’un budget annuel de 150 millions d’euros », elle s’affiche en tête du programme de Jean Rottner qui souhaite « garantir à chacun le droit de vivre en sécurité ». Pour cela, il entend soutenir « les communes désireuses d’investir dans leur police municipale et appuyer à hauteur de 50% celles qui souhaitent s’équiper de caméras de vidéoprotection. L’installation de caméras se poursuivra dans nos lycées et nos gares. Nous ferons des violences faites aux femmes une grande cause régionale et financerons des espaces d’accueil d’urgence en proximité pour celles qui quittent leur domicile. Nous préviendrons le harcèlement scolaire par un effort de formation supplémentaire associant notamment les acteurs du transport. »
Brigitte Klinkert souhaite être aux commandes « d’une Région qui protège. La Région se mobilisera pour assurer la sécurité de ses habitants. Promotion de la citoyenneté et des valeurs de la République, sécurité publique et sanitaire, nous répondrons présent avec nos compétences en soutenant les élus locaux », plaide la ministre.
Éliane Romani ne consacre pas de chapitres particuliers de son programme à la sécurité mais elle remarque : « Ceux qui parlent de sécurité ont pris des décisions qui vont à l’encontre de ce qu’ils disent. Par exemple : supprimer les agents dans les trains. Il faut que les gens puissent voyager en sécurité. C’est un exemple de notre conception de la sécurité ». Mesure également proposée par Aurélie Filippetti qui, elle aussi, ne fait pas de la sécurité une priorité.
6. L’Europe
De par sa position frontalière, la région Grand Est est forcément liée à l’Europe. Brigitte Klinkert veut en faire « le plus grand atout » de la Région en « assurant une politique du bilinguisme ambitieuse, en formant nos jeunes aux langues, en renforçant l’offre de transport transfrontalière, et en confortant la coopération sanitaire et administrative qui facilite les échanges du quotidien avec les pays voisins ». Éliane Romani plaide pour un renforcement des liens avec l’Union européenne qui passe notamment par « la proposition à tous les lycéens du Grand Est d’une expérience européenne, la mise en place de Jeux sportifs et culturels transfrontaliers, ou la promotion de mesures de rétrocessions fiscales transfrontalières ». L’Europe n’est pas un thème de campagne de Jean Rottner mais elle est présente dans un certain nombre de mesures, notamment la volonté de « faire de notre situation géographique un atout pour notre économie en intensifiant le travail frontalier » ou encore « la multiplication par deux du nombre de bénéficiaires du programme Erasmus ». Idem du côté d’Aurélie Filippetti qui envisage « des cours de langues frontalières pour les jeunes ou les personnes en reconversion professionnelle ». Il n’est pas question d’Europe dans les dix engagements de Laurent Jacobelli s’exprime ainsi sur la question : « Ce qui nous embête, c’est ce pouvoir supra-national qui impose des normes, des directives qui ne répondent pas aux attentes de la population. En revanche, le Grand Est est inscrit dans une Europe de fait, avec la réalité incontournable des travailleurs frontaliers. Cette Europe-là, intelligente, pourquoi pas? »
7. L’écologie
Impossible de ne pas aborder cette problématique devenue essentielle pour la majorité des citoyens. Écologiste, Eliane Romani fait de cet enjeu le cœur de son programme. Elle annonce ainsi : « Toutes les décisions prises le seront après s’être posé cette question : est-ce qu’on détruit la nature ? » Tous les thèmes du programme de la liste « Il est temps » contiennent des mesures écologistes. Il est entre autres question de la mise en place d’un budget zéro impact pour la biodiversité, de la création d’une agence régionale pour la biodiversité, d’une région zéro déchet, d’une région Grand Est à énergie positive en 2050, d’un modèle économique décarboné ou encore d’une économie biosourcée.
Large place également accordée à l’écologie dans le programme d’Aurélie Filippetti qui préconise la mise en place « d’aides pour la transition vers le bio » et refuse « l’élevage industriel ». Elle milite également contre « l’artificialisation des sols et les implantations logistiques sources de nuisance et destructrices d’emploi dans le commerce de proximité du type d’Amazon ».
Jean Rottner égrène : « Nous soutiendrons le développement en région des substituts aux plastiques primaires dans l’emballage, le textile, l’agroalimentaire et les produits du quotidien dans la prochaine décennie pour supprimer les plastiques qui menacent notre écosystème. Nous favoriserons une agriculture bas carbone et nous nous engagerons pour que l’ensemble des vignobles du Grand Est soit 100% sans herbicides. Nous installerons 1,5 million de mètres carrés de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments de la région. Nous constituerons un groupe régional d’experts sur le climat. Nous planterons un million d’arbres et 1 000 kilomètres de haies ».
Brigitte Klinkert milite pour la région « des emplois verts et de l’énergie ». Elle refuse d’opposer urgence climatique et urgence économique et propose une politique qui concilie écologie et création d’emplois. « Nous voulons être la région européenne de la croissance verte et pour les nouvelles énergies. »
Quant au RN de Laurent Jacobelli, l’écologie arrive en dixième et dernière position avec cette idée : « Veiller au bien-être animal et à la protection de l’environnement ».