Régionales: le Medef veut porter la voix des entreprises

Sophie Garcia, présidente du Medef Occitanie.

Après une année 2020 qui aura fortement perturbé les équilibres économiques de nombreux territoires, le syndicat patronal veut faire entendre la voix des entreprises et les replacer au cœur des débats, à deux semaines des élections départementales et régionales.

Le Medef Occitanie vient de publier, à quelques jours des élections régionales, une liste de 30 propositions intitulée « Nos priorités pour la Région ». Son ambition est de « poursuivre le dialogue » qui s’est instauré pendant la crise de la Covid-19 entre les différents acteurs : État, Région et entreprises, et plus largement de « replacer les enjeux des entreprises au cœur des politiques régionales ». « Nous craignons que la capacité que nous avons eue de travailler ensemble, avec le Conseil régional et la préfecture de région, dans le cadre de la gestion de la crise, ne s’étiole et qu’une fois cette page tournée, chacun recommence à mener sa politique de son côté », explique Sophie Garcia, présidente du Medef Occitanie.

Ces 30 propositions sont le fruit d’un travail de trois mois mené par l’organisation patronale auprès de ses adhérents. Le Medef Occitanie, qui vient d’en accueillir deux nouveaux (l’Union des conseils en communication [UCC] et l’UMIH Occitanie), regroupe 24 branches et fédérations professionnelles, représentant 25 000 entreprises. Sur les 189 propositions formulées, 30 seulement ont donc été retenues. « Nous avons interrogé nos adhérents dans la perspective des élections régionales pour porter nous-mêmes des propositions que nous avons voulu concrètes », précise Sophie Garcia.

LA VOIX DES ENTREPRISES

Dix priorités ont été listées, la première étant d’associer durablement les entreprises à l’élaboration des grands plans régionaux tels que le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ou le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII). « Il est dommage que nous ne soyons consultés qu’en bout de course, alors que ces plans sont la base du développement économique sur le territoire. Nous voulons être consultés en amont », détaille Sophie Garcia qui souhaite également que les entreprises soient représentées dans les instances de gouvernance d’Ad’Occ, l’agence de développement économique, de l’Arec (agence régionale énergie climat), de l’Aris (agence régionale des investissements stratégiques) ou encore de l’Agence des Pyrénées, créée en avril dernier et dédiée au développement et à la préservation du massif. « La crise nous a plongés au cœur du sujet, c’est le moment d’y rester », assure Sophie Garcia.

DES DISPOSITIFS PLUS ACCESSIBLES

La patronne du Medef Occitanie pointe également l’absence de lisibilité des dispositifs d’aide et d’accompagnement des entreprises, qui se sont multipliés depuis le début de la crise. « Nous n’allons pas nous en plaindre. Cependant nos adhérents ont mis en exergue les difficultés qu’ils rencontrent pour y accéder : c’est incompréhensible, sachant qu’avant la crise, il était déjà compliqué pour les PME de profiter des différents dispositifs. » Alors que les acteurs institutionnels se plaignent d’une sous-utilisation de ces mécanismes, Sophie Garcia tranche : « Au lieu d’avoir un guichet unique par dispositif, il faut faire un effort de simplification. »

Faciliter l’accès des TPE et des PME à la commande publique est également une priorité. Dans l’Hexagone, la part des PME attributaires se situe aux alentours de 30 % du montant total des marchés. L’Occitanie fait mieux avec un taux de 45 %. Mais selon Sophie Garcia, ce n’est pas suffisant. « On voit encore trop d’attributions de marchés sur le seul critère du prix. Il faut renforcer les critères basés sur la qualité tels que l’égalité salariale, le turnover ou la RSE, énumère la présidente. Les collectivités pourraient ainsi ajouter, en plus des clauses sociales d’insertion (qui visent les publics en difficulté, NDLR), des clauses relatives au nombre d’apprentis, à l’empreinte carbone, etc. »

DES TERRITOIRES PLUS ATTRACTIFS

Le Medef Occitanie formule également des propositions en faveur de l’attractivité du territoire. « Dans ce domaine aussi, il y a des choses concrètes à faire », assure Sophie Garcia, citant en exemple la création d’une cité du vin à Béziers, à l’image de celle dont Bordeaux s’est dotée, « un projet dont on parle depuis 10 ans », sans aboutir jusque-là. Plus globalement, les besoins en la matière sont importants, estime la dirigeante, qu’il s’agisse d’infrastructures numériques, routières ou ferroviaires. « Avec 6 % de chômage, le Gers connaît d’importantes difficultés de recrutement, et ce quel que soit le secteur. Or il n’y a pas d’autoroute dans le département, seulement 40 km de deux fois deux voies. Comment faire pour se développer dans ces conditions ? », s’interroge-t-elle. Sophie Garcia se dit ainsi favorable au développement des tiers-lieux, pointant les initiatives du groupe Action Logement qui travaille sur le corpoworking ou du Conseil régional qui s’est engagé dans une démarche de labellisation des tiers-lieux. « Ils représentent une opportunité d’irriguer de façon plus efficace les territoires, particulièrement dans les zones rurales, très importantes en Occitanie, qui connaissent des difficultés de recrutement majeures », indique la présidente. Selon l’organisation patronale, le développement des territoires passe également par « une gestion raisonnée du foncier ». « L’objectif zéro artificialisation nette (qui vise à réduire par deux le rythme d’artificialisation d’ici dix ans et à atteindre le zéro artificialisation nette en 2040 en région, NDLR) devient absurde lorsque le pouvoir de décision n’est pas délocalisé au plus près du terrain », assure ainsi Sophie Garcia qui déplore une application trop restrictive du principe, empêchant le développement d’activités économiques au cœur des territoires ruraux déjà touchés par la désertification.

ACCOMPAGNER LE REBOND

Si Sophie Garcia ne nie pas qu’un rebond économique se dessine, la dirigeante demeure prudente. « Les PME sont globalement endettées, du fait des prêts garantis par l’État (PGE). 80 % de celles qui en ont contracté un demandent le report de son remboursement. Mais que va-t-il se passer ensuite ?, s’inquiète-t-elle. Pour pouvoir rebondir, ces entreprises vont aller voir leur banquier. Or, on observe déjà des refus de financement d’investissement ou de renouvellement de lignes de crédit… Il y a un véritable risque qu’il faut anticiper. » Pour accompagner la reprise, le Medef Occitanie énumère ainsi une série de propositions telles que l’octroi de « subventions à l’investissement post PGE pour les entreprises à faible marge », ainsi que l’attribution d’avances remboursables « pour favoriser l’investissement ». Il suggère également la création de mécanismes de cautionnement et de garanties en vue d’« attirer de nouveaux investisseurs » mais aussi l’institution de nouveaux dispositifs pour « renforcer les fonds propres » des entreprises. Le gouvernement a déjà acté la mise en place, à l’échelle nationale, de dispositifs de renforcement des capitaux propres, sous la forme des nouveaux prêts participatifs. « Sauf que l’État pose deux conditions : que l’entreprise aille bien et qu’elle ait des projets. Mais dans ce cas, cette entreprise va voir son banquier et obtient un financement à un meilleur taux que celui octroyé dans le cadre des prêts participatifs ! », assure Sophie Garcia. La dirigeante appelle donc de ses vœux la création d’un fonds au niveau régional, sachant que des dispositifs analogues existent déjà en faveur de la filière aéronautique et du tourisme. « Il faut que le rebond soit beaucoup plus général, et notamment que les entreprises du secteur des services, qui constituent la majorité du tissu économique, soient elles aussi considérées », affirme-t-elle.

Sophie Garcia, qui s’inquiète du nombre élevé de cautions personnelles pesant sur les dirigeants, souligne aussi l’urgence de mettre en place « un fonds d’indemnisation » spécial Covid pour éviter la mise en jeu de ces sûretés du fait des difficultés liées à la crise. Un autre phénomène, accéléré par la pandémie, suscite également son inquiétude, à savoir, l’augmentation du nombre des transmissions et reprises d’entreprise. « On sait que d’ici cinq ans, 35 000 entreprises seront à reprendre, ce qui représente 80 000 emplois. De nombreux acteurs sont dans la boucle, mais c’est insuffisant : l’offre et la demande ne sont pas clairement maillées. C’est un vrai sujet en Occitanie. D’ailleurs, le Conseil régional en est bien conscient, qui veut jouer un rôle moteur. Il faut absolument que ce marché soit structuré car aujourd’hui, c’est une espèce de nébuleuse », appuie Sophie Garcia.

Outre ce thème « remonté plusieurs fois » parmi les préoccupations des adhérents du Medef Occitanie, la formation est l’autre sujet prégnant. « On manque de formations initiales hors des deux métropoles, observe sa présidente. Les jeunes sont ainsi contraints de se rendre à Toulouse ou Montpellier pour obtenir un Bac + 2, et le danger, c’est qu’ils ne reviennent pas ensuite dans leur territoire d’origine. » Pour la présidente du Medef Occitanie, il s’agit donc de bâtir une offre de formation qui « réponde mieux aux besoins des territoires. Cela fait aussi partie de l’attractivité », assure- t-elle.

Impossible de ne pas évoquer la transition énergétique : le sujet figure en bonne place parmi les 10 priorités ciblées par les adhérents du Medef Occitanie. Plusieurs propositions ont ainsi été formulées. « Le vrai souci, c’est que l’environnement entre dans les entreprises par le biais de la sanction », déplore Sophie Garcia qui redoute notamment l’entrée en vigueur prochaine à Toulouse et dans la métropole de la Zone à Faibles Émissions (ZFE). Elle vise à interdire dans son périmètre la circulation des véhicules les plus polluants, y compris les véhicules professionnels. Ce qui fait réagir la patronne des patrons occitans. « L’offre de véhicules professionnels propres 100 % électriques ou hybrides est aujourd’hui très réduite. Et puis, sachant que ces véhicules sont appelés à faire beaucoup de kilomètres, où sont les bornes de recharge ? Cela va obliger les entreprises à renouveler leur parc beaucoup plus rapidement, d’où notre proposition de généraliser le Pass Green pour favoriser l’écomobilité. » Le dispositif existe déjà à l’état embryonnaire et en fonction du code APE. L’ambition du Medef Occitanie est d’élargir le dispositif en vue d’attribuer à toutes les entreprises une subvention à hauteur de 50 % des investissements en matériel et véhicules propres.

De la même manière, le Medef Occitanie milite pour une évolution du Pass Occitanie qui finance aujourd’hui la transformation numérique des entreprises, notamment la création d’un nouveau site internet, la mise en place d’une stratégie de communication digitale ou encore la formation des équipes au marketing digital. « C’est bien, mais il n’y a rien pour protéger les PME contre les cyberattaques, relève Sophie Garcia, ni pour financer l’achat de portables pour faire du télétravail. Il faut absolument adapter ce pass numérique, et cela hors code APE, parce que tout le monde est concerné. »

Fort de ces propositions, le Medef Occitanie entend bien orienter les débats d’ici la fin de la campagne.