La fumée blanche du futur budget et du plan de relance européen, le plus vaste plan de mesures jamais adopté par les institutions, est enfin arrivée pour sa mise en place en 2021 pour une Europe plus verte, numérique et résiliente, avec un succès revendiqué de la présidence allemande du Conseil dont c’était une des priorités. Reste désormais à faire approuver ces mesures dans tous les États-membres, conformément à leur règle constitutionnelle. Rajoutés aux mesures propres nationales et territoriales, ces chiffres donnent un peu le vertige mais justifient des actions nécessaires qui devront néanmoins être pilotées avec soin pour garder confiance.
Le cadre financier, ou budget pluriannuel européen2021- 2027, qui fixe les montants pouvant être dépensés pour financer les politiques annoncées, est le plus ambitieux décidé même avec le départ du Royaume-Uni. Pourtant, avec 1.074 milliards d’euros, il ne représentera toujours qu’un peu plus de 1 % des richesses des États-membres. À comparer aux États-Unis on peut comprendre les différences et puissances d’actions mais il reste en accord avec la politique décidée pour l’instant par les États. Reprenant les terme de la Commission, plus de 50 % du montant soutiendra la modernisation, notamment par la recherche et l’innovation, avec le nouveau programme Horizon Europe, les transitions climatique et numérique équitables par l’intermédiaire du Fonds pour une transition juste et du programme pour une Europe numérique, la préparation, la reprise et la résilience et un nouveau programme dans le domaine de la santé. En outre, le train de mesures accorde une attention particulière à la modernisation des politiques traditionnelles de cohésion et agricole commune afin d’optimiser leur contribution aux priorités de l’Union et la lutte contre le changement climatique, en y consacrant 30 % des fonds de l’UE, soit la part du budget européen la plus élevée jamais enregistrée pour la protection de la biodiversité et à l’égalité hommes-femmes. Notons enfin la baisse du montant prévu pour la défense et la sécurité dans le cadre du budget du fonds de (recherche et de développement industriel) de défense, traditionnelle variable d’ajustement passant de 13 à 8 milliards d’euros. Le financement du budget général continuera à être assuré par les droits de douane, les contributions de TVA et celles sur le revenu national brut, auquel vient s’ajouter un nouvel outil lié aux déchets d’emballage en plastique non recyclés.
Un instrument complémentaire et temporaire de relance semi libéral keynésien et quasi plan Marshall sans aide étasunienne baptisé « Next Generation » de 750 milliards d’euros, d’initiative franco-allemande, y a été rajouté pour une négociation globale opportune. Avec autant de subventions que de prêts, il doit viser les régions et secteurs les plus touchés par la crise notamment pour une Europe de l’après-Covid-19 plus verte, plus numérique, plus résiliente et mieux adaptée aux défis actuels et à venir. Notons que 70 % des subventions seront engagées en 2021 et 2022, le reste avant la 31 décembre 2023 et avec des paiements différents par pays en fonction de l’impact observé de la crise, avant le 31 décembre 2026. Les fonds mobilisés pour Next Generation EU seront investis d’une part pour soutenir les États-membres en matière d’investissements et de réformes, notamment dans les transitions écologique et numérique à travers 672,5 milliards d’euros dont la moitié de prêts, plus 55 milliards d’euros de la politique de cohésion plus un renforcement du fonds européen agricole, d’autre part en faveur de la cohésion et des territoires de l’Europe à travers 47,5 milliards d’euros via REACT-EU à destination du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD). Enfin, Next Generation EU apportera également des fonds supplémentaires à d’autres programmes ou fonds européens tels que le programme de recherche et de développement Horizon 2020 (cinq milliards d’euros), le programme InvestEU (5,6 milliards d’euros) par effet de levier pour attirer des investissements, le développement rural (7,5 milliards d’euros) ou le Fonds pour une transition juste (FTJ) (dix milliards d’euros) et la protection civile et les opérations d’aide humanitaire extérieure rescUE (1,9 milliard d’euros).
L’originalité réside aussi dans l’utilisation de la force des institutions regroupant les États, telle une grande centrale d’achat, utilisée également pour les marchés du vaccin, permettra d’emprunter sur les marchés de façon plus favorable que si chaque pays l’avait fait individuellement, dans la logique de l’euro, et redistribuera les montants mais après validation du principe par chaque État-membre.
En plus d’un budget propre dédié à la crise, chaque pays a élaboré son plan de relance lié au socle européen avec différentes priorités et choix. Ils ont été transmis aux institutions comme pour l’attribution des aides régionales avec possibilité d’aller emprunter sur les marchés mais avec remboursement commun entre pays sur tout ou partie du plan européen. C’est une sorte de similitude avec le Mécanisme Européen de Stabilité mis en place après les Subprimes. Sauf que cette fois, l’UE elle-même s’est endettée pour éviter de fragiliser les dettes souveraines de chaque pays et de parler de mutualisation de dette, expression non acceptée par certains pays dont l’Allemagne.
La France affiche l’objectif de retrouver le niveau de 2019, avec un effet effacé dès 2025 grâce à un équilibre par l’offre et l’investissement plutôt que focalisé sur la trésorerie, comme en 2008-2010, qui a limité la baisse des investissements et des faillites, mais a couté plus aux finances publiques qu’il n’a rapporté. Il s’agit d’un équilibre entre toutes les entreprises dont un quart pour les PME et un équilibre sur les territoires. Elle prévoit un plan de 100 milliards d’euros sur plusieurs années avec des aides diverses allant des subventions non remboursables, aux prêts et garanties comprenant environ 40 milliards d’euros attendus de l’emprunt de la Commission européenne. Il est toutefois quatre fois plus élevé qu’en 2008, avec 30 % sur l’écologie, 35 % sur le plan industriel et le développement d’activité à valeur ajoutée et 35 % pour la cohésion et la lutte contre les inégalités. Notons la forte mobilisation de Bpifrance chargée de mobiliser 2,5 milliards d’euros pour les actions d’innovation, de modernisation, de développement, cela en plus des 470 milliards d’euros mobilisés pour les entreprises.
Le plan d’accompagnement des entreprises, petites et grandes en passant par les start-up, prévoit des subventions de plus d’un milliard d’euros pour la création (fonds de roulement et d’investissements), 1,2 milliard d’euros de financements non-remboursables, 300 millions d’euros en subventions à l’entrepreneuriat et pour la digitalisation ainsi que 410 millions d’euros sous forme de subventions et de mesures de financement dans le secteur agricole. À cela s’ajoute un programme d’investissement public dans des secteurs clés tels l’infrastructure des transports, l’agriculture, l’énergie, la santé, l’environnement, l’éducation. Un budget estimé à plus de 184 milliards d’euros, pour la période 2020-2030 est mis en place pour développer les nouvelles technologies, le plan hydrogène, les lignes de chemin de fer, le fret, la filière recyclage, les biotechnologies, la rénovation thermique notamment pour les services publics. Une partie des 136 millions d’euros du volet « cybersécurité » devrait échoir aux collectivités territoriales et rajoutons 500 millions d’euros pour l’espace. Notons la baisse attendue des impôts de production pour les entreprises, avec donc de la trésorerie et un essai d’ajustement avec l’Allemagne qui produit à moins de 30 % avec ses PME et donc de la trésorerie, comme pour le CICE, ainsi que des allocations de rentrée scolaire, comme en Allemagne.
Il se rajoute à un fonds de solidarité focalisé sur les pertes de trésorerie, comme en 2008 avec des secteurs et conditions d’éligibilité évolutives au cours des mois, pour un montant fin février de 17.816,84 millions d’euros pour 1.976.439 entreprises surtout en Île-de-France, réparti en 5,4 milliards d’euros dans l’hébergement et la restauration, 2,5 milliards d’euros dans le commerce, 1,5 dans les activités spécialisées techniques et scientifiques, 1,2 dans l’art, le spectacle et les activités récréatives, 1,2 dans les autres activités de service, 889,5 millions d’euros dans la construction, 778,6 millions d’euros dans les services administratifs, 610 dans l’enseignement et 520,3 millions d’euros dans la santé humaine et l’action sociale.
Le plan allemand est également historique pour ce pays et parait à la fois un peu plus ambitieux mais est différent car inclut le fonds de solidarité. Avec 130 milliards répartis d’une part en 50 milliards d’euros pour investir dans les transports, le numérique, la santé, la filière hydrogène et la voiture électrique et d’autre part en 80 milliards d’euros pour le soutien aux ménages (300 euros par enfant) et aux entreprises avec une baisse de TVA pour taux standards (19 à 16) et réduits (7 à 5) jusqu’en fin 2020, soit un manque à gagner pour l’État mais qui peut vivre sur ses richesses acquises. Environ 24 milliards d’euros seront reversés par l’UE. L’Italie dépasse tous les records avec 223 milliards d’euros mais avec une redistribution de 65 milliards d’euros, double de la France. Les redistributions par l’UE, en fonction de la population, du PIB et du taux de chômage, iront également d’environ 60 milliards d’euros pour l’Espagne, 23 pour la Pologne, 16 pour la Grèce, 13 pour la Roumanie et le Portugal, les autres étant en dessous de dix.
Dans les territoires, la région Bourgogne Franche-Comté, en adéquation dans ses limites de responsabilité, a mis en place un « plan d’accélération » de 435 millions d’euros avec 102 mesures pour créer de l’activité et soutenir l’emploi dont 237 millions d’euros pour l’écologie. Il englobe un sous-plan de « reprise » notamment sur l’économie de proximité et l’industrie du futur avec entre autres les projets hydrogènes, d’un plan de « relance » notamment pour la relocalisation, le renforcement du haut de bilan des entreprise et d’un plan « d’urgence » surtout tourné vers le tourisme et l’événementiel, en complément du plan de l’Ademe avec le fonds économie circulaire, le fonds chaleur, le fonds décarbonation entre autres thématiques. Tout cela vient en plus de celui de l’État et de l’Europe dont elle est responsable d’une partie de la mise en œuvre des 105 millions d’euros lui revenant pour accompagner les projets.
Il conviendra de rapprocher cette avalanche de chiffres et d’actions aux autres mesures déjà prises auparavant au niveau institutionnel dès l’apparition de la crise et à certaines réalités dont certains constats à terme mériteront certaines décisions, sans doute non moins courageuses avec ou sans baguette magique, notamment sur le financement et les modes de remboursements prévus pour parler plutôt de stratégie et de tactique à la fois sur les flammes et le coupe-feu avec également un pilotage et un contrôle sérieux d’actions réalistes, réalisables et déterminées dans le temps avec une certaine prise de conscience collective pour éviter tout gaspillage, plutôt que de coups politiques.