Regard ciblé sur l’aviation

Thomas Bessière. Aux côtés de Thibaut Vandebrouk et de trois chercheurs, il a créé une application innovante pour traquer les défauts de monitoring.

En aviation, 48 % des accidents sont liés à une erreur de monitoring. Alors que chaque année, les pilotes doivent effectuer 12 heures de vols en simulateur afin de maintenir leurs compétences, les examens dans les centres de formations évoluent lentement, les inspecteurs manquant d’outils pour analyser les erreurs de monitoring et prendre en compte une multitude de paramètres. Optimiser la formation des pilotes de ligne est ainsi l’objectif que vise Hinfact, la pépite toulousaine créée en 2018 par deux diplômés d’Isae-Supaero, Thomas Bessière et Thibault Vandebrouk, aux côtés de trois chercheurs issus de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace à Toulouse travaillant sur les neurosciences et les facteurs humains, Frédéric Dehais, Sébastien Scannella et Vsevolod Peysakhovich. « Lors des simulations, les instructeurs ne peuvent pas suivre l’ensemble des informations telles que le regard du pilote, les contrôles effectués, etc. puisqu’ils sont placés derrière le cockpit et doivent gérer différents paramètres. Ainsi, nous avons développé une application qui couple l’ensemble des données du simulateur avec une solution d’analyse basée sur l’eye-tracking, la position du regard du pilote jouant un rôle majeur pendant le vol », détaille Thomas Bessière. Cette révolution au cœur des formations de pilotage, qui en parallèle, permet de fournir un support au débriefing pour faciliter les échanges entre instructeurs et pilotes et d’améliorer le processus global, a pour objectif d’adapter les formations actuelles et limiter le rôle du pilote dans les accidents aériens.

Soutenue par le nouvel outil d’investissement régional Ocseed, par la fondation Isae-Supaero, Créalia Occitanie, Bpifrance et la Région, la start-up, qui arrive au terme de son incubation chez Nubbo, planche sur la R & D depuis trois ans. Pour l’heure, la solution est testée dans un centre de formation régional réputé. Les entrepreneurs, qui ciblent trois autres structures dans l’aviation commerciale pour début 2021 et gardent dans le viseur l’aviation militaire, espèrent rapidement se déployer aux USA, en Chine et à Singapour, des pistes étant déjà engagées sur le marché international. Surtout que la réglementation est en passe d’évoluer notamment outre-Atlantique. « Les compagnies aériennes doivent se préparer à absorber ces changements ». Et si la pandémie a particulièrement mis à mal le secteur aéronautique, les signaux restent toutefois au vert pour Hinfact. « Quasiment tous les budgets ont été bloqués mais pour les compagnies, la formation fait partie des sujets prioritaires », souligne-t-il. Cette priorité survient d’ailleurs après le drame des 737 MAX, les pilotes étant montés au créneau pour demander une meilleure formation. Ainsi, la start-up a de beaux jours devant elle, étant leader sur le marché français et répondant à un besoin mondial. « Nos concurrents sont soit des fabricants d’eye-tracking qui n’ont ni l’expertise aéronautique ni l’expérience des facteurs humains, soit des fabricants de simulateurs. Nous sommes à la croisée des chemins ». Regroupant actuellement 18 collaborateurs, la start-up envisage une trentaine de recrutements dès cet automne.