Raymond VI et le mystère des sarcophages


Par Laure Newerkowitsch

En 1997, lors de travaux de rénovation à l’Hôtel Saint-Jean, dans le centre historique de Toulouse, au 32 rue de la Dalbade, ont été découverts des enfeus, des niches funéraires1 destinées à recevoir un cercueil. Entre 2003 et 2006, des sarcophages médiévaux sont mis au jour dans l’ancienne maison hospitalière. Débute alors une fouille préventive. Dans l’un de ces sarcophages, les archéologues ont évoqué très tôt la possibilité d’avoir retrouvé les restes de Raymond VI, comte de Toulouse (1156- 1222) et héritier de Raymond de Saint-Gilles (1041-1105), excommunié par l’Église de Rome à plusieurs reprises pour avoir fait preuve de tolérance envers le catharisme qui s’étendait sur ses terres du Languedoc. 

Les XIIe et XIIIe siècles sont marqués par le développement de ce mouvement jugé hérétique par l’Église de Rome dans le Midi, ce qui provoqua un dualisme entre ces doctrines, engendrant la croisade des Albigeois, organisée par le pape Innocent III (1161-1216). Les Cathares, également nommés les Albigeois dans le Languedoc, rejetaient les sacrements, les indulgences, le purgatoire, le culte des saints et ils ne glorifiaient pas le sacrifice de la croix. Ils ne reconnaissaient pas le pape comme le successeur légal des apôtres.

Pacifiste, Raymond VI ignora, pour sa part, la demande du pape Innocent III de participer à la quatrième croisade (1199-1204). Celle-ci avait pour objectif de reconquérir les lieux saints alors sous domination musulmane. Plus tard, en 1203, le comte de Toulouse refusa à nouveau de se soumettre aux ordres du légat du pape lui intimant de chasser de ses états les propagateurs de la foi cathare. L’Église décida alors de déployer les grands moyens afin d’organiser une répression rapide et efficace. L’année suivante, le pape nomma deux nouveaux prédicateurs, Pierre, abbé de Valmagne et Raoul, chanoine de Narbonne, pour prêcher la foi dans le Midi et combattre l’hérésie cathare. La mort de Pierre de Castelnau, un prêtre catholique de l’ordre cistercien, fut reprochée à Raymond VI qui l’aurait menacé de mort. Selon le pape Innocent III, il s’agissait d’un acte hérétique mené contre l’Église de Rome. L’événement amena le pape à agir, il lança la croisade contre les Albigeois. La tolérance du comte de Toulouse envers l’hérésie cathare lui fit perdre son autorité, ses terres et son statut. Excommunié de nombreuses fois, il ne cessa cependant de se battre afin de reprendre possession de ses biens. Allié des Aragonais depuis la bataille de Muret en 1203, Raymond VI y parvint en septembre 1217. 

Un an plus tard, Raymond VI rejoignit l’ordre des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qu’il encourageait et dont il était devenu proche. Il demanda à être enterré dans l’hôtel des hospitaliers, l’Église de Rome lui ayant refusé un enterrement chrétien suites à ses multiples excommunications. Après sa mort en 1222, sa volonté fut respectée et le corps de Raymond VI de Toulouse ramené dans la cour de l’hôtel. 

Aujourd’hui encore, le contenu de ces sarcophages reste mystérieux, aucun élément scientifique ne prouvant qu’il s’agit bien du comte de Toulouse. Trois corps occupaient ces sarcophages qui n’ont pas livré tous leurs secrets. 

(1) Nelly Pousthomis-Dalle :  Haute-Garonne. Toulouse : Hôtel Saint-Jean, ancien Grand Prieuré des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem : décor peint des enfeus », https ://cutt.ly/sxl1rgj. In : Archéologie du Midi médiéval. Tome 21, 2003. pp. 245-257